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PRÉVENTION (sous-entendu: des troubles mentaux)

"La prévention n'a de chances d'être efficace que lorsque l'on comprend la cause de la maladie que l'on traque".
Petr Skrabanek & James McCormick, "Idées folles, idées fausses en médecine." (Trad. française: Odile Jacob édit., Paris 1997)

Certains parlent de "notions de prévention, c.à.d. de 'maintien de sa santé mentale' par une certaine hygiène de vie et un recours raisonnable à des aides en cas de nécessité" (selon l'expression d'une directrice de Fondation belge s'occupant de "santé mentale"; communication personnelle à J.D.).

Ceux qui tiennent ce langage n'illustrent en général pas leur propos de l'un ou l'autre exemple explicitant leur pensée. Si toutefois ils avaient le courage - ou seulement la curiosité - de s'y risquer, ils seraient rapidement obligés de reconnaître la vacuité de pareilles phrases toutes faites, dont le seul mérite éventuel ne pourrait résider que dans la "musique" qu'elles font dans les discours officiels.

Que signifie donc "maintien de sa santé mentale"?

Pour le savoir, il faudrait d'abord tomber d'accord sur ce qu'on entend par "santé mentale". Ensuite, en fonction de la réponse, on pourrait examiner si son "maintien" ou sa "mise en danger" sont vraiment du pouvoir délibéré de l'individu.

Pour le médecin, la (bonne) santé mentale, c'est l'absence de maladie mentale.

Conséquence des mauvaises conditions matérielles de vie, la fatigue physique excessive et prolongée, tout comme la maladie en général, amoindrit et dégrade les performances intellectuelles et physiques, assombrit l'humeur, exacerbe l'émotivité. Elle peut donc entraîner à la longue une "fatigue nerveuse" (le "stress") se traduisant par une difficulté accrue pour résoudre les problèmes quotidiens: le travail incertain, le logement précaire, la cherté de la nourriture et de l'habillement, les diverses préoccupations familiales. Il n'est guère nécessaire d'être psychologue ou psychiatre pour savoir cela.

Ces difficultés dites "psychologiques" consécutives aux conditions matérielles défavorables constituent-elles une mauvaise "santé mentale"? L'intervention de psychologues, voire de psychiatres, va-t-elle changer les conditions matérielles de vie, procurer le repos et permettre la récupération de la forme physique indispensables aux fonctionnements mentaux (intellectuels et affectifs) optimaux?

Comment les rescapés des camps de concentration et d'extermination de la dernière guerre ont-ils préservé leur "santé mentale"? En ayant recours à quelles aides? à des psychologues professionnels, peut-être? ou encore à des psychiatres? je doute qu'il y en ait eu de disponibles!

Ils ont fait appel à la solidarité de leurs compagnons de malheur, psychologues sans le savoir ni avoir besoin du diplôme, et donc véritablement humains, désintéressés et motivés comme eux. Par contre, comment accorder sa confiance et croire à la vertu thérapeutique du seul discours de "techniciens professionnels du psychologique", discours de circonstance, stéréotypé, récité contre rétribution , compassion superficielle de commande, choisie comme un article tout prêt à telle ou telle page d'un catalogue d'ailleurs bien vite refermé? Je mets en doute l'utilité du psychologue auquel on aurait recours comme on appellerait le plombier en cas de fuite ou d'inondation, ou l'électricien lors d'une coupure de courant (d'ailleurs, saurait-il comment résoudre les problèmes de fond, c.à.d., en l'occurrence, comment fermer les vannes ou rétablir le courant?).

Quel est le sens de "une certaine hygiène de vie"?

Ce sens varie avec chaque personne interrogée, selon son origine sociale, son éducation, ses croyances religieuses ou philosophiques, son niveau social et ses possibilités financières, etc., etc. Le concept d'une "bonne hygiène de vie" a varié, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours, et on peut prédire qu'il continuera à fluctuer à l'avenir.

Chacun de nous croit savoir, intuitivement, ce qu'est, pour soi-même et pour ses proches, la "bonne" hygiène de vie. Ces "notions" font partie des idées reçues et des modes du moment. Les modes sont généralement éphémères, elles changent donc souvent. Par contre, les idées reçues ont une inertie considérable, elles ne changent parfois que sur plusieurs générations. Tous, cependant, il nous arrive de déjà sourire avec indulgence des "idées" auxquelles nos grand-parents tenaient encore, il n'y a pas si longtemps de cela.

Qu'elles soient temporaires ou, au contraire, de longue durée, les idées générales sur la "bonne hygiène de vie" constituent un corps d'idées reçues et de croyances qui, en fin de compte, dépendent principalement de l'organisation et de l'histoire de la société où elles prennent naissance. Mais elles ne sont que cela: des croyances. La fréquence des maladies mentales dans les populations ne change pourtant pas sensiblement, ni avec ces croyances, ni dans le temps, ni avec le type de civilisation.

Cependant, l'expérience quotidienne nous montre que, par exemple, l'abus d'alcool et nombre de drogues psychotropes altèrent, souvent de manière irréversible, le métabolisme, la structure, les fonctions de notre organisme tout entier et plus particulièrement de notre cerveau. Une bonne "hygiène de vie" comporte donc, très vraisemblablement, l'abstinence de ces substances ou, tout au moins, la prudence et la modération dans leur consommation.

Excepté cet exemple important, mais de portée limitée, on voit mal sur quelle base, autre qu'imaginaire, autoritaire, arrogante et dogmatique, une "certaine hygiène de vie" plutôt qu'une autre pourrait être proposée, en exemple général de rempart assuré ou même seulement plausible, contre le spectre qu'on agiterait des maladies mentales en puissance.


Première publication: 22 Février 2001 (J.D.) Dernière modification: 18 Octobre 2002

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