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Suite et fin de l'article IDÉOLOGIES.

La "socio-psycho-philosophie-fiction" de ceux qui, en Belgique, prônent la "psychiatrie démocratique en milieu de vie", transparaît au travers des "éléments de langage" caractéristiques de la "com psychosociale" utilisés dans une brochure datant de 2002 (mais toujours disponible sur la toile du Web: voyez ici) où l'on peut lire, par exemple et entre autres affirmations de bonnes intentions - peut-être sincères mais naïves - utopiques et de slogans plutôt publicitaires, irréalistes et à l'emporte-pièce, que "L'action associe désormais la gestion de la maladie (de ce qui fait problème) (sic) qui doit se réduire au minimum des investissements (sic), le développement, à savoir l'augmentation des capacités propres des personnes à se confronter au monde environnant autant qu'à leur situation (sic), et la modification du milieu pour que celui-ci rencontre mieux les besoins de la population.(sic)" (j'ai souligné).

Essayons donc de reprendre et d'examiner un à un, pour tenter de les définir vraiment (ce dont leurs "promoteurs" ne semblent pas voir la nécessité!) et pour en comprendre clairement les implications pratiques (qui, d'élémentaire évidence, devraient conditionner les modalités de leur mise en œuvre), les trois éléments supposés distincts qui, paraît-il désormais associés, seraient constitutifs de "l'action" proclamée et revendiquée par la "psychiatrie démocratique dans le milieu de vie".

1) "la gestion de la maladie (de ce qui fait problème [sic])":
Les partisans de la "psychiatrie démocratique" semblent croire qu'une maladie - puisque c'est bien le terme qu'ils emploient -, cela "se gère".
Mais ils devraient savoir qu'on ne "gère" pas une maladie. Tout au plus peut-on tenter d'en "gérer" les conséquences pratiques en fonction des contingences; on peut "tenir compte" des conséquences dont les traitements médicaux sont encore [trop] peu capables de supprimer les causes (ces causes physiques et biologiques bien présentes et depuis longtemps prouvées, mais dont la majorité des acteurs de terrain de la "Santé mentale" (et les sociologues!) semblent s'obstiner à délibérément les ignorer et donc à en négliger l'existence).

Toutefois, les enseignements qui leur ont été dispensés et les conceptions et traditions de psychologie intuitive et de psychopathologie purement conceptuelle dont ils ont été habituellement nourris ont accoutumé une majorité de nos psychologues à voir les maladies dites "somatiques" comme des entités matérielles concrètes, tandis que si elles sont dites "mentales", ils les interprètent comme étant des accumulations fautives de concepts immatériels erronés résidant dans "l'esprit" des malades. Malheureusement pour eux, les "acteurs" de terrain qu'ils sont oublient que ces hypothétiques concepts attribués aux malades ne sont eux-mêmes que la représentation abstraite et arbitraire qu'en tant qu'observateurs ils se construisent mentalement (dans leur propre "esprit" d'observateurs!) au sujet d'ensembles de processus en fait physiques et biologiques en tout ou partie défectueux dont ils ne peuvent rien voir et dont, par conséquent, ils ne connaissent en réalité rien (et peut-être ne veulent-ils même n'en rien savoir!).

L'origine première de la (ou des) défectuosité(s) entraînant une "maladie" [mentale] est, nécessairement et très naturellement, toujours physique, c'est-à dire bien matérielle (biologique!) même si elle semble non visible, parce qu'inaccessible directement à nos organes sensoriels. Cette apparente absence de visibilité n'implique pourtant pas que le "défaut" ne serait que de nature conceptuelle, immatérielle! (certains diraient "psychique", expression en réalité purement verbale dépourvue de sens). Ceci vaut évidemment pour toutes les "maladies", qu'elles soient dites "mentales" ou "somatiques".
Le traitement des malades mentaux chroniques est donc l'affaire de médecins et non pas de la compétence de "gestionnaires", même si son coût peut légitimement concerner ces derniers. Incidemment, ceux-ci se sont-ils jamais posé la question de savoir comment on fait pour "gérer un concept"?

Bien au contraire de ce qui précède, on ne peut que et on doit tout d'abord et dans la mesure où on les connaît et où elles nous sont accessibles, s'efforcer de "guérir" médicalement (c.- à d. supprimer) les causes bien physiques des "maladies" mentales chroniques, et à défaut de connaître les causes on ne peut que se résigner à seulement tenter d'en atténuer, tant bien que mal et à nouveau médicalement , les manifestations pénibles et invalidantes persistant en dépit du traitement. Et ce ne sera qu'après avoir au moins atteint ce premier objectif limité mais en réalité bien moins modeste qu'il n'y paraît à première vue (il est l'étape obligée et la seule donnant accès aux objectifs suivants plus ambitieux) qu'on pourra s'efforcer d'enfin "gérer" les "inconvénients" "résiduels" dûs aux dysfonctionnements consécutifs à la maladie, du moins ceux que la médecine psychiatrique à elle seule est encore incapable de juguler et dont les malades sont obligés de s'accommoder et qu'ils sont contraints de subir bien malgré eux.

On a certes le droit d'estimer que les investissements nécessaires aux traitements médicaux représentent la part minimum (vous avez dit "réduite"?) de l'ensemble des charges entraînées par la lutte pour le bien-être des malades mentaux chroniques et contre leur affection. Mais cette croyance ne donne pas le droit d'oublier qu'en l'absence de ces traitements médicaux préalables et d'accompagnement, toutes les autres mesures dites "psychosociales" préconisées deviennent non avenues ou inapplicables ou encore inopérantes et ne sont destinées qu'à rester des vœux pieux.

On n'a pas non plus le droit d'oublier que, le plus souvent, si les traitements médicamenteux sont en effet indispensables (ce que personne aujourd'hui ne peut plus honnêtement contester), ils restent pourtant encore très insuffisants et fort imparfaits à l'heure actuelle (et pour cette dernière raison certains s'obstinent à les dénoncer et les décrient injustement par ignorance et par pure idéologie), et ils doivent être poursuivis indéfiniment (à vie), donc leur mise en œuvre doit également être étroitement surveillée et ses effets contrôlés régulièrement, ce qui inévitablement en alourdit les coûts.

Mais aujourd'hui, certains psychosociologues et sociologues de chez nous, munis d'œillères qu'ils se sont volontairement confectionnées et qu'ils refusent d'ôter, veulent redéfinir à leur manière ("plus largement") la psychiatrie en affirmant que "l’objet de la psychiatrie est l’existence de la souffrance de l’individu en rapport au corps social" (sic). Par là-même ils se condamnent à ignorer que c'est l'invalidité biologique (la "maladie") des malades qui leur interdit une socialisation "normale", et comme ils veulent, semble-t-il, ignorer cette invalidité et les nécessaires tentatives thérapeutiques médicales pour y porter remède, en quelque sorte ils croient pouvoir faire courir et concourir, sur les mêmes pistes et dans les mêmes stades, des unijambistes parmi des coureurs à deux jambes, sans même avoir d'abord pu correctement les entraîner, parce qu'ils n'aperçoivent pas l'impérieuse nécessité de leur fournir au préalable les indispensables prothèses qui pourraient peut-être leur donner quelque petite chance de faire bonne figure dans la course.

2) "L'augmentation des capacités propres des personnes à se confronter au monde environnant...":
Voilà bien l'exemple de la confusion des stéréotypes soigneusement entretenue par l'institution administrative de la "Santé Mentale" entre d'une part l'approche des problèmes et troubles psychologiques ainsi que les choix des moyens psychothérapeutiques à leur appliquer pour respectivement les résoudre et les surmonter, et d'autre part les traitements à mettre en œuvre pour atténuer voire vaincre les diverses manifestations des "maladies" mentales chroniques [et psychotiques]. Le MPDMV reprend allègrement cette confusion à son compte et l'adopte, comme d'ailleurs la font leur aussi un certain nombre de ceux qui, parmi les psychiatres malgré tout conscients du mauvais rendement des psychothérapies chez les vrais malades mentaux chroniques, préfèrent consacrer la majeure partie de leur temps professionnel à la "psychothérapie" des névrosés: les résultats qu'ils peuvent obtenir dans ces cas-là sont habituellement bien meilleurs et par conséquent il est bien plus commode et gratifiant d'en faire état, tant au bénéfice de sa promotion personnelle qu'en faveur du prestige du métier.

Cependant, quand les traitements médicamenteux ne donnent que médiocre satisfaction ou, a fortiori, quand par idéologie on renonce complètement à les mettre en œuvre, les programmes "psychothérapeutiques" et "ergothérapeutiques" de "revalidation" des malades mentaux chroniques vrais n'ont jusqu'à présent pas fait la preuve convaincante de leur capacité à créer l' "augmentation significative et durable des capacités propres des personnes malades à se confronter au monde environnant" (j'ai moi-même ajouté ici les mots soulignés, omis dans le texte original et qui, par souci élémentaire d'honnêteté et d'objectivité, auraient y figurer). Très probablement, les psychologues et hérauts du MPDMV, tout en évitant de l'avouer se doutent-ils eux-mêmes des résultats fort décevants de ces tentatives de "rééducation" car, bien qu'ils incluent ce qu'ils appellent le "développement" comme second élément constitutif de leur "action" de la "psychiatrie démocratique", ils ne lui font toutefois manifestement pas assez confiance pour pouvoir se passer d'un troisième composant - complémentaire? - de leur nouvelle (novatrice?) "psychiatrie démocratique dans le milieu de vie", à savoir:

3) "La modification du milieu pour que celui-ci rencontre mieux les besoins de la population [des malades?]":
Ils ne disent surtout pas comment ils se proposent de concrétiser et de faire appliquer cette très utopique (et très mystérieuse) "modification" au sein d'un milieu "normal" de vie qu'ils veulent ouvert à tous, et où tous - malades mentaux et personnes bien portantes - selon eux jouiraient enfin des mêmes droits (mais parlent-ils jamais des devoirs correspondants dont tous les citoyens doivent être également capables de s'acquitter, à moins d'encourir, par la faute des indispensables et inévitables dérogations et dispenses que leur état ne manquerait pas de motiver et de justifier, soit la discrimination, soit la stigmatisation?)
Veulent-ils obtenir une "modification" sociétale générale et globale, c'est-à dire fomenter ce qui s'appellerait la Révolution? Comment comptent-ils s'y prendre? De quels moyens disposent-ils? Qui va la faire, cette révolution?
Est-ce dans cette optique-là qu'ils se posent la question rhétorique "Pourquoi l'enjeu de la maladie [sic] est-il bien plus politique que sanitaire?" (Siajef)?
Par contre, si cette mystérieuse "modification du milieu" ne devait plus modestement concerner qu'une enclave géographiquement limitée, tout exceptionnelle et protégée au sein de ce "milieu de vie général" que nous connaissons déjà parce que nous y vivons, peut-être serait-elle, pratiquement bien que fort difficilement, réalisable (en rêve?), mais alors cela n'équivaudrait-il pas ipso facto à la création de nouvelles sortes de réserves comparables à celles où ont été parqués, par exemple les autochtones (les "indiens") du continent nord-américain? Et dans ce cas, aurait-on encore le droit de parler, prétendûment en "faveur" des malades, d'un "milieu normal de vie fréquenté et partagé par tous" plutôt que de territoires d'apartheid à la mode de l'ancienne Afrique du sud?

Ce sont par ailleurs les mêmes qui se félicitent d'avoir anticipé les initiatives législatives et les déclarations d'une de nos ministres fédérales de la Santé (Mme Laurette Onkelinx) qui affirmait que la réforme (toujours en cours) des lois de santé mentale de 1990 visait à obtenir "la diminution du nombre de lits en hôpital psychiatrique, mais surtout à éviter chronicisation, stigmatisation, désinsertion, infantilisation, déresponsabilisation."(sic, mais je me suis permis de souligner). Ce qui témoigne, de façon éclatante aux yeux de tous ceux qui connaissent vraiment les malades mentaux vrais parce qu'ils vivent avec eux, de l'ignorance du sujet des affections mentales chroniques dont semblent se satisfaire, voire se vanter aussi bien nos ministres que nos fondateurs-responsables-psychologues de certaines associations qu'ils qualifient démagogiquement de "psychiatrie démocratique":

- En effet, très manifestement, ils ne paraissent pas vouloir comprendre qu'il s'agit ici de maladies mentales qui, dès leur origine et leurs débuts, sont chroniques, et que cette chronicité n'est donc pas la “chronicisation” résultant de ces hospitalisations qu'on se complaît à incriminer commodément pour de faux motifs: la chronicité n'est jamais que la conséquence des échecs thérapeutiques dûs à l'impuissance de la psychiatrie et de la médecine non pas à soigner, mais à guérir ces malades. A grave maladie chronique incurable et mentalement handicapante, hospitalisation chronique obligée. Est-ce si difficile à comprendre?;
- la stigmatisation des malades mentaux n'est que la réprobation morale spontanée et irréflechie reflétant l'ignorance, les superstitions, les préjugés et les idées reçues qui ont cours dans le grand public à propos de ces malades, parce que les responsables de la "Santé Mentale", qu'ils soient politiques, professionnels "psy", soignants ou non, ne se sont jusqu'à présent que très peu fatigués à dénoncer et à combattre ces sortes d'instincts acquis et instillés dès la naissance (et peut-être aussi, parce que, parmi ces "responsables", sans doute beaucoup partagent la confortable ignorance générale!);
- la désinsertion, l'infantilisation et la déresponsabilisation ne sont, elles aussi, que des effets automatiques et inévitables de la perte: de la conscience même de sa maladie (l'anosognosie), de la motivation, des capacités mentales nécessaires aux échanges individuels et sociaux, des capacités à acquérir et à conserver d'indispensables compétences quotidiennes élémentaires d'anticipation et de planification, donc d'évaluation des conséquences immédiates et aussi plus lointaines de ses propres actes et de ceux des autres (d'où découle la capacité diminuée d'adaptation aux situations), tous déficits qui figurent parmi les conséquences directement liées aux affections psychotiques chroniques, et que les traitements (et les "psychothérapies" associées) ne parviennent toujours pas à tous pallier efficacement. Ces déficits ne sont pas la conséquence des hospitalisations chroniques, bien au contraire ils en sont tout à la fois la raison et la justification très logiques, et je soupçonne depuis longtemps que ceux qui prétendent l'inverse feignent d'ignorer cette réalité. Une vraie question à se poser serait de savoir pourquoi ils ne veulent pas la reconnaître...

Certains psychologues du MPDMV qui s'imaginent prendre généreusement la défense des [vrais] malades mentaux chroniques (et je ne doute pas de la sincérité de leur engagement), qui aussi croient les connaître sans toutefois jamais avoir assez vécu en permanence ni même longuement en leur compagnie, au plus près d'eux et avec eux pour pouvoir connaître vraiment chacun d'eux, ces psychologues ignorent leurs propres ignorances des maladies mentales et croient les effacer par de belles (?) envolées lyriques (et quelque peu démagogiques tout de même) dans des discours dont ils s'étourdissent eux-mêmes et par quoi ils pensent éblouir les autres (les lecteurs et auditeurs sympathisants et compatissants d'avance conquis par les belles phrases). C'est ainsi qu'ils proclament vouloir "[...] substituer une culture de la vie à celle de la maladie, du développement de la qualité de vie à celle de la gestion des problèmes, de la prévention à celle du curatif" (Siajef). Mais:

Le discours tenu par certains responsables du "mouvement pour une psychiatrie démocratique " prend par moments des accents très idéologiques, politiques voire politiciens qui ne peuvent passer inaperçus: "Ce modèle [celui de leur organisation des prises en charge des malades mentaux - J.D.] casse les acquis d'une organisation libérale des soins. Il privilégie une équipe plurielle où tous les éléments de concurrence sont gommés." ( Siajef , p. 24).
Mais il n'est aucunement besoin de casser quoi que ce soit d'acquis, ce qui n'est qu'un discours de "militant de base" et une vision idéologique simpliste d'activisme politique. Supposer et évoquer des "éléments de concurrence" qui n'ont en pratique aucune réalité, c'est avouer à son insu ses propres fantasmes et sentiments de frustration, et ses "complexes" d'infériorité (ou de "supériorité"?). Bien au contraire et plus simplement, il faut et il suffit de reconnaître un certain nombre d'évidences connues depuis longtemps, il faut les accepter avec humilité et s'efforcer d'en tenir compte. Ainsi, il ne faut jamais perdre de vue que:

Des cinq points qui précèdent, on peut logiquement déduire et conclure que, pour aider les malades mentaux à vivre, médecins psychiatres et travailleurs sociaux doivent associer leurs actions respectives autour de leurs patients communs. Ceci ne peut se faire que si ils collaborent étroitement les uns avec les autres et s'instruisent mutuellement des particularités et contraintes propres à leurs spécialités respectives, mais aussi se tiennent mutuellement au courant des particularités très individuelles de chacun des patients qu'ils suivent en commun.
Il me semble que, autant dans la pratique quotidienne qu'à plus long terme, ce serait cette dernière conclusion dont l'application serait la plus difficile à mettre en œuvre, pour des raisons d'organisation et de temps disponible (variable selon la spécialité des "intervenants), mais aussi très vraisemblablement pour des raisons de traditions et croyances bien ancrées, et peut-être de nature psychologique.

N'en déplaise aux sociologues et aux socio-psychologues, l'enjeu de la LUTTE contre les maladies mentales (le défi, le "challenge" des affections mentales, ce qui n'est pas leur "enjeu"!) est bien tout d'abord [sanitaire et] médical, individuel et personnel, et ne devient "politique" qu'ensuite, quand à force de tribulations interminables de multiples natures par lesquelles on les a fait passer, on a laissé pourrir la situation mentale des malades et, par suite, leur position et leur statut social se sont dégradés. Chaque cas de malade est unique et peu, voire non superposable aux autres cas, si bien que les structures et procédures qu'on peut mettre en place pour les aider n'ont jamais assez de pertinence ni de souplesse pour bien s'adapter aux besoins spécifiques de chacun. Et c'est une grossière erreur de croire qu'on peut demander aux malades mentaux chroniques en général d'apprendre à s'adapter aux "solutions d'insertion" qu'on leur propose, si ces "solutions" ne conviennent pas immédiatement, exactement ou "du premier coup". C'est précisément une des caractéristiques de leur maladie que d'avoir perdu leurs capacités d'adaptation aux situations rencontrées dans "le monde environnant auquel ils doivent se confronter", et on ne parvient que rarement à restaurer complètement ces capacités, que ce soit, entre autres par l'ergothérapie ou par un "conditionnement opérant" non généralisable quoiqu'on en dise parfois.

Encadrer les malades d'une "équipe plurielle", c.-à d. dont les acteurs rassemblent entre eux toutes les compétences nécessaires, telles que médicales, psychothérapeutiques et de travailleurs sociaux, c'est là en effet un moyen de traitement séduisant et qu'on pourrait espérer prometteur d'un certain succès, et c'est un objectif auquel on ne peut que rêver. Il ne pourrait être vraiment efficace - et pas seulement symbolique, comme c'est le cas actuellement - que si chaque malade mental chronique disposait en permanence de son "équipe plurielle" personnelle dont la composition resterait constante dans le temps. Et c'est à partir d'un tel constat réaliste et de bon sens qu'on est bien forcé d'admettre que pareil dispositif ne peut que se réduire à une promesse utopique (qui, comme on dit, n'engage que ceux qui y croient). En effet, il demanderait de la communauté des ressources humaines et budgétaires d'une telle ampleur qu'aucune société et aucun responsable politique ne sont aujourd'hui prêts à les envisager (autrement qu'au compte-gouttes, c.-à d. peut-être sous forme de timides "projets pilotes" limités et de durée éphémère: autrement dit: la goutte d'eau dans la mer, celle à laquelle on se réfère toujours pour prouver sa bonne volonté et montrer qu'on y a pensé).

L'organisation structurée "intégrée" en réseaux de la prise en charge et de l'aide aux malades mentaux semble se développer localement dans certains centres urbains de France (v. Lille ) et d'Angleterre (v. Birmingham). La lecture de leurs sites web ne permet toutefois pas de juger objectivement du bilan de ces organisations quant au nombre et à la situation "sanitaire mentale" et sociale de leurs "clients" malades mentaux. Toutefois, si l'on ne se fie qu'à ce qui est exposé sur ces sites, fort clairement et sans trop de ces hyperboles exagérément et trompeusement optimistes dont nos sites belges de la santé mentale sont coutumiers (comme d'ailleurs dans beaucoup d'autres pays!), l'approche très "professionnelle" choisie dans ces deux pays me paraît bien plus pragmatique et cohérente que celle existant en Belgique (mais je n'ai bien sûr pas pu, à la différence de notre ministre L. Onckelinx, aller y converser moi-même avec les responsables locaux pour en 'juger sur pièces' :o(.)

Rabâchons ici, une fois encore, ce qui a déjà été dit de nombreuses fois sur ce site: la psychiatrie ou, plus exactement les médecins psychiatres s'efforcent de traiter et soigner des personnes dont le cerveau est physiquement, biologiquement endommagé (dès la conception ou pendant l'organogénèse embryonnaire). Ces dommages cérébraux ont pour conséquences de multiples déficits fonctionnels mentaux dont leurs victimes n'ont pas nécessairement conscience, si bien qu'elles peuvent fort souvent refuser les traitements, pourtant indispensables, mis en œuvre pour restaurer, au moins en partie, leurs fonctions mentales déficientes. Les psychiatres sont donc moralement obligés de leur imposer ces traitements.

C'est pourquoi il faut admettre que la psychiatrie, bien malgré elle, ne peut être que paternaliste et autoritaire. Il faut seulement veiller à ce que son paternalisme reste "de bon aloi". Mais prétendre qu'elle puisse être en même temps "démocratique" n'est qu'un oxymore trompeur. Ceux qui ne veulent pas comprendre cela sont aveuglés par une idéologie. Pas plus que la science, la médecine ne peut faire bon ménage avec les idéologies.


Première publication: 12 Mars 2012 (J.D.) Dernière modification: 12 Mars 2012

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