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"Dans notre société très policée, nous reconnaissons qu'une maladie est grave à ce que nous n'osons pas en parler directement. [...]Mais lorsque le silence ou les ruses du langage contribuent à maintenir un abus qui doit être réformé ou un malheur qui peut être soulagé, il n'y a pas d'autre solution que de parler clair et de montrer l'obscénité qui se cache sous le manteau des mots."
Albert Camus

Les troubles mentaux chroniques accompagnent l'espèce humaine depuis son apparition sur terre. Ils sont, pour l'homme, une sorte de contrepartie que certains doivent payer pour l'appartenance de tous à cette humanité, ils sont la rançon de cette conscience et de ce langage qui sont tout à la fois le propre et la fierté de notre espèce.

Malgré les progrès spectaculaires des sciences et des techniques acquis au cours des cinq ou six dernières décennies, la compréhension de ce qu'on appelle les maladies mentales n'est encore que très confuse. Les remèdes qu'on tente de leur apporter sont encore fort loin d'être satisfaisants.

L'horreur réelle de ces affections ne peut s'entrevoir que si on se représente qu'elles atteignent et détruisent tout ce qui, précisément, fait de nous ce que nous sommes: notre identité, notre personnalité, nos sentiments, notre raison, bref: notre humanité. L'apparente et persistante indifférence, l'ignorance dont on entoure les maladies mentales et leurs victimes, constituent un des scandales les plus éclatants et les plus intolérables de notre époque dite éclairée.

Notre impuissance face aux maladies mentales et leur extrême gravité font qu'il n'y est jamais fait allusion que par euphémisme, même par ceux qui s'efforcent d'y apporter des soulagements.

Certaines associations belges ont décidé de "placer l'année 2001 sous le signe de la Santé Mentale". Je crois que pareille manifestation n'est qu'un bien pauvre signe, surtout symbolique et encore bien trop timide, une sorte d'incantation dirigée vers la mauvaise adresse. Ce n'est ni un vrai geste ni même un acte véritable et, par conséquent, sa seule fin ne peut être que le sentiment réconfortant mais illusoire d'un certain devoir accompli chez ceux qui croient l'avoir posé.

Il est urgent de se remémorer les observations que faisait Albert Camus, il y a cinquante ans déjà, et tenter d'enfin s'en inspirer.

Prof. Jean Desclin


Première publication: 20 Février 2001
Dernière modification: 20 Février 2001