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QU'EST-CE QUE LA (LES) COMPETENCE(S)?

"Obscurity is the refuge of incompetence"
Robert Heinlein: Stranger in a Strange Land, p. 309. Avon Books, New York 1961

Voilà une question qu'en principe, automatiquement et sans trop s'interroger, les "DRH" d'entreprises, ceux qu'autrefois on appelait les "chefs du personnel", promus (?) aujourd'hui "Directeurs des Ressources Humaines", parfois peut-être se posent (ou devraient se poser, ou ne se posent pas?), quand un poste devient vacant dans leur entreprise ou leur organisation. Ils doivent alors recruter (ou embaucher) une personne qui occupera ce poste. Ils doivent jauger les candidats qui se présentent, ils s'efforcent d'évaluer leur(s) compétence(s) à exercer la fonction à laquelle on les destine, de manière à s'assurer que cette fonction sera remplie au mieux des intérêts de l'entreprise ou de l'organisation. On pourrait dire qu'ils "expertisent" les candidats, quoique cette expression puisse réveiller, quelque peu malencontreusement, des souvenirs encore récents d'autres expertises présentées devant les tribunaux...

La signification de ce mot de "compétences" peut comporter différentes nuances, partagées avec ces autres mots que sont les "qualifications" et les "attributions". Dans le langage courant, ces nuances ne sont souvent pas bien distinguées, ce qui engendre de fréquentes confusions entre ces trois mots pourtant différents.

Pour mieux comprendre le sens général du mot "compétences", il faut prendre conscience que les "DRH" sont loin d'être les seuls à l'employer mais que, sans le prononcer ni peut-être même y penser "consciemment", tous tant que nous sommes, nous nous servons à tout bout de champ du concept qu'il exprime. Même si nous n'y pensons pas précisément, nous avons tous et en permanence, et dans une multiplicité de domaines les plus divers, notre propre représentation et notre appréciation de nos compétences personnelles et de celles des autres. C'est sur cette conception et sur cette opinion que nous nous basons pour choisir à qui nous nous adressons de préférence pour nous rendre les services que nos propres compétences personnelles, insuffisantes, ne nous permettent pas de nous rendre à nous mêmes, ou pour faire à notre place les travaux dont nous n'avons pas en propre les moyens de les entreprendre ni de les accomplir. Ou encore, ce sont nos activités et occupations personnelles qui ne nous laissent pas le temps de faire, nous-mêmes et aussi bien que d'autres dont c'est le métier, ce qu'alors nous leur confions parce que nous les jugeons compétents pour cela.

Il n'est guère besoin d'être ni sociologue ni psychologue, ni même très instruit ou cultivé pour savoir et comprendre que cette division du travail et la répartition des tâches, ainsi que le développement des spécialisations et des compétences particulières qui s'y rattachent sont la conséquence du fait que l'Homme est un animal social. La division du travail, non seulement permet à chaque individu dans la société de se spécialiser et de devenir plus particulièrement performant (compétent) que les autres dans sa propre spécialité, mais aussi confère à la société dans son ensemble des capacités et une efficacité bien supérieures à celles qu'aurait un simple rassemblement d'individus qui, tous non spécialisés, seraient également mais médiocrement performants (compétents) en toutes connaissances et activités nécessaires et utiles à leur bien-être en général.

En général, nous savons donc fort bien ce que nous entendons par les "compétences" de tous ceux à qui nous demandons, que ce soit contre paiement ou gratuitement, divers services, ou des renseignements, ou de l'information; ou encore, nous savons ce que doivent être les "compétences" de tous ceux à qui nous achetons l'une ou l'autre marchandise. Nous disons que ces personnes sont compétentes dans leur domaine si elles répondent de manière satisfaisante aux attentes de ceux qui s'adressent à elles, dans le cadre de leurs attributions ou de leur métier, de la profession qu'elles exercent et pour laquelle elles ont obtenu la reconnaissance et les qualifications éventuellement, voire officiellement requises.

En pratique et sans plus nous interroger, nous disons habituellement qu'un officier de marine, commandant d'un bâtiment traversant par exemple l'Atlantique, est compétent si, parti en mer, il nous amène, ainsi que son bâtiment, son équipage et sa cargaison, sans encombres à bon port, et s'il rentre ensuite sans avaries à son port d'attache dans les délais prévus. Ceci vaut aussi bien pour le marin pêcheur, dont on apprécie les compétences au fait que, régulièrement, il prend soin de son équipage, de son bateau, et qu'il ramène une bonne cargaison de poisson sans prendre de risques inutiles.
De même, nous pensons que le pilote commandant de bord dont l'avion nous emporte d'un aéroport européen vers une destination lointaine au-delà des mers, lui aussi sans encombres ni acrobaties ni voltige inutiles, pour atterrir en toute sécurité à bonne destination, lui aussi fait la preuve de ses compétences, car il fait bien ce qu'on attend de lui.

Ces critères, nous les appliquons automatiquement, sans y penser expressément, à tous les métiers et à toutes les professions, pour décider si nous pensons que leurs représentants sont compétents. Qu'il soit agriculteur, employé des postes, plombier, médecin, avocat, cordonnier, coiffeuse, ingénieur, tailleur, couturière ou modiste ou que sais-je encore, nous jugeons des "compétences" du professionnel, en premier s'il obtient, oui ou non, un résultat. Ensuite, nous apprécions la qualité du résultat obtenu, nous tenons compte du temps mis pour l'obtenir et enfin, éventuellement nous jugeons de la manière de l'obtenir.

(et parfois, nous nous heurtons aussi à l'impossibilité légitime de satisfaire notre demande, pour diverses raisons dont le professionnel doit alors nous démontrer le bien-fondé, c'est-à-dire qu'il doit nous expliquer en quoi ces raisons ne remettent pas ses compétences en question, quoiqu'elles le rendent incompétent [c'est-à-dire impuissant] à résoudre le problème particulier que nous lui avons posé. Deux cas peuvent alors se présenter: ou bien nous nous sommes adressé "au mauvais guichet" et on nous oriente vers le "guichet d'à-côté", ou bien il n'existe aucun moyen de répondre à notre attente, c'est-à-dire qu'à l'impossible nul n'est tenu, c'est bien connu... mais on nous l'explique! )

J'ai dit plus haut qu'en première approximation, nous appliquons nos critères intuitifs pour juger des compétences des professionnels à tous les métiers et à toutes les professions. Doit-il en aller de même quand il s'agit de "psys" (ayant les qualifications de "psy", c.-à-d. les diplômes et la reconnaissance, et ayant les soins "psy" dans leurs attributions, c.-à-d. le monopole) s'occupant de soigner des malades mentaux psychotiques et chroniques? Qu'advient-il alors de notre concept des compétences? Ce concept reste-t-il valable et utilisable? La question ne mérite-t-elle pas une réflexion approfondie?


Première publication: 28 Novembre 2005
Dernière modification: 28 Novembre 2005

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