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EN GUISE D'ÉPILOGUE POUR CE SITE, EST-CE UN VÉRITABLE ÉPILOGUE, OU UN AVEU DE RÉTICENCE DE MAUVAIS GRÉ, LA LASSITUDE FACE AU SENTIMENT D'INUTILITÉ, OU BIEN ENCORE TOUT CELA À LA FOIS ?

"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux
et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots
".
(La Nuit de Mai)
Alfred de Musset

Le deuxième de nos deux fils, celui qui souffrait d'une schizophrénie dite "résistante" par ceux qui prétendaient le soigner au mieux des connaissances médicales existantes: Eh! Bien, voilà, tout simplement il n'est plus. Peu de jours auparavant, voulant comme d'habitude revenir à toute force - sous divers prétextes délirants - à la maison familiale, incohérent et confus et très en colère il m'avait dit au téléphone en apprenant que ni sa mère (atteinte de DFT sémantique progressive - de PICK - en phase terminale et hébergée en maison de soins psy) ni moi-même, immobilisé et seul à domicile tandis que son frère était en voyage prolongé aux antipodes, aucun de nous n'était capable de l'accueillir ni de lui assurer pour le moment un séjour, fût-il même court, dans des conditions qu'il trouverait acceptables: "Très bien, je vais prendre mes dispositions" m'a-t-il dit. Et c'est son S.N.C. qui les a effectivement prises, ces "dispositions" (inconnues et mystérieuses), dans les heures qui ont immédiatement suivi, sans doute inconsciemment et indépendamment de sa volonté en quelque sorte.

Ces deux enfants que ma femme et moi, qui avions nous-mêmes été des enfants seuls ou "uniques", nous avions imaginé de les avoir et espéré les élever ensemble. Ce deuxième rejeton attendu est né le 23 octobre 1969, dans la "salle" d'accouchements du Service d'Obstétrique du CHU Saint-Pierre à Bruxelles (U.L.B.). Cest ainsi qu'a commencé, en apparence d'abord très banalement, pour lui (mais aussi, accessoirement si l'on peut ainsi dire, pour son frère aîné, de deux ans plus ägé que lui, ainsi que pour ses parents et pour les grands-parents maternels), une "vie"(?) qui allait s'avérer trop brève quoique pourtant fort longuement et excessivement pénible et chaotique (50 années "seulement", mais quelles années!). Cette vie s'est brutalement et définitivement éteinte - sous contention et respiration assistée - (suite à l' asphyxie par "noyade alimentaire" due à une déglutition précipitée et trop volumineuse aboutissant dans ses voies aériennes), dans un lit de l'USI de l'Hôpital de La Citadelle, (Liège) le 27 janvier 2019.

Du temps (lointain?) de mes études de médecine à l'U.L.B. (1951-1958), les "notions" de psychiatrie que recevaient les étudiants, avant de peut-être se spécialiser ensuite en psychiatrie, étaient pour le moins fort succinctes et rudimentaires. Pour la plupart, elles se limitaient à des descriptions plutôt sommaires des manifestations de quelques "maladies mentales" estimées les plus courantes, leurs étiologies n'étaient habituellement pas encore connues, et il en était de même pour les thérapeutiques en ce qui concernait leur spécificité et leur efficacité supposées. Aux innombrables ignorances encombrant toujours ces sujets, l'imagination, la fantaisie et l'éloquence de la rhétorique (le souci d'"élégance" du verbe?) - ou l'éventuel bagoût un peu racoleur - des enseignants psychiatres semblaient venir à leur secours et pouvoir tenir lieu d'arguments, "d'explications", de substituts voire d'expédients crédibles sinon véritablement convaincants pour l'esprit de futurs médecins, prospectifs sans doute encore mais déjà pragmatiques et rationnels (modérément et prudemment respectueux de l'argument d'autorité du Professeur). Dans mon souvenir, ces cours en amphi n'étaient que relativement peu et irrégulièrement suivis (peut-être surtout par un besoin estudiantin de divertissement anodin - quoiqu'irresponsable - contrastant agréablement avec la matière d'autres enseignements tous plus austères). Ils n'étaient guère pris au sérieux.

Il faudra me pardonner de ne pas retracer ici l'histoire médico-psychiatrique et tragique de mon fils désormais disparu. Je n'en ai plus aujourd'hui ni l'envie ni le courage. De plus, je crois avoir enfin compris que l'histoire d'un unique cas psychiatrique n'ajoute à la compréhension de l'illusoire généralisation de ce qu'on imagine être "la psychose" que d'inutiles et peut-être "méchantes" illusions supplémentaires. Ces illusions ne peuvent apporter rien de solide à une véritable connaissance (un vrai savoir) des causes et mécanismes de "la" ou "des" psychose(s) chronique(s). Ce ne sont en soi que de tristes polars basés sur de simplistes hypothèses de départ - des "énigmes" - dont leurs rédacteurs ne fournissent qu'une solution fabriquée d'avance mais soigneusement cachée et qui n'est révélée qu'à la dernière page seulement. Là n'est pas la bonne méthode pour étudier et découvrir la réalité, cette réalité naturelle dont nous faisons et sommes partie et que nous vivons.

Pareille histoire ayant trait aux "aventures" de mon fils Pierre, j'en ai soigneusement rédigé le scénario chronologique et circonstancié (ce qu'un médecin consciencieux et critique appelle une "anamnèse" qui s'efforce d'être aussi neutre et objective que possible) pour en remettre un exemplaire à chacun des différents et multiples acteurs "professionnels" à qui le "malade" a été successivement confié au cours très accidenté de ses pérégrinations en Belgique.
Au fil de ces années, j'ai en effet acquis l'intime conviction que ce document anamnestique que je fournissais ainsi aux thérapeutes de mon fils constituait un complément essentiel et indispensable que la plupart d'entre eux n'auraient sans doute et sans cela pas pris eux-mêmes la peine de rédiger ni d'inclure dans le dossier de leur patient.
Cette conviction m'a aussi persuadé que bien des psychiatres (peu-être pas tous?) encore aujourd'hui influencés qu'ils sont chez nous par les dogmes faussement popularisés et vulgarisés par "la psychanalyse", croient sincèrement connaître toutes les réponses à tous les problèmes existentiels et philosophiques les plus divers voire absurdes, ce qui les encourage à ne pas poser les questions triviales auxquelles ils ne pensent pas. Quand je posais une de celles-ci en leur présence, non seulement ils ne me répondaient pas, mais ils semblaient ne pas m'entendre.
C'est le cas de la polydipsie (ou de la potomanie), symptôme apparu très précocement chez Pierre, suggérant la possibilité d'existence d'un syndrôme de diabète insipide accompagnant les signes psychotiques.. Je l'avais signalé. Il y avait aussi chez mon fils une propension manifeste à tenter d'engloutir avec précipitation des bouchées exagérément volumineuses d'aliments et de les avaler prématurément, ce qui l'amenait bien sûr à "avaler de travers", à "s'étrangler", à "s'étouffer" et faire des apnées qu'on essayait d'arrêter en le secouant ou en le couchant à terre (récits de soignants).
Un premier épisode de tels "incidents" ou "accidents" était déjà survenu précédemment chez mon fils dans sa MSP, ce qui avait nécessité le transfert en urgence dans un centre hospitalier régional. On y avait alors constaté des signes de crise comitiale attribuée aux doses élevées de Léponex (aka Clozapine) combinées à de nombreux autres neuroleptiques aussi divers et variés que d'utilité contestable.
Ce deuxième "accident" a été l'événement décisif et définitivement irréversible. Je crois pourtant qu'il aurait pu être évité.

Il y a quelques années (j'ai malheureusement oublié la date exacte et la source de l'information), j'avais entendu parler d'une psychiatre française du nom de Marie-Cécile Bralet dont on disait qu'elle s'était particulièrement occupée de patients présentant une forme de schizophrénie (kraepelinienne) qui m'a paru rappeler l'affection dont Pierre était atteint. A l'époque, je n'ai pu retrouver cette psychiatre malgré Internet, je me souviens seulement qu'on m'a dit qu'elle avait changé d'adresse et qu'on n'avait pas ses nouvelles coordonnées.
Tout récemment, j'ai retrouvé le nom de Madame Bralet par une recherche Google, et j'ai découvert qu'elle avait défendu, en 2008, une thèse sur ce qui très probablement aurait pu concerner le cas de Pierre. Malheureusement, à la différence de nombreuses thèses françaises de psychiatrie facilement accessibles en bibliothèques "ouvertes", celle-ci reste plus confidentielle et je n'ai pu y accéder. Ce n'est là qu'un exemple supplémentaire du désintérêt que certains milieux universitaires (français ou autres) semblent cultiver pour la diffusion et la connaissance des travaux scientifiques pourtant d'intérêt pour la communauté scientifique toute entière.
Bien sûr, il était de toutes façons trop tard, et les psychiatres praticiens belges ont-ils le temps et le besoin de lire les thèses?

Le présent site commence à sérieusement prendre de l'âge (tout comme moi), et la motivation pour en continuer la rédaction pâtit elle aussi du nombre croissant de mes années. Je ne sais combien de temps encore mon fils aîné (le webmaster) aura la patience de maintenir ce site ouvert, quoique bien des liens qui y figurent toujours souvent sont brisés parce que leurs cibles disparaissent une à une avec le temps qui passe et les opinions qui heureusement changent petit à petit...

J.D., mardi 3 septembre 2019

Ma vie est devenue un perpétuel combat entre le besoin de réfuter les foutaises pseudo-scientifiques et mon désir d'avoir des amis

Traduction "adaptée" (JD):

ma vie est devenue un perpétuel combat entre le besoin de réfuter des foutaises pseudo-scientifiques et mon désir d'avoir des amis.


Première publication:9 Septembre 2019 (J.D.) Dernière modification:9 Septembre 2019

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