"Entre le laisser faire et l'ignorance, l'action sans la connaissance et les risques indiscutables que comportent, du point de vue humain, les tentatives de transformation appuyées sur la connaissance ou, en tous cas, aidées par la connaissance, il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais vraiment d'hésitation possible."
Jacques Bouveresse: "Robert Musil - L'homme probable, la moyenne et l'escargot de l'histoire"
p. 106. Editions de l'Eclat, Paris 1993 & 2004 (ISBN : 284162-089-1)
LA
PUCE DANS LA POMMADE
(The flea, not the fly - in the ointment)
Depuis sa mise en ligne sur la toile, de nombreux "internautes"
ont visité le site mens-sana.be et s'y sont peut-être parfois
attardés. Parmi eux, certains ont été assez intéressés
par ce qu'ils y ont lu pour y réfléchir et, mieux encore, pour
prendre la peine de me faire part du résultat de leur réflexion
et de leurs réactions. Qu'ils en soient tous ici remerciés et,
quoi que certains d'entre eux puissent croire, je remercie au moins autant
ceux qui contestent les prises de position de Mens Sana que ceux qui s'y rallient:
en effet, toutes les réactions, qu'elles
soient pour ou contre ce qui est dit sur ce site, nous
instruisent sur leurs auteurs, leurs idées, leurs croyances, et elles
nous apportent la preuve de l'intérêt porté par les internautes
aux sujets abordés sur mens-sana.be. Toutes, elles nous encouragent
à poursuivre cette entreprise de longue haleine.
Mais on pouvait bien sûr s'y attendre: les diverses nuances de ces réactions
plus ou moins spontanées ou réfléchies selon les cas, s'échelonnent
en effet depuis les approbations et même les francs encouragements, en
passant par l'interrogation et la quête d'information supplémentaire,
puis par l'irritation voire la colère, souvent l'incompréhension,
par la réprobation plus ou moins virulente, pour parvenir, enfin mais
heureusement fort rarement, à rejoindre l'insulte à peine voilée.
Les appréciations favorables et les encouragements émanent de
Belgique et d'ailleurs, habituellement des parents et proches de malades mentaux
chroniques qui me disent retrouver dans mes écrits un écho de
ce que, depuis des années, ils ont vécu et ressenti eux-mêmes
avec leur malade, et ce que beaucoup d'entre eux vivent encore aujourd'hui et
chaque jour: en bref, ce que les "intervenants officiels" de la "Santé
mentale" ne disent habituellement pas
ou qu'ils éludent , ce que ceux qui surtout parlent abondamment de "Santé
Mentale" tout en prétendant s'y investir activement, soit semblent
ou affectent d'ignorer, soit, s'ils ne l'ignorent pas, ce que dès lors
ils ne peuvent plus que s'efforcer de ne pas reconnaître ni de dire clairement.
Des approbations (peu fréquentes, il est vrai, lorsqu'elles provenaient
de "professionnels") me sont même parvenues de quelques psychologues,
et parfois même de psychiatres - apparent rari nantes in gurgite vasto...(Virgile,
Enéide I, 118) - qui paraissaient apprécier - sans doute
une fois n'est-elle pas coutume - des observations et des réflexions
remettant en question les habituels poncifs pleins d'annonces de bonnes intentions
et autres emplâtres analgésiants: ces lieux communs que, généralement
et de diverses sources dites "autorisées" et/ou présumées
"compétentes", on propose à la crédulité
et pour susciter la sympathie du public, ou qu'on nous applique très
généreusement et sans modération - pour quel bien,
et pour le bien de qui? - au nom du souci affiché de la "santé
mentale" et de sa "promotion".
Les quelques protestations contestataires que j'ai reçues, quoique bien
moins nombreuses que les réactions d'adhésion et de sympathie
des proches de malades, sûrement ne peuvent provenir que de personnes
animées, sans conteste et pour la plupart, des meilleurs sentiments,
motivées peut-être par des préoccupations humanitaires certes
fort honorables mais qui, dans leur majorité, ont été endormies
par certaine "bonne parole" et ont voulu continuer d'y croire à
toute force.
C'était la "bonne parole" qui guérit, celle de psychiatres
rêveurs, de psys littéraires et poètes onirologues, de ces
"psychanalystes" qui, dès le siècle dernier, se voulant
d'abord une sorte d'artistes et se croyant omniscients inspirés par leur
"analyse didactique" personnelle, refusaient définitivement
aux scientifiques qu'ils qualifiaient de "matérialistes" et
de "positivistes" (par définition incultes et bornés,
évidemment) toute compréhension des processus mentaux (ils en
disent: le cerveau que ces biologistes scientistes ne parviendront jamais
à déchiffrer, à quoi cela pourrait-il bien servir, sinon
à s'asseoir dessus?). Ces bavards, rien qu'en "philosophant"
entre eux sur "l'esprit" et la "psyché" tels qu'ils
les imaginent en attribuant des noms à leurs composantes immatérielles
qu'ils inventent, croyaient pouvoir soigner (?) les "troubles de l'âme"
(et ils prétendent le croire aujourd'hui encore).
Mais toute leur "action thérapeutique" se bornait à
la logorrhée et à l'étalage de leur contestable érudition
littéraire classique, approximative voire dévoyée, à
l'intention de lecteurs admiratifs et crédules et de parterres d'auditeurs
ébaubis. Ou, aujourd'hui encore, ils répètent et reprennent
à leur compte, sans se donner la peine de le comprendre, le discours
de tous ceux qui se sont laissés séduire: par un verbiage délibérément
obscur et boursouflé, et par l'imagination délirante et débridée
(provocatrice et provocante), et ont été entraînés
par ces chants de sirènes dans le sillage des psychanalystes à
la suite de Sigmund Freud et de ses successeurs passés et actuels.
Malgré les justifications et explications fournies dès la présentation et dans son introduction, les détracteurs des articles de mens-sana.be semblent n'avoir pas encore compris que je ne m'adresse pas vraiment ni directement à eux. J'ai appris - et j'en ai depuis longtemps pris mon parti - qu'on ne peut, avec quelque espoir de succès, opposer la raison et la logique à des convictions, des croyances, des certitudes fermement enracinées dans des esprits adorateurs de quelque dogme que ce soit, et incapables de jamais remettre ce dogme en question, a fortiori si ce dernier semble assurer, à ses thuriféraires et adeptes, des avantages sociaux (de prestige) et parfois matériels que leurs capacités naturelles ne leur permettraient peut-être pas d'acquérir ni de conserver grâce à leurs seuls mérites propres.
A propos de ceux qui tentent de justifier une
nosologie psychiatrique - peu importe laquelle, d'ailleurs - (en 2002, mais
manifestement peu enclins à se raviser, puisqu'à ce jour encore,
trois ans plus tard sur la toile, ils estiment devoir nous en informer, sans
se hâter ***), à propos de ceux qui admettent
pourtant qu'elle ne peut être que spéculative, mais prétendent
néanmoins être capables de la valider par la seule réflexion
philosophique, je n'arrêterai pas de le
dire et de le redire, même si cela risque fort de ne pas plaire à
tout le monde: il n'y a guère de différence
entre pareille démarche et une théologie dogmatique, voire une
sorte de gnose. Cette approche ne peut ni prédire ni produire aucune
conséquence pratique qui en découlerait et qui permettrait peut-être
de réellement la valider de préférence à n'importe
quelle autre nosologie construite sur des bases tout aussi "philosophiques"
mais de "philosophies" différentes, voire contradictoires.
Libre à certains de voir dans ces "rêveries philosophiques"
une justification de "l'ethnopsychiatrie", mais je ne vois pas plus,
dans ce cas, qu'on ait apporté aucune preuve des bons résultats
qui "valideraient" cette dernière.
Je n'arrêterai jamais non plus de répéter
que toutes les nosologies, quels que soient les principes et critères
sur lesquels on veut les fonder, n'ont jamais été et ne restent
que de simples annuaires, des catalogues arbitraires et dépourvus de
valeur explicative, tout juste bons à consulter pour la facilité,
comme on consulte un annuaire des téléphones ou comme on feuillette
les annuaires (SNCB
/ SNCF)
des trains. En principe, tous les médecins
savent cela depuis longtemps. Si certains professionnels ne parviennent pas
à le comprendre ou l'oublient, les patients, eux, ont néanmoins
le droit de savoir qu'ils n'ont pas à y accorder une importance proportionnelle
à la longueur des discours que certains "psys" y consacrent.
En effet, à ceux qui boivent sans sourciller les discours creux de ces pseudo-philosophes nostalgiques des temps qu'ils croient héroïques ou meilleurs qu'aujourd'hui, je me permets de rappeler (et je le ferai aussi longtemps que, tant les "professionnels" que les "volontaires bénévoles autoproclamés" de toutes sortes continueront à ne pas vouloir s'en souvenir), que la médecine (celle qu'ils appellent "somatique") dont ils profitent de nos jours et dont ils n'imaginent même pas qu'ils puissent s'en passer, cette médecine et ses praticiens que Molière, magistralement, décrivait ridicules toujours et dangereux fort souvent, n'ont progressé, ne sont enfin devenus utiles, effectifs et dignes de confiance qu'à partir du moment où ils ont enfin pu se passer de la nosologie et de ses justifications prétendument "philosophiques".
Pour les malades mentaux et pour ceux qui les entourent et vivent avec eux
un peu plus quand même que quelques instants par semaine (leur
famille, les infirmiers), ce sont les résultats
thérapeutiques dont ils sont directement témoins qu'ils peuvent
apprécier eux-mêmes et ce sont les faits qui accompagnent ces résultats
qui importent d'abord. Ceux qui y tiendraient absolument pourraient peut-être
tirer de cela une philosophie ensuite, mais ensuite
seulement. Mais pour ceux qui, malgré tout, s'obstinent à philosopher
a priori, sans trop se soucier
ni tenir aucun compte des non résultats concrets
de leurs cogitations, ne pourraient-ils pas tout aussi bien, sur une autre
planète, discuter du sexe des anges? Cela apporte-t-il la moindre
amélioration à la condition, sur terre cette fois, des
malades mentaux?
Quoiqu'en disent certains psychiatres belges, la psychiatrie, chez nous, au
cours des trente dernières années, n'a que peu de raisons d'être
globalement fière des résultats qu'elle aurait obtenus (***),
car ces rares résultats, elle n'y est elle-même vraiment pas pour
grand-chose (et nous les montre-t-elle? Où les cache-t-elle?).
Ces résultats que certains lui attribuent, surtout sans nous en laisser
voir les exemples, elle peut encore moins les devoir à quelque validation
que ce soit d'une nosologie toute arbitraire et intuitive qu'on imaginerait
basée sur une réflexion "philosophique" pour le moins
fruste, alors qu'il serait certainement plus correct (et peut-être
plus courageux) d'ouvertement qualifier cette "réflexion"
de rumination métaphysique oiseuse et de pacotille.
Nous voyons aussi réapparaître, reprise par certains de nos psychiatres,
l'idée que "la cause des maladies mentales est à trouver,
pour l'essentiel, en dehors de l'organisme" (sic), "...qu'une
maladie mentale est une construction interactive et donc culturelle avant d'être
un fait biologique." (resic). Rappelons aux internautes qui nous lisent
que toutes les statistiques dont nous disposons réfutent cette affirmation:
dans le monde entier, quelles que soient les cultures, les couches sociales,
les modes de vie, etc., les fréquences des maladies mentales chroniques
ne sont pas significativement influencées par les circonstances "extérieures".
Nous savons tous aussi qu'au sein des familles, où tous mènent
des vies fort comparables et baignent nécessairement dans la même
culture, s'il advient qu'un des membres de la famille devient manifestement
malade mental, il est néanmoins fort rare que les autres membres le deviennent
eux aussi.
Rien ne permet donc d'affirmer, comme pourtant certains en Belgique nous le prétendent sans s'embarrasser de l'absurdité qu'ils profèrent, que parmi des cerveaux qui, selon eux, seraient, au départ, nécessairement tous "normaux" (sic) et seraient tous - puisque dans les mêmes familles, menant les mêmes modes de vie, baignant dans une même culture, etc. - néanmoins "soumis à des condtions anormales de fonctionnement" (sic), seuls certains cerveaux "prendraient l'habitude d'un fonctionnement anormal." (resic!).
De telles affirmations reviennent à suggérer tout en refusant d'admettre ouvertement (car ce serait reconnaître la contradiction!), que parmi les cerveaux, au départ tous "également normaux" paraît-il, certains seraient néanmoins "plus normaux" que d'autres qui le seraient "moins" et ces derniers résisteraient moins bien aux mauvaises influences extérieures communes "à trouver en dehors de l'organisme" (mais seules les conditions extérieures "anormales" seraient à prendre en compte!!).
C'est comme pour l'égalité des citoyens: tous sont égaux,
mais certains sont plus égaux que d'autres. J'admets volontiers qu'on
soit libre de raconter des âneries, à condition de ne pas les faire
passer pour vérités scientifiquement établies, et à
condtion qu'on me laisse, moi aussi, libre d'en montrer le ridicule et de les
dénoncer pour ce qu'elles sont: des faux-fuyants tragi-comiques où,
malheureusement et compte tenu des circonstances, le tragique l'emporte largement.
Et comment s'étonner que je m'en indigne, quand pareilles inepties ne
servent en fin de compte qu'à masquer l'impuissance et l'incurie de fait
de toutes les "mouches du coche" qui encombrent la "Santé
Mentale", ce qui revient à détourner des recherches d'approches
et de solutions plus productives et plus bénéfiques pour
les malades et dans l'immédiat?
On nous offre ici un exemple frappant de la résurgence actuelle, irrationnelle
et irréfléchie des théories soutenues par Jean-Jacques
Rousseau et les utopistes de son temps. C'est ce qu'on a appelé la théorie
du bon sauvage, selon laquelle l'homme naîtrait naturellement bon (et
son cerveau en parfait état et vierge de tout défaut comme une
page blanche), mais ce serait l'éducation et la vie en société
qui feraient de lui (et de son cerveau) tout ce qu'on peut trouver
de "mauvais" et d' "anormal" en lui. On a depuis longtemps
(Voltaire, déjà) fait justice de ces rêveries,
mais nos psychiatres, bien qu'ils aient, en principe, tous et tout comme nous
appris cela à l'école, n'ont pas l'air de l'avoir retenu (il
ne manque à certains d'entre eux que d'avoir, à leur tour, écrit
les "Rêveries d'un psy solitaire": succès de librairie
assuré s'ils avaient choisi ce titre. Une difficulté toutefois:
Jean-Jacques écrivait un français bien plus clair et meilleur
que le leur).
Il est important qu'au moins les proches de malades, eux, se souviennent de cette littérature et des conclusions qu'on en a tirées depuis sur les plans philosophique, psychologique et social, pour ne pas recommencer, encore et encore, à se culpabiliser indument à cause de théories psy depuis longtemps solidement réfutées.
Ma prose déplaît encore fortement à d'autres, qui se défendent
d'être "ni psychiatres, ni psychologues, ni socio-pédagogues,
ni experts médicaux, ni communicants ni humanitaires". Mais,
n'étant rien de tout cela, ils n'ont pas compris la distinction qu'il
y a entre psychologie et psychiatrie, entre "personnes à problèmes"
et "véritables malades mentaux", ils ne connaissent manifestement
pas les malades mentaux vrais (et ils nous parlent et croient leur parler
de partenariat, car c'est un beau mot,
mais qu'est-ce donc qu'un partenariat à sens unique, sinon un, ou parfois
deux monologues indépendants et permanents - on appelle cela aussi des
dialogues de sourds ?)
Ceux-là affirment, entre autres, que "... on s'interroge trop
peu sur les représentations que nous nous faisons tous
de la folie, de la maladie mentale, de la dépression, et des stratégies
mises en oeuvre par chacun, avec le concours profane de la communauté
pour passer de "l'aller mal" à "l'aller mieux"...".
Ils montrent ainsi clairement qu'ils n'ont pas compris la distinction entre
"problèmes éventuellement psychologiques" et "affections
mentales chroniques", et ils ne "connaissent" pas les victimes
de ces dernières.
Ils croient qu'il leur suffit de se faire une (des) représentation(s)
de ce qu'ils croient être "la folie, la maladie mentale etc.,"
et peut-être d'y réfléchir pour savoir et comprendre de
quoi il retourne. Ils montrent ainsi qu'ils nagent en plein dans un imaginaire
dont ils se contentent sans jamais éprouver le besoin de le vérifier.
Ces croyances qu'ils étalent ainsi naïvement laissent fortement
soupçonner qu'ils n'ont jamais longuement fréquenté les
malades dont ils croient parler avec autant d'assurance.
Ils ne savent pas que les "représentations"
abstraites qu'ils ne font qu'imaginer à propos de "la folie, la
maladie mentale, etc.,..." ne peuvent être que toujours fausses.
Les maladies mentales, ou plutôt les malades eux-mêmes, il faut
les observer en permanence; il faut vivre avec eux et parmi eux pour se faire
des "représentations", mais même
ainsi, on ne peut jamais être sûr du degré de fidélité
de ces "représentations" à la réalité
intérieure vécue par les malades.
Leur méconnaissance des véritables malades mentaux transparaît
à nouveau quand ils parlent des "stratégies qu'ils mettent
en oeuvre pour passer de l'aller mal à l'aller mieux..." .
C'est justement ce que les malades mentaux chroniques ne font pas, et que la
"communauté", par son "concours profane",
peut parfois être amenée à leur imposer en faisant appel
aux "professionnels".
Ils prétendent s'adresser aux malades mentaux, mais on vient de voir
qu'ils ne sont guère capables de les reconnaître parmi toutes les
personnes "à problèmes", et les fréquentent-ils
vraiment et assez longuement pour s'assurer que leur "éducation
permanente" serait comprise d'eux? Pour s'assurer que les malades comprennent
en quoi consistent les droits qu'on les encourage à se réapproprier
et quelle en est la contrepartie? On peut craindre que, même si, par extraordinaire,
ils en éprouvaient le besoin, ces "membres de la communauté",
par leur concours "profane", ne se soient créé
que fort peu d'occasions de procéder à pareilles vérifications.
Ils affirment animer un "Service d'éducation permanente"
et "s'intéresser aux liens entre Santé mentale et société",
et, après avoir énuméré, avec quelque apparence
de satisfaction, tout ce qu'eux-mêmes ils
ne sont pas, ils omettent de dire ce
qu'ils sont réellement et qui, peut-être,
légitimerait leurs compétences et leurs prétentions à
assurer l'éducation permanente qu'ils revendiquent.
Ceux-là me soupçonnent "d'être en mal de publicité"
et m'accusent de "monomanie du dénigrement de tout ce qui n'est
pas mon credo."
Le mot est lâché, et il est révélateur. C'est ce
mot, le "credo", révélateur
de la façon de "raisonner" de celui qui le prononce, qui m'a
incité à choisir la phrase de Jacques Bouveresse pour épigramme
à la présente page. Certaines personnes préfèrent
croire à savoir (v. Questions), parfois
parce que cette préférence reflète une propension naturelle
à la crédulité, mais bien plus souvent parce que cela demande
moins de travail d'information et d'instruction, et moins d'efforts de réflexion.
Souvent aussi, elles tentent de faire passer le savoir qu'elles supposent aux
autres et qu'elles n'ont pas elles-mêmes, pour des croyances qu'elles
mettent sur le même pied que leur propre "credo".
Elles n'aiment pas le savoir des autres qu'elles accusent d'être un instrument
de pouvoir et d'asservissement de ceux qui ne l'ont pas (les Khmers rouges
déjà ont eu cette idée, on sait où cela les a menés...).
Pourtant, il ne tiendrait qu'à ces personnes d'acquérir un savoir
qui devrait être à leur portée. Et ce n'est pas en ignorant
délibérément ce savoir (en le refusant) et en diffusant
des croyances qui vont à son encontre qu'on va renforcer ni le bien-être
ni la liberté. Les bons sentiments sont souhaitables et même indispensables,
mais jamais ils n'ont suffi, à eux seuls, à tenir lieu de savoir.
De même, reprocher leur savoir à ceux qui s'efforcent d'en avoir
et qui tentent aussi de le partager n'est guère un indice fiable d'ouverture
d'esprit chez des éducateurs et "formateurs" (sans parler
de tout ce que cela suggère de dogmatisme et d'intolérance).
Qu'est-ce qui vaut mieux? Partager le petit peu de savoir qu'on a avec le plus grand nombre possible (est-ce de la publicité?), ou distribuer, sans discernement ni réelle utilité, ses croyances et ses ignorances? (n'est-ce pas de la publicité?) Pour ma part, j'ai choisi et je continuerai à exercer et assumer ma "monomanie" de démystification tant que la désinformation, la mystification et la cécité de commande prévalant aujourd'hui en "Santé mentale" m'y forceront.
*** Voir Actes_colloque_presse.doc (2591 KB)
Le compte rendu original de ce colloque tenu en 2002 a depuis été effacé de la toile alors que le site de mens-sana.be l'avait renseigné en 2005. Nous en avions heureusement préservé la présente copie entièrement conforme destinée à l'édification des internautes. Si près d'une décennie et demi s'est écoulée depuis, on pourra ainsi tout de même juger si les idées actuelles sur la "santé mentale" et les mesures qu'on prend pour y apporter des solutions ont vraiment changé, tant dans l'opinion qu'en ce qui concerne le sort même des malades mentaux aujourd'hui (avril 2015).
Première publication: 8 Septembre 2005 | (J.D.) | Dernière modification: 13 Avril 2015 |