"... la psychothérapie la plus élémentaire, mais aussi la plus directe et évidente, est celle que le médecin engage, ou devrait engager systématiquement, lorsqu'un patient est en face de lui, quelle que soit son affection, son âge et les circonstances."
Médecin et député français Bernard Accoyer
(Journal Français de Psychiatrie, 12, 2001 (1), p.5)
...CONTINUONS LE COMBAT ! (Politique 3)
- Puisque ceux qui se disent des professionnels officiels de la "santé mentale" continuent à se payer de mots creux auxquels ils voudraient nous faire croire;
- puisque les hommes et femmes politiques qui se prétendent "responsables" récupèrent à leur propre usage ces mots creux et s'en servent pour des motifs à la fois démagogiques et de comptabilité budgétaire simpliste à court terme;
- puisqu'aucun bilan concret et crédible ne peut jamais être obtenu - et pour cause - qui, indiscutablement, démontrerait enfin la prétendue efficacité, aussi bien des mesures politiques et sociales prises que des thérapeutiques mises en oeuvre en faveur des malades mentaux;
- parce que, par ces politiques suivies, ces attitudes affichées, ces habitudes invétérées de facilité qu'on se garde bien de perdre, ces fausses thérapeutiques auxquelles on s'accroche, à cause même de leur inefficacité et des déceptions que celle-ci engendre et qu'ensuite elle entretient, on ne peut qu'encourager le développement et la multiplication de procédés, pratiques et soi-disant médecines dites "alternatives", ou "non conventionnelles", ou aussi "parallèles", parfois encore prétendues "douces";
- parce que ces médecines dites alternatives ont encore moins d'efficacité prouvée que n'en a, aujourd'hui, celle qu'elles visent à remplacer ou à compléter, parce qu'elles se parent abusivement d'un jargon pseudo-scientifique et se revendiquent de "la science" sans pourtant jamais en tirer leur origine ni se prêter à vérification scientifique réelle;
- Faute des moyens qui lui seraient nécessaires, mais qui sont détournés
et gaspillés en faveur de superstitions et au profit de ceux qui en
vivent en exploitant celles des autres, la recherche scientifique vraie sur
les affections mentales chroniques et leurs traitements ne peut être
poursuivie de manière utile dans notre pays (petit par la géographie,
grand par l'ambition des discours de ses dirigeants politiques, remarquable
par le silence, l'inertie et la passivité de ceux qui, en principe,
ont le savoir - ou le prétendent - et dont la mission serait de l'accroître
et de le diffuser).
On entretient et on renforce ainsi le statu quo, ce qui équivaut à délibérément refuser aux malades mentaux chroniques tout espoir d'amélioration de leur sort dans un avenir qui serait assez proche pour n'être pas qu'une utopie.
Toutes les fausses "médecines", les pseudo-sciences, toutes les pratiques (ce ne sont pas des savoirs mais plutôt des recettes de grimoires!) plus ou moins ésotériques de saltimbanques aux prétentions faussement scientifiques, qui décrètent, sans la moindre preuve valable, aussi bien préserver des maladies mentales que restaurer la "santé mentale", doivent être dénoncées et exposées pour ce qu'elles sont: de mauvais trompe-la faim ou pire: des attrape-nigauds plus profitables aux praticiens qu'à leurs clients.
Les hommes et femmes politiques de chez nous qui disent règlementer ces pratiques et donner un statut officiel (une reconnaissance officielle) à ceux qui les dispensent, cèdent aux pressions de certains lobbies et obéissent à une démagogie facile. Ils laissent ainsi transparaître leur infinie crédulité (leur absence de rationalité, leur superbe méconnaissance, voire leur mépris de tout esprit critique) autant que leur ignorance (et/ou celle de leurs conseillers "scientifiques"). Si le XVIIIème siècle a été appelé celui des lumières, veut-on, au XXIème, retourner à l'obscurantisme et à la magie exploitant la jobardise?
Mais il y a plus grave encore: ces politiques profitent du pouvoir dont nous
les avons (provisoirement!) investis pour décerner un certificat officiel
et définitif de respectabilité et de validité à
certaines pratiques surtout fantasmatiques, alors que le pouvoir politique ne
possède pas en soi - ou automatiquement - le savoir requis, et alors
qu'il ne prend pas non plus de précaution sérieuse pour s'entourer
des compétences indispensables afin d'en juger valablement.
Et ce n'est pas tout. En agissant de la sorte, on lâche systématiquement
la proie pour l'ombre. Mises à mal en faveur de simulacres, les maigres
ressources des citoyens sont dilapidées, dans lesquelles puiser pour
un jour trouver et promouvoir les vraies solutions. Ces ressources ne sont peut-être
pas perdues pour tout le monde, mais elles le sont certainement pour le progrès
de nos connaissances véritables et pour les malades mentaux chroniques
dont nos "responsables", depuis toujours, semblent se soucier comme
d'une guigne.
Nos gouvernants semblent avoir imaginé que
légiférer pour règlementer la "psychologie clinique"
et les "psychothérapies" (v. politique
1) - et pour en "reconnaître" les praticiens - constituerait
le témoignage (donnerait la preuve) de leur souci bienveillant
de la "santé mentale". Sans doute pensaient-ils aussi répondre
aux revendications de plus en plus pressantes de nos nombreuses associations
de psys (psychologues et "thérapeutes" de divers "courants")
devenues fort encombrées en à peu près deux décennies.
Ils pensaient peut-être du même coup "moderniser" la "santé
mentale" à moindres frais.
Amateurs se croyant éclairés mais en réalité peu
avertis, peu prudents et impatients (pressés par les impératifs
des échéances politiques), ils ne se doutaient vraisemblablement
pas des difficultés, aussi bien de principes que techniques, dans lesquelles
ils n'ont pas hésité à foncer tête baissée
(les "réformes" de 1988-1990 et les tristes effets des lois
dites "Busquin" ne semblent pas leur avoir inspiré de réflexions
salutaires).
L'incompréhension et une certaine naïveté de nos ministres
se dévoilent au grand jour dans cette phrase de l'exposé des motifs
du projet de loi modifiant l'A.R. n° 78 du 10 novembre 1967: "Grâce
à un règlement légal, le patient a une garantie quant à
la qualité et le praticien est reconnu dans la société."
Nous avons déjà rappelé ailleurs (v. politique
1) qu'à l'évidence, décerner de beaux diplômes,
voire attribuer de clinquantes médailles (de quoi surtout décorer
les murs d'une salle d'attente ou une vitrine) à un praticien quel
qu'il soit et de quelque pratique que ce soit, ne peut jamais rien garantir
quant à la qualité du contenu de sa pratique. Il
faut aussi que ce contenu satisfasse à un certain nombre de critères
fort stricts, c.à.d. que sa validité se base sur des preuves scientifiques,
c.à.d. des données scientifiquement établies et reconnues.
Et là, il se trouve qu'on est, bien souvent, fort loin du compte.
Il semblerait que les ministres et leurs conseillers ne paraissent pas - ou
ne parviennent pas à - comprendre la nature de ces preuves ni les caractéristiques
auxquelles elles doivent répondre. Comme beaucoup de personnes, ils sont
impressionnés par l'actuelle ubiquité de "la science"
dans tous les domaines de notre vie quotidienne, par l'importance et le prestige
considérables qu'elle a acquis dans notre société occidentale
moderne. Mais ils ne distinguent pas entre sciences véritables et les
pratiques intuitives plus ou moins fantaisistes et magiques. Certaines d'entre
elles s'affublent d'un jargon pseudo-scientifique visant à les déguiser
en science pour emprunter à cette dernière et usurper, à
moindre coût et à moindre effort, un peu de cette reconnaissance
officielle, de ce "crédit" et de ce prestige
tant recherchés.
Et, faute de volonté de clarté (ou manque de lucidité, ou ignorance, ou encore manque de courage devant les pressions?) dans les définitions et dans les textes, voilà les difficultés qui commencent. En effet, à peine les ministres ont-ils (il/elle) commencé à faire promulguer leurs lois et à rédiger hâtivement (devrait-on dire: bâcler?) d'autres projets de loi, aussitôt ces projets suscitent un tollé, une levée de boucliers dans les associations professionnelles de psychologues et psychothérapeutes dont les dirigeants poussent des cris d'orfraie à la perspective, entre autres calamités annoncées, que leurs membres soient "inféodés" aux médecins et, ainsi, perdraient leur autonomie, leur "liberté de diagnostic, d'indication et de traitement", perdraient leur "identité professionnelle".
Et il y a fort à parier que les difficultés et les remous, provoqués par nos ministres et par les réactions des psys à leurs décisions politiques, risquent de s'amplifier encore car, ne l'auriez-vous pas remarqué? les médecins, quant à eux, se sont jusqu'à présent cantonnés dans un silence discret et prudent. Cela risque de ne pas durer. Il n'est guère besoin d'être devin pour prédire de prochaines nouvelles péripéties, polémiques et autres disputes. Leurs causes et origines véritables devraient être évidentes s'il n'y avait autant de personnes, de tous bords, intéressées à les dissimuler pour de multiples raisons (dont les bonnes sont souvent difficiles à avouer). On peut dire qu'animés d'intentions que certainement ils croyaient bonnes, nos ministres ont néanmoins commis un fameux pas de clerc dont ils ne mesurent apparemment pas le moins du monde les multiples conséquences qui surgiront bientôt.
Cette bataille de la "santé mentale", peut-être peu préméditée car sans doute redoutée et sans cesse reportée, qui finalement s'annonce, il y a déjà longtemps qu'elle aurait dû avoir lieu. De multiples acteurs devraient y prendre part, c.à.d. les politiques, les médecins (neuro-psychiatres mais aussi généralistes et neurologues), les psychologues dits "cliniciens", les psychothérapeutes de toutes "obédiences" ou "courants". De ce débat qui peut-être va s'ouvrir, la clarté pourrait jaillir, la vérité devrait enfin éclater. Soyons optimistes et, une fois n'est pas coutume, remercions les ministres pour leur maladresse, même si nous voulons la croire involontaire; elle a l'avantage de nous laisser espérer que les usagers, c.à.d. les premiers et véritables intéressés, finiront par en retirer un bénéfice depuis longtemps attendu: d'une part, que les véritables malades mentaux chroniques reçoivent enfin, des praticiens compétents, l'attention, les soins médicaux ET l'aide psychologique qu'ils méritent; d'autre part, que les personnes qui, malgré leurs difficultés du moment, peuvent cependant se contenter de la seule assistance psychologique non médicale, ne soient plus considérées (déconsidérées!) comme des malades, comme les patients à "mauvaise santé mentale" pour lesquels on essaye de les faire passer actuellement.
La vérité trop longtemps occultée qui devrait éclater, nous croyons, contrairement à ce qu'affirme le proverbe, qu'elle est toujours bonne à dire et doit toujours être dite, quoiqu'elle ne soit pas toujours agréable à entendre par tous ceux qu'elle concerne. Une fois de plus, revenons-y, même si les autres articles de ce site y ont déjà, clairement, fait allusion à de nombreuses reprises.
Sur ce site, on n'a cessé de répéter qu'il ne faut pas confondre "souffrances existentielles" et affections mentales, qu'il ne faut pas faire passer pour des troubles mentaux véritables (des pathologies) les "malaises psychologiques", les difficultés de société, les "problèmes existentiels", le "mal-[de]-vivre", le "mal-être" . Pourtant, c'est justement cette confusion que tous indistinctement s'obstinent à créer et à entretenir depuis toujours, qu'ils se disent "thérapeutes", qu'ils soient psychiatres médecins, qu'ils s'appellent "psys" de quelque "tendance" que ce soit, parfois même se mêlant à eux des sociologues académiques sans doute en mal (et en quête) de notoriété facile.
Tous, en effet, ont adopté la détestable habitude de regrouper ces manifestations "psychologiques" ou "psychiques" ou "mentales" au sein d'une seule et même entité indéfinissable et floue nommée, par une sorte d'antiphrase particulièrement pernicieuse, à la fois révélatrice et génératrice de confusion mentale généralisée, la "SANTÉ MENTALE". Et, se voulant sans "complexes", ils s'en proclament les experts et s'en disputent sinon le monopole, au moins la part la plus importante et la plus avantageuse possible pour eux-mêmes, un peu à la manière de charognards sur les dépouilles d'un champ de bataille (pour ceux qui seraient choqués par la métaphore, rappelons leur, si besoin en était, qu'il est question d'un secteur d'activité de notre société qui, globalement et littéralement ne vit essentiellement que du malheur des gens, et qu'on nous demande de croire ses responsables sur parole - jamais sur pièces! - quand ils en vantent les bienfaits et l'efficacité, alors qu'en même temps, ô paradoxe passé pudiquement sous silence! tous nous en disent cependant que "la demande augmente considérablement" (R.T.B.F.: Santé: pas de "psy" sans docteur?", 26/02/2002).
Madame la Ministre Aelvoet, après une première mouture de son
projet de règlementation du statut et de la pratique du "psychologue
clinicien", s'est aperçue que ces praticiens n'ont pas la formation,
c'est-à-dire les compétences médicales requises
pour exclure l'existence possible d'une véritable pathologie médicale
chez ceux qui viendraient les consulter. Ceci présentait des dangers
évidents que nous avions d'ailleurs déjà signalés
(v. politique 1). Dans une version ultérieure
de son projet, optant pour la prudence, elle a donc subordonné, mais
de manière peu nuancée, les consultations et thérapies
chez les psys à l'accord préalable du médecin. C'était,
en apparence, la sagesse. C'était cependant encore insuffisant. Dans
le domaine de la santé des gens, Madame la Ministre a eu l'occasion d'en
faire l'expérience au gouvernement, on n'est jamais trop prudent, on
n'est jamais assez prévoyant (rappelons-nous les exemples récents
des problèmes d'E.S.B. et des contaminations de la volaille par la dioxine).
Pour renforcer la sécurité des clients suivis par des psys désormais
"autonomes", il fallait encore responsabiliser ces derniers. Quoi
de plus normal et d'ailleurs obligé, que d'assumer la responsabilité
des actes qu'on pose, ou du défaut des actes qu'on devrait poser dans
le cadre d'un contrat tacite de service?
Il était donc naturel et logique d'imposer aux psys l'obligation d'adresser
leurs clients au médecin en cas de suspicion de pathologie
(ce que la ministre appelle les causes "biomédicales"
[sic!]), pathologie éventuellement présente non seulement dès
le départ, mais aussi qui pourrait survenir en cours de "thérapie".
C'est ce que Mme la ministre a fait figurer dans le projet de loi, mais apparemment
sans tenir compte du fait que la formation des psys ne leur donne pas les moyens
d'assumer correctement cette responsabilité.
La distinction entre ce que la ministre appelle des
"troubles psychiques" comportant des causes "biomédicales"
(les pathologies, de la compétence des seuls médecins)
et ce qu'elle nomme des "problèmes psychiques"
n'en comportant pas (le non pathologique, dont les psys pourront se charger
seuls) est, paraît-il, quasiment impossible à
établir aux yeux des psychologues (R.T.B.F., 26/02/2002,
Ibid.). Si ce n'est là un aveu, spontané quoique sans doute
involontaire d'impuissance, voire d'incompétence des psychanalystes et
thérapeutes protestataires, qu'on nous propose donc une autre interprétation
plus plausible!
De plus, il semblerait que "la nécessité d'un diagnostic
médical, prévue par le projet de loi, pourrait aussi avoir comme
conséquence de pousser les psychologues à envoyer systématiquement
leur clientèle chez le médecin, de quoi se prémunir
contre tout risque de voir le patient se retourner contre son psychologue
et l'attaquer en justice, réflexe protecteur que l'on observe déjà
aux Etats-Unis" (R.T.B.F., ibid).
Cette "nécessité", les psychanalystes la refusent. Pourtant,
l'absence de diagnostic médical, contrairement à ce qu'ils semblent
croire, ne les protège nullement de l'éventualité de la
présence, chez leurs "patients", de pathologies ne relevant
pas des "thérapies" qu'ils pratiquent. Leur "sainte ignorance"
(ce que, précisément, ils appellent la distinction impossible
à leurs yeux!) ne les protègerait alors pas non plus d'éventuelles
actions en justice, bien au contraire! Croient-ils donc éluder leurs
responsabilités, simplement en niant - parce qu'ils les ignorent (délibérément
ou naïvement, qu'importe!) - des risques bien réels que, de
leur propre aveu, ils ne peuvent pourtant identifier? Comment aussi qualifier
l'attitude de "professionnels" qui revendiquent d'exercer seuls des
responsabilités mais s'avouent incapables de les assumer ainsi que leurs
conséquences, et qui refusent même de minimiser les risques (d'abord
encourus par qui?), refusant de répartir peut-être mieux les
responsabilités entre intervenants en fonction de leurs compétences
officiellement reconnues (ou, si l'on doit en croire les
prétentions, voire les accusations des uns comme des autres, leurs parts
respectives d'incompétences objectives, avouées ou non)?
Pauvres "clients" ou "patients" dont les "décideurs politiques" ont l'inconscience (ou le culot?) et surtout l'indécence de prétendre qu'ils auront une "garantie de qualité", d'affirmer qu'ils seront désormais "mieux protégés", de suggérer qu'on va enfin cesser de les mener en bateau parce que l'équipage de ce bateau aurait obtenu de beaux uniformes dessinés par des stylistes ayant l'aval ou la faveur des ministres!
Les problèmes des véritables malades mentaux, parents pauvres de toujours de notre si beau système [de santé], proviennent pour une bonne partie de ce nom de "SANTÉ MENTALE", une fable, un mirage tout à la fois absurde, fantôme inexistant mais incontournable, bien pratique pour certains qui en vivent et s'en servent, peu utile ou même néfaste pour ceux qui doivent y vivre, ceux à qui on peut en imposer tous les caprices, toutes les humeurs. Ceux-là doivent subir, ce sont les poissons d'espèces diverses peuplant le vivier de la "SANTÉ MENTALE". Les poissons sont les "clients" des uns ou des autres, les "patients" de tous, leur "matière première".
La fable de
"SANTÉ MENTALE" que nous allons conter
maintenant, c'est la concrétisation cauchemardesque d'un délire
flou, imaginaire, théorique, dogmatique et fabriqué de toutes
pièces à partir de fantasmes jamais dissipés qui s'élaborent
et ne cessent de s'amonceler au fil du temps. C'est un univers devenu administratif,
ayant donné finalement naissance à une institution bureaucratisée,
une administration en soi, un monde à part à la Kafka.
Confortablement assis autour du vivier qu'à la fois ils alimentent (repeuplent)
constamment et qu'ils exploitent (à la manière de ces chasseurs
qui se disent, bien sûr, protecteurs de la faune), qu'ils soient professionnels
ou pêcheurs du dimanche ayant le permis, nos pêcheurs psys de la
fable sont collègues et/ou concurrents,
qui s'opposent et s'entre-déchirent, quoiqu'en douceur, plus ou moins
sournoisement. On compte parmi eux des pêcheurs psys appelés psychiatres,
porteurs d'un diplôme de médecin spécialiste, et de nombreux
pêcheurs psys qu'on pourraitt appeler psys "parallèles"
ou "alternatifs" désormais "reconnus" (les actuels
et plus bruyants protestataires contre les projets ministériels).
Malgré les multiples schismes qui les divisent en clubs de pêche
psy ou "chapelles", tous parviennent cependant à s'accorder
pour préserver cette fiction qu'est la "SANTÉ
MENTALE". Elle est en effet leur pêche réservée
(chasse gardée?) commune, leur fonds de commerce à partager,
leur raison sociale, la vitrine qui justifie une majorité des leurs,
c'est l'alibi accréditant leur utilité sociale et assurant leur
survie matérielle.
Quant à la population des poissons nageant dans le vivier de la fable,
elle est très hétérogène, mais on peut toutefois
en répartir les individus en deux grandes catégories distinctes:
d'une part ceux qui devraient effectivement se trouver là (ceux qui
souffrent d'une pathologie), d'autre part ceux qui s'y sont égarés
par erreur - ou qu'on y a attirés - (et qui n'ont pas de pathologie!)
Une partie des pêcheurs psys affirment qu'entre ces deux catégories
de poissons (dans le vivier parce qu'il faut les soigner, ou inversement),
les uns sans doute vraiment malades, les autres peut-être pas vraiment,
la distinction, quoique toujours délicate, ne leur est pas impossible.
Ils disent que leur formation médicale les en rend capables mais, avec
quelque raison d'ailleurs, ils contestent cette capacité à ceux
qui n'ont pas reçu leur formation.
Les autres pêcheurs psys affirment, au contraire, que cette distinction
n'a pas de sens puisqu'ils sont incapables de la faire (tous les poissons
seraient à la fois malades et non malades).
Ces pêcheurs psys-là, par contre, contestent aux premiers, aux
pêcheurs médecins (et psychiatres) les compétences requises
pour appâter efficacement les poissons, compétences qui ne seraient
acquises qu'après de longues formations tout à fait spécifiques
que seuls certains psys reçoivent.
Quoi qu'il en soit, quel est l'enjeu de cette fable, de cette querelle? C'est, pour chaque pêcheur, et pour pouvoir continuer son activité, d'être à même de revendiquer le nombre le plus élevé possible de poissons "guéris" qu'on serait capable de rejeter, non plus dans le vivier, mais dans la rivière, enfin!
Et, pour tous les pêcheurs psys quels qu'ils soient, voilà un but bien plus facilement atteint avec des poissons pas vraiment malades (dépourvus de pathologie) qu'avec des poissons réellement atteints (souffrant d'une pathologie). C'est pourquoi ils veulent laisser tous les poissons, malades ou non, indistinctement dans le même vivier. C'est pourquoi certains ne veulent pas pouvoir distinguer entre pathologique et non pathologique. Ainsi, dans leur grande majorité, les pêcheurs pourront se vanter de soigner efficacement un grand nombre de poissons, en les faisant tous passer pour de vrais malades. Les nombreux échecs pourront ainsi être tus et ignorés, opportunément noyés dans la masse des fausses réussites qu'on présente comme étant les plus nombreuses, sinon les seules (c'est ça, noyer le poisson?)
Il faut mettre fin à cette fable. Cessons donc, enfin! de parler de
"SANTÉ MENTALE". De nombreux "psychothérapeutes"
de diverses tendances clament depuis longtemps et sur tous les toits qu'il faut
"démédicaliser la santé mentale", et que les
médecins n'ayant pas de formation psy (sauf, disent-ils avec quelque
condescendance, certains psychiatres), ils prescriraient, à tort
et à travers, des médications psychotropes plus nocives que bénéfiques,
alors que les psychothérapies (les leurs, de préférence!)
seraient plus indiquées.
Prenons les au mot! Supprimons la "SANTÉ
MENTALE" et remplaçons-la par deux organismes ou institutions
(comme on voudra) qui seraient, d'une part, les "AFFECTIONS
MENTALES" ou "MALADIES MENTALES",
et d'autre part l' "ASSISTANCE PSYCHOLOGIQUE".
Les maladies ou "pathologies" mentales seraient, au départ,
de la compétence des médecins, tandis que l'assistance psychologique
n'aurait plus pour officielle vocation première de "guérir"
mais de soutenir psychologiquement et de parfois aider à obtenir le renforcement
d'un traitement médical ou encore, d'aider à le supporter. L'assistance
psychologique serait donc de la compétence incontestée des "psys",
médecins ou non. On ne voit pas pourquoi une personne ne se sentant pas
malade mais éprouvant le besoin d'un soutien psychologique,
ne pourrait s'adresser directement à un psy si elle le souhaitait, sans
devoir d'abord faire appel à un médecin.
Les "pathologies" mentales, quant à elles, ont toujours une
base biologique et organique, personne, aujourd'hui, ne peut plus l'ignorer.
Quoi que proclament sur leur site Internet des ministres sans doute mal instruits
par des conseillers mal choisis, ces affections-là ne
se soignent pas essentiellement par la parole. Elles sont toujours
et obligatoirement justiciables de traitements médicamenteux.
Raison supplémentaire pour en laisser la responsabilité aux seuls
médecins, mieux à même de prescrire la médication,
dans la mesure toutefois où la pratique prépondérante de
techniques "psychologiques" n'a pas fait oublier à certains
leur formation biologique médicale initiale.
On veut croire que le monopole médical des prescriptions médicamenteuses
ne devrait pas poser de problèmes à nos psys s'ils veulent rester
cohérents avec eux-mêmes, puisqu'ils se récrient généralement
contre l'usage de psychotropes. (Signalons cependant que, dans certains pays
(p.ex. l'Etat du Nouveau Mexique, U.S.A.), les psys revendiquent le droit de
prescrire des médicaments, et des velléités de légiférer
dans ce sens se manifestent actuellement. Mais, très logiquement, le
droit à prescrire ne sera envisagé dans cet état qu'après
que les connaissances correspondantes, théoriques et pratiques, en neurosciences
et en neuropharmacologie auront été acquises et sanctionnées
par un diplôme reconnu et agréé.)
L'art de guérir - ce que maintenant certains, chez nous, appellent "l'art
médical" - étant ainsi devenu bien distinct de l'assistance
psychologique, les plates-bandes des uns ne devraient plus craindre les piétinements
des autres, ce qui devrait encourager médecins et psys à collaborer,
peut-être mieux que par le passé.
Le réaménagement de la "SANTÉ MENTALE" en "ASSISTANCE
PSYCHOLOGIQUE" et en "AFFECTIONS MENTALES"
aurait aussi pour conséquence d'enfin ne plus permettre d'ignorer et
délaisser les malades mentaux psychotiques et chroniques véritables,
aujourd'hui noyés parmi les autres. Il deviendrait enfin possible de
rechercher pour eux de vraies solutions (et de les mettre en oeuvre!).
On se donnerait ainsi les moyens d'afficher un bilan enfin plus réaliste
et crédible des résultats objectifs
des efforts déployés par les professionnels de l'actuelle "santé
mentale". Ce bilan objectif n'existe pas à l'heure actuelle, nous
ne disposons que de messages publicitaires peu crédibles de certains,
et du silence des autres.
Première publication: 5 Avril 2002 | (J.D.) | Dernière modification: 9 Mai 2007 |