AVANCÉES RÉCENTES des RECHERCHES tant FONDAMENTALES que CLINIQUES dont CHACUN peut facilement COMPRENDRE L'INTÉRÊT ÉVIDENT et L'ESPOIR justifié qu'ELLES NE PEUVENT MANQUER de SUSCITER.
"Recent genetic studies reinforce the view that current approaches
to the diagnosis and classification of major psychiatric illness are inadequate.
These findings challenge the distinction between schizophrenia and bipolar
disorder, and suggest that more attention should be given to the relationship
between the functional psychoses and neurodevelopmental disorders such as
autism. We are entering a transitional period of several years during which
psychiatry will need to move from using traditional descriptive diagnoses
to clinical entities (categories and/or dimensions) that relate
more closely to the underlying workings of the brain."
(je suis responsable du soulignement. J.D.)
("Les études génétiques
récentes renforcent l'opinion selon laquelle les approches actuelles
du diagnostic et de la classification des affections psychiatriques majeures
sont inadéquates. Les résultats de ces études remettent
en question la distinction entre la schizophrénie et les troubles
bipolaires, et suggèrent que plus d'attention devrait être
accordée aux relations existant entre les "psychoses fonctionnelles"
et les troubles du développement du système nerveux tels que
l'autisme. Nous entrons dans une période de transition qui durera
plusieurs années au cours desquelles la psychiatrie devra renoncer
à l'usage des traditionnels diagnostics descriptifs pour leur préférer
la reconnaissance d'entités cliniques (des catégories et/ou
des dimensions) plus étroitement en rapport avec le fonctionnement
sous-jacent du cerveau.")
Nick Craddock and Michael J. Owen: BJP
2010, 196:92-95
Il semblerait que, de moins en moins rares, certains parmi les psychiatres, (comme, par exemple, ceux cités dans l'encadré ci-dessus) commencent enfin à reconnaître ouvertement que les critères purement descriptifs sur lesquels se basent les diagnostics des troubles mentaux chroniques ne sont que des apparences superficielles (dont on a trop généralement pris l'habitude fort peu scientifique d'en interpréter les "significations" et de leur supposer des "raisons" plutôt que des causes véritables, et cela en n'utilisant que sa seule imagination et en lui faisant entièrement confiance! - J.D.).
Ces professionnels, devenus enfin plus rationnels et plus logiques que leurs prédécesseurs psychiatres très (trop) imaginatifs, admettent à présent que les signes et symptômes observés chez les malades, même s'ils peuvent paraître à l'observateur être les mêmes, voire passer pour identiques chez des personnes malades pourtant distinctes, peuvent néanmoins être le résultat apparent commun de mécanismes neuronaux "sous-jacents" défectueux pourtant différents d'un individu à l'autre: c'est-à dire que des tableaux cliniques en apparence superposables (et gratifiés, actuellement encore, du même nom - ou "diagnostic" ou étiquette/appellation "fourre-tout") peuvent en réalité résulter d'altérations cérébrales (neuronales et neurogliales) différentes.
Une première conséquence obligée de l'existence (enfin reconnue) des altérations cérébrales organiques et de leur multiple diversité est que, pour bien faire, les diagnostics devraient refléter cette diversité (d'origine et de nature organique). Une deuxième conséquence au moins aussi importante que la première est que les traitements mis en œuvre devraient, eux aussi, mieux tenir compte de la spécificité particulière des altérations cérébrales effectivement à l'origine de chaque cas de l'affection et de son tableau clinique "visible".
Malheureusement, à cause de nos ignorances encore trop grandes de
toutes les particularités possibles de ces défectuosités
cérébrales, l'attitude la plus généralement
adoptée de nos jours encore est, au contraire, le plus souvent de
ne choisir les traitements médicamenteux qu'assez arbitrairement
et exclusivement en fonction de classifications nosologiques intuitives
en réalité bien trop simplistes.
Elles sont nécessairement simplistes car basées seulement
sur des apparences, c'est-à dire sur les conséquences "extérieures"
finales et observables de diverses altérations physiopathologiques
neurales fort complexes qui, elles par contre, sont toujours multiples et
diverses mais restent cachées à nos yeux et sont donc ignorées
(et par conséquent aléatoirement [et mal] ciblées
par les indispensables traitements pharmacologiques).
C'est pourquoi le constat et la prédiction des psychologues britanniques mis en exergue dans l'encadré ci-dessus doivent être reçus comme le signe évident et bienvenu de la mise en marche d'un important PROGRÈS et d'une nécessaire prise de conscience nouvelle d'une tout aussi nécessaire modernisation des techniques et disciplines de la psychiatrie. C'est là un élément essentiel d'une indispensable évolution attendue (espérée?) depuis fort longtemps, dont tous les "scientifiques" véritables certainement ne pourront que se réjouir sans réserve.
*************
Mais d'autres PROGRÈS
encore, potentiellement très importants, sont en vue. S'ils n'annoncent
pas déjà pour aujourd'hui ce qu'on voudrait pouvoir appeler
une "prévention primaire" véritable, ils permettent
néanmoins d'espérer qu'on s'en rapproche dans un avenir sans
doute pas trop éloigné, et cette prévention désirée mais
jusqu'à présent impossible pourrait bientôt être
remplacée par une possible précaution
générale de routine et donc ne plus
rester une utopie.
- On connaît les méfaits des déficits en acide folique et en vitamine B12 sur le développement embryonnaire du cerveau, et l'association fréquente de ces déficits avec des affections neuropsychiatriques [revue dans: Stanger O., et al., Expert Neurother. 9(9), 1393 -1412 (2009)].
- On a également observé une diminution de la fréquence des cas d'enfants affectés de troubles du spectre autistique nés de mères ayant bénéficié d'une supplémentation en acide folique pendant leur gestation [Pål Surén et al., JAMA (309) (6) 570 - 577 (2013)].
- Des chercheurs iraniens ont observé un déficit fréquent en acide folique et en vitamine B12 chez des patients atteints de schizophrénie [Saedisomeolia A. et al., J Res Med Sci. (16 Suppl1) S437 - S441 (2011)].
-
Dans une première publication datée du 6 mars 2013, des chercheurs
américains ont rapporté les résultats d'une étude
multicentrique sur les effets bénéfiques d'une supplémentation
en acide folique
et en vitamine B12
chez des patients schizophrènes [Roffman
J L., et al., 2013 ].
Ils concluaient de leur étude que cette supplémentation pouvait
améliorer les symptômes négatifs
de la schizophrénie chez ceux des patients dont le profil génétique
permettait une bonne absorption gastro-intestinale de l'acide folique et de la vitamine B12.
- Plus récemment (14 mars 2017), des chercheurs appartenant à la même équipe que celle ci-dessus ont constaté, sur les symptômes cliniques de 55 patients schizophrènes, les effets bénéfiques de L-méthylfolate (le composé actif dérivé de l'acide folique) administré à ces patients pendant 12 semaines. (Roffman JL., et al., 2017 ).
On ne sait pas encore avec une totale certitude si la meilleure efficacité du méthylfolate (la vitamine B9 active) par rapport à celle de son précurseur inactif, l'acide folique - (c.-à d. si l'effet plus constant obtenu sur tous les patients traités plutôt que sur une fraction significative d'entre eux ayant positivement réagi au traitement dans l'étude précédente) résulte d'une meilleure absorption intestinale du méthylfolate ou si une déficience enzymatique de la transformation de l'acide folique en méthylfolate chez certains patients pouvait avoir été responsable, dans les essais précédents, de leur absence de réaction à l'aide folique éventuellement non tranformé en vitamine B9).
Les auteurs de cette étude clinique disent eux-mêmes qu'il faudra la dupliquer à plus grande échelle pour en confirmer tous les effets favorables déjà observés, (et aussi pour savoir si cet adjuvant vitaminique pourrait permettre de diminuer sensiblement, voire de peut-être parfois supprimer les [trop fortes?] doses de neuroleptique NDLR J.D.).
Dans le dossier sur la schizophrénie, j'avais déjà
décrit la capacité "psychologique" d'attention
et de focalisation (c.-à d. d'occultation des parasites ambiants
- les facteurs de distraction - non pertinents et gênants) dont sont dotées toutes les
personnes en bonne "santé mentale" (schizof.PDF,
pp. 34-35), capacité qui, par exemple, leur permet
d'isoler, au milieu du brouhaha d'une réunion de nombreuses personnes
bruyantes, une conversation particulière, et d'éventuellement
en identifier le ou les locuteurs. Les chercheurs anglo-saxons ont baptisé
cette capacité du nom de 'effet de cocktail party' [voyez: A.W. Bronkhorst.:"The Cocktail Party Phenomenon: A Review on Speech
Intelligibility in Multiple-Talker Conditions". Acta Acustica
united with Acustica 86: 117–128. (2000)].
Le phénomène de la "cocktail party" est fortement
atténué ou même absent chez de nombreux malades atteints
de schizophrénie, ce qui n'est que le reflet particulier d'un handicap
beaucoup plus général: l'incapacité à filtrer
les informations sensorielles de manière à ne laisser passer
que celles qui sont utiles sur le moment pour la tâche en cours (en
inhibant les autres: = focaliser l'attention).
Le gène CHRNA7 codant pour le récepteur
nicotinique acétylcholinique α7 est associé à la
transmission génétique de la schizophrénie et aux déficits
de l'inhibition neuro-sensorielle accompagnant cette affection. Des études
expérimentales sur l'animal ont montré que cette inhibition
sensorielle, si elle est supprimée ou diminuée, entraîne
un déficit de l'attention soutenue. La stimulation cholinergique
des récepteurs nicotiniques α7 (p.ex. sur des interneurones
inhibiteurs dans l'hippocampe) est un maillon essentiel de cette inhibition.
Quand on active pharmacologiquement ces récepteurs, on améliore
l'inhibition et l'attention soutenue [Olincy A.
et al., Arch Gen Psychiatry (63) 630-638, 2006].
Mais les récepteurs nicotiniques cholinergiques α7 sont également
moins nombreux que normalement chez les malades schizophrènes dans
différents territoires cérébraux [Freedman
R. et al., Biol Psychiatry: (38) 22 - 33, 1995;
et Court J. et al., J Neurochem. (73) 1590 - 1597,
1999].
Se basant sur ce qui précède, sachant que l'inhibition
cérébrale se développe en période périnatale
sous l'influence de facteurs génétiques et in utero, une équipe
de chercheurs U.S. ont mis à profit l'activation par la choline amniotique
des récepteurs nicotiniques cholinergiques α7 du foetus pour faciliter le développement
de l'inhibition cérébrale. [Ross
RG, et al. Am J Psychiatry 1er mars 2013; (170)(3) 290
- 298]
Ils ont supplémenté l'alimentation des mères (100 mères
en bonne santé) à partir du deuxième trimestre de gestation,
et ont continué ce régime chez les mères et leur nourrisson
jusqu'au troisième mois postnatal inclus. Ils ont observé
que l'inhibition cérébrale (= "l'habituation") se
développait nettement mieux chez les bébés ayant reçu
de la phosphatidyl-choline (76%, contre seulement 43% chez ceux n'ayant
reçu, ainsi que leurs mères, qu'un simple placebo).
Ces résultats ne prouvent pas encore que ce traitement préviendrait
le developpement d'une schizophrénie car, pour s'en assurer il faudrait
évidemment attendre que les nourrissons aient atteint au moins l'âge
de l'adolescence et plus. Mais ils montrent qu'au moins une des conséquences
défavorables de leur patrimoine génétique, très
invalidante pour leur développement neurocognitif et social, peut
être surmontée.
Le lecteur comprendra donc enfin pourquoi j'avais plus haut
parlé de "précaution générale de routine".
L'administration systématique et la prescription de suppléments
"vitaminiques" comprenant aussi de l'acide folique et de la vitamine B12, sans oublier la phosphatidyl-choline lors des consultations
pré- et postnatales pour toutes les mères
et femmes enceintes, et lors des consultations pédiatriques pour nourrissons, devrait devenir une procédure automatique. Elle
devrait permettre de réduire la fréquence des psychoses schizophréniques
et, à défaut de les supprimer toutes, d'au moins diminuer la sévérité
des handicaps résultant de celles qui se développeraient quand
même.
Pareille pratique ne devrait pas être difficile à généraliser:
dans le souvenir (quoique devenu aujourd'hui quelque peu lointain!) que j'ai
conservé de mes stages en gynécologie-obstétrique,
on distribuait déjà les échantillons de vitamines etc.,
etc.
Première publication: 8 Avril 2013 | (J.D.) | Dernière modification: 1 Juin 2017 |