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L'ÉTERNELLE "PÉNURIE DE LA PSYCHIATRIE":
de SEMPITERNELS DISCOURS (d' "autorités" psychiatriques) la DÉPLORENT,
mais de QUELLE PÉNURIE s'agit-il en réalité?
est-ce celle de la prétendue EFFICACITÉ?
ou encore celle du soi-disant BON BILAN THÉRAPEUTIQUE?
Oh! que non, bien sûr !

Ce n'est, paraît-il, que le résultat d'un DÉSAMOUR vis-à-vis de cette PROFESSION!
C'est le constat que les rares candidats à cette profession ne se bousculent surtout pas au portillon...

Dans le n° 2201 (du vendredi 25 novembre 2011) de la gazette belge pour médecins "Le Journal du médecin", toute la page 6 était consacrée à la prose de Mr Peter Backx abordant par deux fois le même thème: celui de la psychiatrie belge ou, plus précisément celui de la "misère" de la "psychiatrie flamande".

Le premier texte avait pour titre "La psychiatrie belge est-elle en détresse?".
Le deuxième texte (du même journaliste), dans la foulée du premier, avait pour titre "Donnez à la psychiatrie le statut de profession en pénurie" et se faisait ainsi l'écho du contenu d'un article (en néerlandais) du Tijdschrift voor Psychiatrie 53 (2011) 11, pp 793-796:

"Psychiater, een aantrekkelijke beroepskeuze?" [Se destiner à être psychiatre, est-ce un choix de profession séduisant ?]) où le Professeur Geert Dom, psychiatre (Université d'Anvers), faisait part des critiques et des inquiétudes que lui inspire"l'état" de la profession et de l'exercice de la psychiatrie en Belgique (comprenez: en Flandre).

En un seul petit paragraphe de l'article original se trouvent rassemblés presque tous les motifs de mécontentement et les raisons d'inquiétude de son rédacteur. Ainsi, la "réalité" préoccupante de la situation (de la psychiatrie - et des psychiatres? - ) en Flandre se manifesterait et se caractériserait par: l'augmentation du nombre des suicides dans la population (la Flandre figurant dans le peloton de tête des pays européens pour la fréquence de ce fléau), par le peu de collègues qui s'engagent [qui affluent, "die instromen", sic] dans la voie de la psychiatrie, par les nombreuses places destinées à la formation professionnelle qui restent inoccupées, par les nombreux postes vacants "sur le terrain" qui sont pourtant laissés sans attribution, par les listes d'attente pour obtenir les consultations chez les psychiatres qui s'allongent démesurément...

Et le Professeur Dom de s'interroger: "Que se passe-t-il donc? Et surtout, comment nous sortir de cette situation?"
Il suggère ensuite quelques "lignes de force" [enkele krachtlijnen] susceptibles, selon lui, de remédier à la mauvaise santé de la psychiatrie dans notre pays. Il propose les cinq "pistes" suivantes à la réflexion de ses lecteurs:

1) Dans le curriculum des études de médecine il faudrait, paraît-il, accorder plus de place à l'enseignement de la psychiatrie par rapport à la place, que pour sa part il estime excessive [overmatig], que les universités flamandes réservent actuellement aux "aspects scientifiques positifs de la médecine" ("de positief wetenschappelijke aspecten van geneeskunde" [sic]). Les formations en psychiatrie et plus généralement en santé mentale seraient aujourd'hui sous-représentées dans le curriculum des études de médecine et en demeureraient les parentes pauvres; ce qui non seulement nuirait à l'acquisition de compétences nécessaires à tous les médecins, mais aussi entretiendrait la stigmatisation dont la psychiatrie serait toujours victime de la part des milieux médicaux. Car, comme on s'en doute, on n'a pas l'occasion d' [apprendre à] aimer ce qu'on méconnaît; donc, les étudiants qui n'auront pas pu goûter "à fond" [grondig] (sic) à la spécialité de la psychiatrie n'auront [par conséquent] pas tendance à en faire leur profession de choix.

(Quoique Mr le Prof. Dr Dom se garde bien d'en dire la nature ni d'en donner des exemples qui pourraient préciser sa pensée pour ses lecteurs, je crains fort que ce qu'il appelle "les aspects scientifiques positifs de la médecine" ne soient "des aspects" tout autant, sinon peut-être plus indispensables encore aux compétences des médecins psychiatres qu'à celles de tous les autres médecins, quelle que soit la spécialité de ces derniers. Si on devait exempter les futurs psychiatres de ces connaissances-là pour "soulager/alléger" leur curriculum d'études - leur épargner l'étude [inutile ou superflue pour eux?] de ces connaissances biologiques fondamentales [le socle des connaissances], elles aussi "nécessaires à tous les médecins", dès lors cela ne signifierait-il pas qu'on encouragerait en effet la distinction de deux sortes de médecins: les psychiatres d'une part [dont les "compétences" pourraient se passer d'acquis modernes, scientifiques et fondamentaux pour pouvoir les ignorer?] et tous les autres médecins d'autre part, les premiers devenant effectivement et à juste titre considérés comme les parents pauvres moins instruits ["et stigmatisés!"] des seconds?]. Eclatant exemple en effet de "médecine à deux vitesses" et retour en force de "la psychiatrie sans cerveau" dont certains psychiatres semblent ne toujours pas parvenir à se débarrasser ! )

2) Dénonçant l'extrêmement faible nombre de "thèses de doctorat" psychiatriques répertoriées en Flandre, le Professeur Geert Dom semble attribuer cette indigence à la pauvreté correspondante des budgets qui leur seraient alloués. Selon lui, il faudrait créer plus de possibilités [de bourses] de recherche [scientifique] afin de permettre aux jeunes collègues psychiatres particulièrement motivés pour s'y investir, de se "construire" et de poursuivre une carrière scientifique, cette fois dans le cadre de la psychiatrie. Cela leur permettrait de mieux soutenir la comparaison avec les chercheurs d'autres spécialités médicales et cela devrait aussi améliorer le regard que la communauté scientifique porte sur les praticiens de cette spécialité qu'est la psychiatrie.

(Encore une fois, Mr le Prof. Dr Dom reste fort discret sur ce qu'il entend par recherche scientifique en psychiatrie, sur la représentation peut-être peu réaliste voire purement abstraite et utopique [conceptuelle] qu'il s'en fait, et sur ce que, peut-être, il s'imagine du temps, des conditions, des moyens et de l'organisation qu'en Belgique pareille recherche nécessairement impliquerait, du moins si on la voulait "sérieuse" et pas seulement de publicité promotionnelle destinée surtout à étoffer la longueur et peut-être la qualité apparente du Curriculum Vitae. Ce sont là, en effet, des critères devenus incontournables et d'une évidente importance pour la réputation et la concurrence professionnelles, voire pour acquérir le prestige d'éventuelles promotions académiques flatteuses et peut-être indirectement rémunératrices.
Mais on pourrait tout aussi bien se demander quelles seraient les "chances" des futurs psychiatres qui tenteraient de s'engager [voire d' y être acceptés au départ!] dans la recherche scientifique après avoir été "généreusement" dispensés de s'instruire de ces "aspects scientifiques positifs de la médecine" évoqués précédemment. De multiples autres "aspects" non moins importants devraient sans doute être considérés aussi, mais ils risquent d'être bien trop nombreux pour les énumérer ici).

3) Il faudrait paraît-il multiplier les chances [les possibilités - J.D.] d'accès des candidats à la formation en psychiatrie. On devrait pour cela reconnaître que la psychiatrie constitue un "métier goulot d'étranglement" [een knelpuntberoep (sic)] et on devrait déplafonner le contingentement des places actuellement autorisées et prévues pour la formation à cette spécialité (pareille stratégie mise précédemment en œuvre en faveur de la médecine générale [des médecins de famille, huisartsengeneeskunde] aurait en effet suscité un vif regain d'attrait et de considération pour cette discipline auprès des étudiants des facultés de médecine).

(Je soupçonne que Mr le Prof. Dr Dom se fait d'énormes illusions sur les bénéfices à attendre - principalement pour le prestige de la psychiatrie en Flandre et celui des psychiatres flamands - du déplafonnement du contingentement des places de formation en psychiatrie. Il y a, je crois, de nombreux indices permettant de penser que la comparaison qu'il fait des raisons de l'attirance plus grande des étudiants pour la médecine générale d'une part, avec d'autre part les motifs de l'attrait infiniment plus faible pour la psychiatrie est probablement trompeuse et peu pertinente. Il devrait pourtant s'en douter! Car il l'a lui-même reconnu: des places disponibles existent, de plus en plus nombreuses à être boudées et à rester vacantes, semble-t-il, mais les étudiants ne s'y précipitent pourtant pas! Alors que, si on peut s'exprimer ainsi, en quelque sorte ces places vacantes les attendent à bras grands ouverts! J'ai déjà évoqué les raisons possibles de cette apparente désaffection, il y aura bientôt dix ans de cela [voyez Un An... ].
Ainsi, un ministre fédéral de la Santé, des Affaires sociales, etc. etc.,[et Flamand, de surcroît] avait en 2002 déjà, lui aussi regretté la prétendue "pénurie" de psychiatres et avait promis de prendre des mesures afin de «porter à un "niveau normal" [sic!] le nombre de psychiatres».
Mais je crains que ce ministre, comme aussi Mr le Prof. Geert Dom ne se trompent tous deux en voulant croire que "l'attractivité" d'une possible réévaluation ["revalorisation"] de la rétribution financière des prestations des psychiatres, selon eux suffirait à séduire et à diriger vers la psychiatrie un nombre accru de jeunes médecins. Croient-ils donc que l'espoir d'une meilleure rémunération [que l'actuelle], une fois qu'ils seraient arrivés au terme de leur formation puisse, à lui seul et nécessairement, contrebalancer et compenser la réalité vécue de la durée de la spécialisation requise par l'INAMI [RIZIV] pour la reconnaissance officielle [et les remboursements correspondants à leurs patients] de cette spécialisation? Cette durée déjà respectable venant encore s'ajouter à celle, elle aussi pour le moins fort longue, des études de médecine proprement dites une fois enfin achevées? [ce qui, mises bout à bout, fait au minimum 15 années en tout!]. Quel âge ces nouveaux psychiatres "frais émoulus"[?] auront-ils atteint quand ils pourront voler de leurs propres ailes et pourront enfin ne plus vivre aux crochets de leurs généreux nourriciers et patients parents souvent plus si jeunes ni si frais que cela? [encore faudrait-il que ces parents aient les moyens de leur soutien financier à tel point prolongé...]. Est-ce là vraiment une perspective attrayante?)

4)Toujours selon le même auteur, il faudrait aussi revoir, pour les supprimer ou au moins les atténuer, les disparités de traitements et d'honoraires, qui existent entre les psychiatres selon qu'ils travaillent en Centre de Santé Mentale, ou en hôpital psychiatrique, ou en Centres ambulatoires, ou pratiquent la psychiatrie légale ou encore la psychiatrie de liaison ou ambulatoire, etc., bien qu'ils puissent prester le même nombre d'heures dans ces diverses situations. D'une manière générale, il faudrait réévaluer à la hausse les tarifs des psychiatres qui sont encore toujours sous-payés si on compare leurs tarifs à ceux pratiqués dans les autres spécialisations médicales.

(Comme pour le point précédent, la relation de cause à effet entre des niveaux d'honoraires supposés plus "attractifs" pour les psychiatres, une fois leur spécialisation acquise et reconnue, et un nombre plus élevé de jeunes médecins qui, au départ, choisiraient d'exercer cette spécialité ne me semble pas vraiment établie et n'être qu'une hypothèse de "wishful thinking" [et en bonne partie pour les raisons déjà fournies au point 3 ci-dessus]. Mais à ces raisons, il faut encore ajouter un autre facteur que, malgré son évidente importance, le Professeur Dr Dom a passé sous silence. Il semble avoir négligé de mentionner la confusion partout et trop souvent soigneusement entretenue entre ce qui relève effectivement de la médecine psychiatrique [les véritables "maladies" mentales, dont les psychoses] et ce qui, par contre, sont des problèmes de "mal-être" existentiel psychologique, d'origine familiale, sociale ou économique par exemple. Ces problèmes-là peuvent cette fois ne pas requérir une approche psychiatrique, mais ne relever que de la seule psychologie et de "psychothérapies non médicales".

En effet, on oublie habituellement de rappeler:
a) qu'une formation de psychologue peut généralement être obtenue et reconnue au terme d'études bien moins longues que celles requises des médecins psychiatres, et que par conséquent ces études-là sont susceptibles d'attirer de bien plus nombreux candidats que la psychiatrie. De plus, à la différence des troubles psychiatriques, les problèmes purement psychologiques sont curables dans leur grande majorité par des moyens psychothérapeutiques, ce qui contribue bien naturellement à l'aspect gratifiant de la profession aux yeux de tous et, surtout, aux yeux-mêmes de ses propres praticiens;
b) nombreux sont ceux qui s'efforcent encore toujours d'occulter ce qui pourtant est aujourd'hui avéré: que les affections mentales chroniques [dont les psychoses] ont des causes et des mécanismes bien physiques et biologiques concrets; seuls les médecins psychiatres devraient donc être habilités à s'en occuper. Toutefois, ces affections-là, si on peut assez souvent espérer parvenir à les soigner [bien qu'avec des efficacités fort variables], ne sont néanmoins pas encore réellement curables, si bien que le "bilan global" généralement bien visible à tous de la psychiatrie est, au mieux, fort peu convaincant aux yeux de ceux qui s'y intéressent sérieusement. Comment alors s'étonner qu'une profession, qui n'offre pas à ses praticiens de meilleures perspectives de résultats gratifiants ni de motifs suffisants de satisfaction de son seul exercice, n'attire pas plus de candidats désireux de s'y investir pour une longue carrière?

Comment s'étonner alors qu'une majorité de psychiatres [trop peu nombreux?] préfèrent se cantonner dans le domaine des troubles psychologiques qu'ils pensent pouvoir traiter et surtout guérir aussi bien que les psychologues [ce qui reste d'ailleurs à démontrer] parce que les chances de réussite thérapeutique sur ce terrain-là sont bien plus vraisemblables et probables statistiquement que sur le terrain de la véritable psychiatrie [c.à.d. la psychopathologie organique].[Ils se disent probablement que ce n'est pas pour rien qu'il y a aujourd'hui pléthore de psychologues qui leur font concurrence - et, inversement, les politiques ne se privent pas, pour de multiples raisons dans lesquelles je n'entrerai pas ici, d'entretenir la confusion en encourageant la psychiatrisation des troubles psychologiques, ce qu'ils appellent la "santé mentale"].

5) Enfin et toujourd selon Mr le Prof. Geert Dom, il serait urgent d'entreprendre une étude permettant de mieux identifier les nombreux autres facteurs susceptibles de jouer un rôle dans l'actuelle dévalorisation de la psychiatrie en tant que spécialté médicale.
(Tous les commentaires en italique que j'ai alignés ci-dessus me portent à croire qu'ainsi s'attarder à prétendre quantifier, dans une "étude", des évidences qui devraient sans peine sauter aux yeux de tout un chacun, ne serait jamais qu'une perte de temps et d'énergie supplémentaire parmi de nombreuses autres, et serait dépourvue de véritable utilité. Mais pourquoi pas? Faute d'autre chose, on tue le temps comme on peut...).

Plutôt que de s'apitoyer sur eux-mêmes et sur leurs "médiocres" conditions de travail, les psychiatres ne pourraient-ils pas aussi commencer par s'interroger (de temps en temps?) sur ce à quoi ils devraient peut-être (un peu) mieux s'efforcer pour améliorer sensiblement (significativement) les conditions de vie et l'état de santé (quelle que soit cette dernière) des malades mentaux, ces malades dont la présence et le sort devraient être la seule vraie et première raison d'être de la psychiatrie et, par suite, la justification du choix de ceux qui ont décidé d'en faire leur profession? Ce problème-là me semble primer sur tous les autres qui ne font que découler du premier, mais le Professeur Dr Geert Dom ne l'a pas abordé, et pour cause.

Pour ma part, je crains et surtout je regrette que le nombre de psychiatres, qu'on veuille croire qu'il y en aurait trop peu ou qu'on préfère s'imaginer que s'ils devenaient plus nombreux ils en seraient plus heureux et peut-être plus efficaces (?), pourtant ce nombre en soi n'exercerait guère d'influence notable, ni dans un sens ni dans un autre, sur l'actuelle situation réelle des malades mentaux chroniques. Je redoute qu'on se contente chez nous de ne viser jamais qu'à côté de la vraie cible, pour combien de temps encore?


Première publication: 19 Décembre 2011 (J.D.) Dernière modification: 19 Décembre 2011