Psychiatrie
Dossier
Soins sous contrainte : la loi du 27 juin 1990
Cellule de réflexion de l'Espace éthique, 4 février
1999
In Ethique et soins hospitaliers, Espace éthique travaux
1997-1999
sous la direction d'Emmanuel Hirsch, AP-HP/Doin éditions
Lamarre 2001
p.470-494
Invités
experts :
Sonie Bernard (infirmière, service de psychiatrie adulte, hôpital
de Ville-Évrard), Delphine Croissant (infirmière, service
de psychiatrie adulte, hôpital de Ville-Évrard), Patricia
Goffaux (Fédération nationale des associations des patients
et des ex-patients psychiatriques), Christophe Renay (avocat, Paris),
Dr Djéa Saravane (chef de service des spécialités,
hôpital de Ville-Évrard).
Mebres de la cellule de réflexion de l'Espace éthique :
Christine Calinaud, Pr Quentin Debray, Françoise Duménil-Guillaudeau,
Pr Herbert Geschwind, Pr Patrick Hardy, Emmanuel Hirsch, Dr Jean-Christophe
Mino, Joël Rapon, Maguy Romiguière, Dr Michèle Salamagne,
Dr Antoinette Salem, Pr Didier Sicard, Jean Wils, Pr Robert Zittoun.
Sommaire
Introduction
Entre procédures et protocoles
Les modalités d'une hospitalisation sous contrainte
Protéger les personnes
Souci de la personne, enjeux collectifs
Des repères incertains
Introduction
:
Internement et protection de la personne
Responsabilités et enjeux de la décision
Patrick Hardy, service de psychiatrie, Hôpital Bicêtre, AP-HP
Internement
et protection de la personne
Vivant au sein d'un monde qui a placé la notion d'autonomie et
de liberté individuelle au premier rang de ses valeurs, l'homme
moderne ne peut qu'éprouver un premier mouvement de réprobation
à l'idée qu'un tiers puisse imposer des soins à un
sujet contre sa volonté. Cette possibilité existe pourtant,
en France comme dans le reste du monde, dans le cadre particulier de l'hospitalisation
sous contrainte des malades mentaux.
Dans notre pays, le premier cadre légal régissant ce dispositif
date de plus de
150 ans. Le 30 juin 1838 1, après un débat prolongé,
à la fois riche et passionné,
le Parlement de la République promulguait en effet une loi régissant
l'internement des malades mentaux, qui allait rester en vigueur durant
plus d'un siècle et demi.
Prolongeant les réformes entreprises sous l'influence de la philosophie
des Lumières et à la suite de la Révolution française,
mais aussi de l'uvre de libération des
aliénés entreprise quelques années auparavant par
Philippe Pinel (1793), cette loi est apparue à l'époque
comme la marque d'une grande avancée humaniste, en
raison de sa volonté tout à fait novatrice de placer les
internements sous un strict contrôle médical et d'établir
des dispositions visant à protéger les droits des patients.
Au cours des siècles précédents, l'internement des
malades mentaux avait été,
en effet, largement lié à l'arbitraire politique et policier.
Au cours du XVIIe siècle
et durant une grande partie du XVIIIe, qui avaient vu s'étendre
la pratique de l'enfermement asilaire, le malade mental était avant
tout considéré comme un danger pour la société,
et c'est avant tout dans un but de protection sociale que les "insensés"
étaient placés, par lettre de cachet, dans les asiles aux
côtés des délinquants, des mendiants et autres vagabonds.
Poursuivant un mouvement amorcé à la fin du XVIIIe siècle,
la loi du 30 juin 1838 est venue conforter la médicalisation des
institutions asilaires, d'une part en plaçant la décision
de placement volontaire (qui était la plus fréquente des
modalités
d'internement) sous la seule responsabilité des médecins,
d'autre part faisant du soin le premier objectif de cette mesure.
Promulguée peu après le cent-cinquantenaire de la loi de
1838, la loi du 27 juin 1990 a repris l'esprit général de
sa devancière, les principales modifications tenant à la
volonté de renforcer les mesures déjà prévues
par la loi de 1838 pour garantir les droits et la protection des internés.
Certaines de ces mesures concernent les modalités d'admission.
Celles-ci diffèrent selon qu'il s'agit d'une Hospitalisation sur
Demande d'un Tiers (HDT) ou d'une Hospitalisation d'Office (HO).
L'HDT, est destinée aux malades dont les troubles nécessitent
"des soins immédiats et une surveillance constante en milieu
hospitalier", tout en rendant impossible leur consentement. Elle
résulte d'un processus de décision avant tout médical
qui impose la rédaction de deux certificats médicaux circonstanciés
constatant l'état mental de la personne et indiquant les particularités
de sa maladie ainsi que la nécessité de la faire hospitaliser
sans son consentement. Elle nécessite également une demande
d'admission manuscrite et signée d'une tierce personne (membre
de la famille ou personne susceptible d'agir dans l'intérêt
du malade).
L'HO est réservée aux personnes dont les troubles mentaux
"compromettent l'ordre public et la sûreté des personnes".
Elle résulte d'une décision administrative et prend effet
avec la promulgation d'un arrêté préfectoral. Celui-ci
doit être motivé et rédigé au vu d'un certificat
médical circonstancié. En cas de danger imminent, des procédures
simplifiées permettent de mettre en uvre une HDT sur présentation
d'un seul certificat médical (associé à une demande
d'admission), ou une HO par simple arrêté du maire (qui,
à défaut de certificat médical, peut être prononcée
lorsque le péril imminent est attesté par la seule notoriété
publique).
Schématiquement, l'HDT s'adresse donc aux patients dont les troubles
représentent un danger pour eux-mêmes, l'HO aux malades dangereux
pour autrui. Seuls certains services de psychiatrie sont habilités
à recevoir des patients sous ce régime d'hospitalisation
: il s'agit, dans la plupart des cas, d'unités appartenant
au service public de "secteur" dont la mission est d'assurer
une pluralité et une continuité de soins pour les malades
mentaux résidant dans un territoire défini.
Il existe en France environ 284 services publics de secteur, chacun ayant
la charge d'une population de quatre-vingt mille habitants en moyenne.
Certaines contraintes légales visent à réduire le
risque d'admission non justifiée en HDT. Ainsi, deux certificats
médicaux (au lieu d'un seul pour la loi de 1838) sont désormais
nécessaires à la mise en uvre de l'HDT. De plus, seul
un médecin n'exerçant pas dans Iétablissement
d'accueil peut rédiger le premier certificat. En outre, les médecins
rédacteurs des certificats ne peuvent pas être parents ou
alliés, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement
d'accueil, ni de la personne ayant demandé l'hospitalisation, ni
du malade lui-même.
Nous avons également mentionné qu'en dehors des situations
de "péril imminent", l'arrêté d'HO doit
impérativement être rédigé au vu d'un certificat
médical (ce que n'imposait pas la loi de 1838).
D'autres mesures protègent le malade au cours de son séjour.
Elles imposent en particulier la rédaction régulière
de certificats médicaux justifiant le maintien ou la levée
de l'HDT, ou proposant le maintien ou la levée de l'HO.
D'autre part, dès leur admission, les patients doivent être
informés de leurs droits : droit de communiquer avec les autorités,
de prendre conseil auprès d'un médecin ou d'un avocat de
son choix, d'émettre ou de recevoir des courtiers, etc.
La loi prévoit en outre que les établissements habilités
à recevoir des patients en HDT ou en HO (tous les services de psychiatrie
ne le sont pas) doivent être régulièrement et fortuitement
visités par un certain nombre d'instances administratives et judiciaires
(préfet, juge, maire, procureur de la République) afin de
vérifier leur conformité à la loi et, le cas échéant,
de recueillir les doléances des patients.
Une "commission départementale des hospitalisations psychiatriques",
composée de quatre membres, participe à ces visites ; sa
mission est d'examiner la situation des personnes hospitalisées
au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité
des personnes.
Un certain nombre de voies de recours permettent enfin aux patients ou
à leurs proches de contester l'HDT ou l'HO par simple requête
devant le président du
tribunal de grande instance qui peut, le cas échéant, ordonner
la sortie immédiate. De plus, l'HDT cesse dès que sa levée
est requise par la personne ayant demandé l'admission, ou par un
parent proche. Le médecin de l'établissement peut néanmoins
s'opposer à cette demande en en informant le préfet qui
statue.
Responsabilités et enjeux dune décision
Aujourd'hui, en France, l'immense majorité des hospitalisations
psychiatriques
s'effectuent sous le régime de l'hospitalisation libre,
qui régit également les hospitalisations en médecine
ou en chirurgie. Tout patient peut ainsi s'adresser au service psychiatrique
hospitalier de son choix pour solliciter une hospitalisation et des soins.
L'admission est simplement subordonnée à l'avis d'un médecin
justifiant
la nécessité d'une telle mesure. L'intéressé
demeure libre de demander sa sortie,
y compris contre avis médical.
Les hospitalisations sans consentement ne représentent aujourd'hui
que 10 % environ de l'ensemble des hospitalisations psychiatriques (alors
qu'elles prédominaient jusque vers la fin des années 1970),
le nombre des HDT étant 3 à 5 fois supérieurs à
celui des HO. Elles ne représentent toutefois pas l'unique modalité
d'hospitalisation sous contrainte, trois autres mesures, plus rarement
appliquées, étant prévues par les textes. Il s'agit
du cas très particulier des cures de désintoxication et
de l'isolement des alcooliques dangereux pour autrui (prévus par
loi du 15 avril 1954, actuellement très peu utilisée), des
injonctions thérapeutiques astreignant certains toxicomanes à
subir une cure de désintoxication (loi du 31 décembre 1970)
et des exceptionnelles mesures d'isolement en milieu hospitalier de patients
présentant une maladie infectieuse grave et contagieuse.
De par leur caractère coercitif, les hospitalisations psychiatriques
sans consentement restent, aux yeux de certains, suspectes, car privatives
de liberté et susceptibles de donner lieu a des abus (les fameux
"internements arbitraires").
La question de la privation de liberté ne peut toutefois pas être
débattue en dehors de la finalité de cette décision.
Rappelons qu'après avoir été longtemps une mesure
politique destinée à protéger la société,
l'hospitalisation sous contrainte doit être aujourd'hui avant tout
considérée comme une mesure médicale destinée
à
protéger le sujet des conséquences de ses troubles et à
permettre la mise en uvre de soins adaptés (même si
l'HO joue à cet égard un rôle plus ambigu que l'HDT).
De ce point de vue, il apparaît que ces mesures peuvent acquérir
leur légitimité,
y compris sous l'angle du respect des libertés.
On peut, en effet, considérer que les troubles mentaux justifiant
une hospitalisation sous contrainte entraînent tous, à des
degrés divers, une perte de capacité du sujet à déterminer
par lui-même le choix de ses conduites. L'impossibilité de
consentir à l'hospitalisation fait d'ailleurs partie des éléments
que doit obligatoirement attester le certificat médical. Dans de
telles situations, les conduites du sujet sont en effet largement soumises
à un mode de pensée pathologique qui, en définitive,
restreint la liberté de l'individu. C'est dans ce sens que l'on
pourrait encore considérer ces troubles mentaux comme un facteur
d'"aliénation mentale" ou les identifier à une
pathologie de la liberté.
Cela ne signifie pas pour autant que le patient doive être considéré
comme exclu du champ de la communication, le maintien d'une relation inter-individuelle
s'avérant à la fois possible et nécessaire dans l'immense
majorité des cas. Cela traduit plus simplement le fait que ces
malades, réduits à un état de dépendance vis-à-vis
du mode de pensée et/ou de comportement induit par leur trouble,
peuvent espérer retrouver une plus grande autonomie affective,
intellectuelle et comportementale grâce à des soins que seule
une contrainte initiale aura rendu possibles.
L'hospitalisation sans consentement ne peut ainsi se réduire à
une privation de liberté et ne prend tout son sens que si elle
est également considérée à la fois comme une
mesure thérapeutique de restauration de l'autonomie et comme une
mesure de protection vis-à-vis des dommages corporels, relationnels,
sociaux, financiers, parfois irréversibles que peut induire la
maladie mentale.
De ce point de vue, le nécessaire respect de la liberté
d'autrui, qui, à l'extrême, pourrait conduire au refus d'intervention,
s'oppose à un autre impératif, qui est celui d'assister
toute personne en danger. Ce dernier impératif doit, en l'espèce,
d'autant plus prévaloir que l'une des finalités de l'acte
d'assistance est justement d'aider le sujet à retrouver une marge
de liberté dont le prive sa maladie.
La question des abus médicaux (autrement dit, des "internements
arbitraires") mérite également d'être considérée.
Bien que leur extrême rareté ne paraisse pas mériter
une modification de la loi, ni témoigner de la supériorité
d'un système sur l'autre en matière de garantie des libertés,
certains, critiquant le caractère exclusivement médical
et/ou administratif des décisions d'hospitalisation sous contrainte,
ont plaidé en faveur d'une judiciarisation des procédures.
Ils ont souligné le fait que, les garanties judiciaires accordées
à l'individu étant
toujours postérieures à la mesure d'hospitalisation sans
consentement, le malade mental se trouve d'une certaine manière
placé à un niveau de protection inférieur à
celui des prévenus et des criminels. Considérant que seule
l'autorité judiciaire est gardienne des libertés individuelles,
ce groupe de pensée, principalement composé de juristes,
a émis des propositions allant dans le sens d'une judiciarisation
de la procédure d'hospitalisation sans consentement. Dès
1979, le sénateur Caillavet déposait un projet de loi préconisant
une admission par voie judiciaire pour les malades mentaux non consentants,
tandis que le sénateur Dreyfus-Schmidt défendait ce principe
durant la phase d'élaboration de la loi du 27 juin 1990.
Une telle procédure, qui consiste à accorder au juge le
pouvoir décisionnel en matière d'hospitalisation sans consentement,
a été adoptée par de nombreux pays, en particulier
par les États-Unis et sept des douze pays de l'Union européenne.
Tout en respectant les recommandations du Conseil de l'Europe en matière
de
protection des libertés individuelles, la France a néanmoins
opté en 1990 pour le maintien d'une procédure médicalisée.
Le législateur s'est en effet montré sensible aux problèmes
que risquait de soulever l'adoption d'une procédure judiciaire
contradictoire : risque de retard à la décision dû
à une multiplication des intervenants, alors que la plupart des
situations nécessitent une action urgente ; risque d'une concentration
des pouvoirs dans les mains des seuls juges, alors que le maintien de
la procédure médico-administrative assortie de garanties
judiciaires permet de préserver l'équilibre des pouvoirs
et des contre-pouvoirs entre les différents acteurs potentiels.
Nous insisterons nous-même sur un dernier argument : en déléguant
à la profession médicale l'essentiel des responsabilités
en matière d'hospitalisation sous contrainte, la loi souligne implicitement
que le soin (et son corollaire, la restauration du sujet dans une plus
grande autonomie) demeure la finalité première de cette
mesure.
En mettant essentiellement l'accent sur la privation et le contrôle
d'une liberté
formelle, la judiciarisation des procédures ne risque t-elle pas
de dénaturer la fonction première de la contrainte, en occultant
ce qui doit être son objectif et en resituant, comme il y a trois
siècles, le malade mental aux côtés du délinquant
dans le champ privilégié de la justice ?
Entre
procédures et protocoles
Djéa Saravane
N'étant pas psychiatre mais exerçant dans un hôpital
psychiatrique en tant que médecin interniste, je suis confronté
à cette loi du 27 juin 1990. La contrainte concerne l'article L.
333 de la loi sur l'Hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT)
et l'article L. 342 sur l'Hospitalisation d'office (HO). J'envisagerai
les problèmes induits par ce type d'hospitalisations.
En tant que médecin, la première difficulté tient
au certificat établi par le médecin. Ce document est adressé
au directeur qui transmet au préfet l'identité de la personne
et le certificat de 24 heures, qui est ensuite soumis à la Commission
départementale des hospitalisations psychiatriques, au procureur
de la République du tribunal de grande instance du domicile du
patient et à celui dont relève le lieu d'hospitalisation.
Enfin, les procureurs ont accès aux registres tenus dans chaque
établissement où sont consignés tous les renseignements
ainsi que les certificats médicaux.
La multiplicité des intervenants de formation et de fonction différentes
me pose un réel problème : ces certificats seront donc lus
par de multiples personnes.
Lorsque nous parlons d'HDT, le tiers peut être un parent ou un ami.
Or, comment peut réagir la personne en sortant de l'hôpital
vis-à-vis du parent ou de l'ami qui a signé une telle demande
? Après avoir réalisé un petit sondage très
rapide auprès de mes collègues psychiatres, il semble que,
dans ce cas de figure, les réactions soient assez violentes à
l'égard de celui qui a demandé l'HDT. Ce ressentiment se
dissipe souvent après un laps de temps assez conséquent.
Sonie Bernard
Au moment de la crise, le signataire de l'HDT peut devenir un élément
persécuteur. À long terme, cette demande est acceptée
et reconnue. Cependant, il nous est arrivé de recevoir des personnes
qui ont réagi autrement. Par exemple, une patiente sachant que
son mari était le signataire de l'HDT, s'est repliée dans
son statut de malade. Elle mettait de plus en plus en avant ses éléments
délirants, par rapport à son mari, parce qu'elle voulait
qu'il en souffre.
Cette situation peut donc savérer à double tranchant,
selon la pathologie du patient.
Didier Sicard
L'identité du signataire de l'HDT est-elle toujours communiquée
à l'interné ?
Sonie Bernard
À notre niveau, non. Mais le médecin, en tout cas dans notre
service, donne toujours cette information.
Christophe Renay
L'identité du tiers fait partie des informations administratives
devant être communiquées au patient, puisqu'il est le seul
intéressé. Cependant, des avis de la Commission d'accès
aux documents administratifs (CADA) ont précisé que, pour
des raisons de sécurité, on pouvait taire le nom du tiers
afin de le protéger. Mais ce tiers n'est pas forcément un
proche, ce peut être une assistante sociale. Dès lors, nous
pouvons considérer que cette personne n'a aucun intérêt
vis-à-vis du patient ; pourtant elle va devoir gérer cette
situation.
Djéa Saravane
Concernant l'HO, le problème est tout à fait différent
car il s'agit, dans ce cas
de figure, d'un sujet dont on estime qu'il compromet l'ordre public ou
la sûreté des personnes. Le préfet prend alors la
décision et suit le certificat de 24 heures. Nous constatons que
ce type d'hospitalisation est suivi très fréquemment d'une
levée de l'HO très rapide, car le fait établi ne
nécessite pas toujours ce type d'hospitalisation.
Le circuit de l'HO est le même que celui de l'HDT Le maire du domicile
du patient est aussi informé et cela a posé des problèmes
dans certaines communes. Un maire apprenant l'hospitalisation en HO d'un
de ses administrés logé dans une Habitation à loyer
modéré (HLM), considérant que l'HO était générée
par un trouble de l'ordre public et donc social, peut très bien
supprimer le logement !
Il nous est donc déjà arrivé d'être confrontés
à des patients qui sortant de l'HO n'avaient plus de logement.
Je pense donc que dans ce cas précis, il s'agit soit d'un abus
de pouvoir du maire, soit d'une interprétation déviante
de la loi de 1990.
Sonie Bernard
Nous avons reçu une femme de quatre-vingts ans en HO, sous prétexte
qu'elle hébergeait chez elle une dizaine de chiens jugés
trop bruyants ! Cette femme a perdu toute possibilité de relogement
et se retrouve sans rien, ses chiens ayant été notamment
supprimés par la Société protectrice des animaux
(SPA). Nous avons seulement pu la placer en maison de retraite, après
constatation d'un syndrome de glissement très prononcé.
Djéa Saravane
Il est important de souligner que le maire lui a tout retiré. Par
conséquent, en tant que médecin cet aspect de l'HO me pose
un véritable problème.
Patricia Goffaux
Ce sujet me paraît particulièrement important au regard de
l'éthique, car nous sommes dans un cas particulier où l'éthique
est à la fois valeur et objet. Concernant les soins psychiques,
l'objet même du soin c'est l'éthique car ils concernent l'homme
lui-même. Or, sil y a faute éthique, il sagit
en même temps dune mise en cause de l'objet professionnel
et donc l'échec est total.
Dans le cadre de mes fonctions associatives, j'ai participé à
un groupe de travail sur la loi de 1990. Cette dernière prévoyait
une révision de la loi au terme de cinq années. La loi de
1990 ne prévoit pas une place bien définie, reconnue au
médecin psychiatre traitant, lorsqu'il y en a un. Cette situation
paraît extrêmement préjudiciable, parce que nous sommes
confrontés au champ de la contrainte : on oblige une personne à
être placée dans un endroit précis et à y subir
des soins. Dès lors, il convient de tout faire pour rétablir
une relation qui puisse être mise en valeur et entretenue.
L'un des grands débats était consacré à la
refonte de l'HO et de l'HDT. L'éventualité de ces modifications
était argumentée par le fait que, entre un patient arrivant
en
HO et un en HDT, il n'existait pas de différence de pathologie
et de danger, mais une distinction de situation préalable à
l'hospitalisation.
Pourtant, le système de l'HDT ne nécessite pas l'avis du
préfet pour la sortie et il laisse subsister une sorte d'équilibre
de pouvoir, puisque le tiers ayant demandé l'hospitalisation peut
à tout moment la lever, souvent sur le conseil d'un médecin.
En revanche, le système de l'HO nécessite la décision
du préfet qui se base sur l'avis dun médecin mais
qui sollicite également deux expertises concordantes.
En tant que garant de l'ordre public, le préfet intervient donc
sur des décisions d'ordre médical.
L'idée de ce groupe de travail, visait à supprimer cette
distinction, afin de ne
disposer que dun seul régime d'hospitalisation intermédiaire,
situé entre les deux systèmes et donc plus contraignant
que l'HDT et plus souple que l'HO. On serait dès lors hospitalisé
par décision du préfet et on sortirait sur préconisation
du médecin. Le ministère de l'Intérieur sest
parfaitement opposé à nos propositions.
Le fait de vouloir renforcer le cadre de l'HDT est également motivé
par l'instabilité éventuelle du tiers.
Il faut, à mon avis, maintenir un équilibre de pouvoir,
afin que le dispositif puisse être levé immédiatement,
et ce, sans recours judiciaire.
La continuité des soins en dehors de l'hôpital, dits de "période
d'essai", constitue une réalité nécessitant
d'être plus étendue et perçue comme une alternative
à
l'hospitalisation d'emblée.
L'obligation de soins fait très peur à nombre de patients.
Elle prend une signification prédéterminée, car considérée
en termes de soins médicamenteux contraignants.
L'accompagnement des crises savère très important.
Même si les soins sous contrainte simposent, les patients
doivent être en mesure - soit a priori, soit a posteriori - dexprimer
leur consentement. L'internement représente un acte très
fort de séparation qui marque la conscience de la personne malade,
avec des conséquences profondes tant pour ce qui la concerne que
pour ses proches.
Les modalités dune hospitalisation sous
contrainte
Christophe Renay
Ce sont les interventions effectuées dans des établissements
hospitaliers afin de leur permettre déclaircir certains points,
plus que ma pratique d'avocat, qui mont amené à réfléchir
à ce sujet.
Pour toute personne hospitalisée ou pour sa famille, la loi de
1990 prévoit la possibilité de s'adresser au praticien ou
à l'équipe soignante de santé mentale, publique ou
privée, de son choix, tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son
lieu de résidence.
Ce principe, de manière générale, est l'adaptation
de la loi de réforme hospitalière qui donne au malade le
droit au libre choix de son établissement de santé, sous
réserve de considérations de capacités techniques
ou de modes de tarifications.
J'ai été informé, à plusieurs reprises, des
problèmes rencontrés au niveau du choix de la structure.
Le principe de la sectorisation correspond à la possibilité
offerte
à chaque patient d'obtenir, en cas de problème, une place
dans une structure adaptée. Or, dans la pratique, tel nest
pas le cas. Par exemple, les sans domicile fixe n'ont pas d'adresse. Par
conséquent, on les répartit dans les différentes
structures. Dès lors, de quel choix disposent-ils pour leur hospitalisation
?
Il est également important de souligner les aspects liés
aux questions relatives à la liberté de la personne au cours
dune hospitalisation. Lorsque l'on nous demande de parler de droit,
de liberté et d'éthique, je me rends compte que ce n'est
pas la peine d'aller très loin dans la contrainte pour trouver
des situations où les droits du patient ne sont pas reconnus. Déjà,
au stade de l'hospitalisation libre se pose la question du patient qui
se retrouve avec dautres malades qui relèvent de modes de
placement contraignants. Quelle est son autonomie de décision ?
Comment peut-il lexercer ? Faut-il assimiler les modes de placement
? Est-ce que c'est
un bien ? Cela pose-t-il des difficultés ? Comment les gérer
? Où est l'avantage de procéder à cette mixité
de modes de placement au sein dune même structure ?
Une autre question nous renvoie à l'adéquation du mode d'hospitalisation,
au regard de l'état de santé du patient. Par exemple, j'ai
constaté dans un établissement que tous les grands régressés
étaient en hospitalisation libre, dans une structure fermée
pour les protéger, avec un suivi médical très "aéré".
Concernant les règlements des structures qui accueillent les patients,
chaque pavillon semble avoir ses propres règles de fonctionnement.
Il sagit là, tout de même, dun pouvoir considérable
exercé par les professionnels qui déterminent ce qui est
ou non autorisé. Ce qui est plus préjudiciable, cest
labsence dune réflexion argumentée relative
à la hiérarchie des normes. Une telle situation peut empêcher
le patient de bénéficier de droits qui lui sont pourtant
reconnus par la loi. Un contrôle est donc nécessaire au niveau
de toute réglementation, car il faut s'assurer que l'établissement
n'est pas en infraction.
Autour de la sécurité des patients, la loi de 1990 ne fait
pas de référence à la qualité de personnes
vulnérables. Le Code pénal la reconnaît à plusieurs
catégories d'individus : les enfants mineurs, les personnes handicapées,
les femmes enceintes ou qui allaitent, les personnes privées de
liberté. Cette qualité devrait être soulignée
dans la loi, car avec la multiplicité des textes, les professionnels
ne savent pas exactement quelle est la réglementation à
laquelle ils sont tenus. Ils cherchent un décret de compétence,
un Code de déontologie, en fait, une référence de
proximité professionnelle en oubliant peut-être qu'il existe
une réglementation plus large, telle que celle du Code pénal.
Cela me paraît essentiel, parce que l'institution qui accueille
un patient, donc un individu vulnérable, lui doit le respect de
son intégrité. C'est notamment le cas sagissant des
situations de violence entre patients.
Enfin, quelle attitude adopter quand un(e) patient(e) atteint(e) du SIDA,
entretient des liens avec un(e) autre, que l'équipe le sait mais
ne sait pas comment intervenir pour éviter un risque de contamination
?
Ces préoccupations ou cas de figures devraient peut-être
pris en compte dans le cadre de la loi de 1990.
Patrick Hardy
La loi de 1990 est l'héritière d'une loi beaucoup plus ancienne,
celle de 1838.
Cette dernière a donc perduré durant cent-cinquante-deux
ans et de nombreux professionnels ont pensé que cette longévité
était liée à sa pertinence.
La loi de 1990 a été considérée comme une
actualisation de la loi de 1838, plus que comme une refonte. Certains
la trouvent plus compliquée que sa devancière, puisquactuellement
deux certificats médicaux sont nécessaires à l'HDT.
Au départ, cette demande répondait à un souci de
mieux protéger les droits et la liberté du patient, dans
la mesure où un deuxième avis médical devant confirmer
le premier, le risque d'abus était supposé réduit.
Aujourd'hui, ce deuxième certificat est un peu considéré
par les professionnels comme superflu car, dans la pratique, aucun
certificateur ne prend le risque d'infirmer un premier avis.
Au cours des débats parlementaires ayant présidé
à l'élaboration de la loi de 1990, s'est posé le
problème de la juridiciarisation de la procédure, certain
voyant dans sa médicalisation actuelle un désavantage au
niveau de la protection de l'individu.
Il convient toutefois de souligner que, dans l'esprit du législateur
de 1838, la loi avait pour vocation première - et cela en rupture
avec un long passé qui avait appliqué aux délinquants,
marginaux et malades mentaux les mêmes souvent arbitraires mesures
d'exclusion et d'internement - de mettre en place une mesure de soin et
de protection de l'individu. Cette mise en avant de la notion de soin
légitime, d'une certaine façon, l'expertise et la responsabilité
médicale dans la décision d'hospitalisation.
Mettant l'accent sur le problème de la liberté individuelle,
la juridiciarisation de la démarche viendrait identifier l'hospitalisation
sans consentement à une privation de la liberté plus qu'à
une démarche de soin, ce qui irait d'une certaine manière
à l'encontre du projet initial des législateurs.
Le conflit qui oppose le principe de bienfaisance, le principe d'autonomie
et le principe de protection sociale est, dans ces situations psychiatriques,
particulièrement accusé et probablement sans solution parfaite.
Les rapports que font les médias des "faits divers" concernant
les hospitalisations sous contrainte, illustre bien combien ces difficultés
peuvent être source de paradoxes, tous les internements apparaissant
abusifs dès lors qu'une plainte est émise, tandis que toutes
les sorties sont considérées comme prématurées
au premier incident provoqué par un patient.
Pour en revenir à l'intervention précédente et à
la question de la multiplicité des intervenants dans la diffusion
de l'information, ce qui m'interroge c'est l'abus de pouvoir de ce maire
dont vous avez parlé. L'exemple présenté, conduit,
me semble-t-il, à souligner le caractère inacceptable du
comportement de ce maire plus qu'à s'interroger sur la responsabilité
de la loi.
Sonie Bernard
Le maire ne décide que lorsqu'il dispose des comptes rendus mensuels
du médecin. Or, si le médecin assure le maintien du patient
en HO, le maire va suivre l'avis du médecin et donc, maintenir
le patient en HO. Dans ce cas précis, il s'agit de l'abus de pouvoir
du médecin.
Patrick Hardy
Vos exemples montrent également, qu'indépendamment de la
pertinence de la loi, il y a sûrement dans les établissements
cités, comme dans tout établissement, un important effort
à faire pour améliorer la qualité des soins et pour
que ceux-ci
répondent à un certain nombre de normes minimales (ce à
quoi vise la procédure de
l'accréditation). Concernant les chambres d'isolement, l'ANAES
a publié en juin 1998 un rapport sur les conditions de leur utilisation.
C'est à travers des réflexions de cette nature que les soins
prodigués seront de plus en plus convenables.
Protéger les personnes
Quentin Debray
Il sagit dune loi qui vise à protéger les sujets
contre les dangers et la mort. Il y a environ 12 000 suicides par an en
France. En 1997, dans une clinique privée,
un patient a demandé à sortir sur sa demande. Il s'est suicidé,
la famille a attaqué le psychiatre en justice et a demandé
un million de dommages et intérêts, ce qui lui a été
accordé.
Nous sommes dans une discipline où les malades meurent. Le placement
s'adresse à des patients n'ayant plus leur raison, ni la possibilité
de décider de façon très flagrante et ils refusent
les soins. Nous sommes confrontés à des patients, mélancoliques,
confus, déments, etc. Nous ne pouvons pas ne rien faire !
La question est de savoir si, outre cette perspective de protection, le
placement peut avoir un effet thérapeutique. Dans les exemples
donnés, nous avons la
sensation que cette protection aggrave cet état. Or, au moins dans
certains cas, cela peut avoir des vertus thérapeutiques sur le
patient mais aussi sur sa famille. Car, dans des milieux où l'on
ne s'est pas penché sur la question de la maladie mentale, l'hôpital
donne la possibilité de remettre les choses à leur place.
Alors que le patient aurait pu se retrouver dans un système punitif,
dirigé vers la police et la justice, le fait d'être hospitalisé
offre la possibilité de comprendre son état de santé
et de proposer un suivi médical.
En France, il s'agit d'une mesure d'assistance médicale, administrative,
ne laissant aucune trace sur le casier judiciaire et ne rentrant pas dans
les complications et les lourdeurs de la justice.
Une fois le patient intégré au système médical,
il faut lui expliquer longuement et avec beaucoup de diplomatie, le processus
qui l'a amené dans cet environnement. C'est en ce sens que le placement
peut avoir des vertus thérapeutiques et pédagogiques. Assez
souvent, par la suite, les patients peuvent être pris en charge
sans qu'il y ait nécessité de placement d'office.
Cependant, un vrai problème persiste : celui du secret. L'administration,
non plus médicale, cette fois, devrait être tenue au secret.
Les noms des internés ne devraient pas être affichés
sur un tableau dans la mairie.
L'internement arbitraire reste également à souligner et
nécessite une grande vigilance.
Enfin, le non-lieu n'a pas encore été évoqué.
Un malade psychiatrique tue quelqu'un : il est mené immédiatement
en prison et au bout de quelques mois, suite aux examens des experts,
il est reconnu irresponsable, dément au sens de l'article 122.1
du nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994.
Par conséquent, il sort de prison mais il ne rentre pas chez lui
; il est placé en HO dans un hôpital
psychiatrique. La justice s'en lave les mains ; il peut recommencer demain,
il n'y a pas de sanctions. Alors nous passons brutalement du domaine de
la justice à celui du médical. Souvent cela n'est pas clair
et savère parfois très difficile à gérer.
Au sujet de la rupture de l'hospitalisation, vous avez parlé d'un
patient en HDT dont une personne a signé l'entrée et l'autre,
non médecin, a signé la sortie. Il y a quelques années,
ce cas de figure a engendré l'accident dont j'ai parlé au
début de mon intervention. Même si il y a un débat,
cette loi n'autorise pas l'absence de responsabilité.
Concernant les locaux, les hospitalisations éprouvantes, cela relève
de problèmes financiers. Je connais un établissement où
les portes sont toujours ouvertes ; nécessairement l'effectif de
personnel est conséquent pour contrôler les entrées
et les sorties. Mais cela a un coût, alors il faut faire des choix.
Si on supprime demain cette loi, comme cela s'est fait en Italie, les
malades seront tout de même enfermés, parce qu'il y en a
parmi eux qu'on ne peut absolument pas laisser sortir.
Si la loi n'existe plus, il y aura des dispositions qui reviendront à
peu près au même niveau que la loi d'internement et de contrôle
des malades, à la seule différence que nous ne pourrons
plus en parler.
Patrick Hardy
La question du consentement aux soins par les malades mentaux, ne se limite
pas aux soins psychiatriques. Elle peut en outre se poser lorsque survient
chez ces sujets une pathologie organique, parfois grave.
Dans mon service, nous avons ainsi été confrontés
au problème d'un homme d'origine nord-africaine, schizophrène
délirant, qui présentait une insuffisance rénale
imposant la dialyse et, sans doute à court terme, une greffe. Il
refusait absolument tout soin. Or, il était nécessaire d'intervenir.
Autant la loi de 1990 permet dans ces cas extrêmes d'intervenir
pour administrer des soins psychiatriques, autant nous nous trouvons très
démunis sur le plan réglementaire lorsque ces mêmes
patients refusent tout soin pour des pathologies organiques aiguës
susceptibles de compromettre leur existence.
La solution, qui serait la nomination d'un tuteur à la personne,
est en effet complexe et lourde à mettre en uvre.
Robert Zittoun
Sans doute, comme beaucoup de médecins en charge de maladies somatiques
graves, j'ai eu à traiter des patients ayant des troubles psychiatriques
graves et relevant d'hospitalisation en milieu fermé. À
cette occasion, j'ai pu constater que ces malades étaient sous-traités
et extrêmement difficiles à soigner. Car dans
un service médical pour maladies somatiques "standard",
la prise en charge psychiatrique se fait plus difficilement ; il y a toujours
une difficulté de coordination des soins psychiatriques et de ceux
de la maladie somatique. Sil s'agit de pratiquer des traitements
lourds dans un milieu psychiatrique fermé, on est confronté
à une difficulté majeure.
J'ai été surpris d'entendre évoquer les morts fréquentes
en milieu psychiatrique, car en dehors des suicides évoqués,
je ne sais pas de quoi et comment meurent les malades en psychiatrie.
Et je ne suis pas sûr qu'il y ait même une épidémiologie
de la maladie somatique mortelle en psychiatrie.
Pour les quelques grands malades psychiatriques que nous avons eu à
soigner dans mon service, quelles qu'aient été nos craintes
initiales, tout s'est bien passé sans soins sous contrainte. La
difficulté majeure se rencontre lorsqu'ils vont mourir.
Par rapport à celle de 1838, la loi de 1990 me semble avoir été
habillée d'un manteau humaniste au goût du jour, mais les
réalités sociales et médicales restent les mêmes
que celles qui ont prévalues pendant très longtemps.
Djéa Saravane
Je prends en charge le somatique avec toute une équipe. Une étude
épidémio-logique a été réalisée
; elle va bientôt être publiée. Elle concerne lensemble
des infections organiques rencontrées chez les patients psychiatriques.
Effectivement, nous nous sommes toujours posé la question de savoir
de quoi mouraient nos patients, en dehors des suicides. Ils décédaient
souvent d'infections organiques non détectées. À
cette époque, il n'y avait pas de médecins somaticiens dans
les hôpitaux psychiatriques.
Maintenant, tous les patients sont systématiquement vus sur le
plan de l'état général, et un dossier est établi
à la suite du bilan. Là où nous rencontrons des problèmes,
c'est lors de transferts de patients psychiatriques dans un hôpital
de proximité, parce que nous ne disposons pas de plateau technique.
Dautre part, nous n'avons pas non plus de suivi somatique lorsque
le patient sort. Il sagit là dun problème éthique,
car, par exemple, je ne peux pas laisser en dehors d'une institution un
patient avec un diabète insulino-dépendant, sans suivi somatique.
Emmanuel Hirsch
Sommes-nous dans une logique thérapeutique ou dans une logique
de sécurité publique ?
Patrick Hardy
À l'origine, la loi de 1838 adoptait la première position,
car ces patients étaient mélangés aux autres. La
loi de 1990 a modifié les choses en séparant ces patients
des autres et en préconisant la protection. L'HO en est d'ailleurs
garante.
La révolution s'est faite car au regard de la loi ; le taux de
ses hospitalisations sous contrainte s'est quand même réduit
à partir du moment où l'on a pu, à partir de 1957,
bénéficier de traitements actifs tels que les neuroleptiques
ou les antidépresseurs, dont nous avons un peu parlé.
Souci de la personne, enjeux collectifs
Quentin Debray
D'après ce que j'ai lu, la loi d'internement de 1838 provient de
la psychiatrie qui
a été découverte et enseigné par Philippe
Pinel à la fin du XVIIIe siècle. Ce dernier, qui se disait
médecin-philosophe, ainsi que d'autres psychiatres comme Georges
Cabanis, considérait que la maladie psychiatrique était
une maladie de l'esprit
et non une maladie d'origine somatique. Par conséquent, pour traiter
les malades
il leur fallait une certaine paix, une certaine symétrie, une certaine
organisation de l'espace, etc. Cette perspective de rééducation
de l'esprit, a mené à la conception de cette loi puis à
l'ouverture d'asiles au contact de la nature.
Parallèlement, il s'agissait de séparer les malades psychiatriques
des malades somatiques. Cette tradition a ensuite été contestée
vers la fin du XIXe siècle, à partir du moment où
Louis Pasteur et Claude Bernard ont découvert les maladies infectieuses,
puis le milieu intérieur. Ces mutations ont apporté de nouvelles
étiologies à la pathologie psychiatrique telle que l'état
confusionnel. Ainsi, par exemple, une fièvre typhoïde peut
générer un état confusionnel ; c'est ce qui déclenche
la réouverture du centre de psychiatrie dans les hôpitaux
généraux.
Il existe donc deux tendances qui prédominent toujours : l'une
est rééducationnelle et l'autre organique.
Robert Zittoun
L'époque de Philippe Pinel a, me semble-t-il, consisté à
retirer les chaînes des malades mentaux et à ouvrir des hôpitaux
psychiatriques qui ont constitué au long du XIXe et du XXe siècles
dimportants lieux de concentration. L'autre aspect que je connais
est social ; les malades mentaux représentent effectivement pour
la société des dangers que lon tente de canaliser
avec lenfermement. On observe donc cette vision concentrationnaire
du milieu psychiatrique asilaire. C'est ce qui a poussé, plus récemment,
des professionnels comme Basaglia a contribuer à la fermeture d'hôpitaux
psychiatriques.
Quentin Debray
La perspective de Philippe Pinel est effectivement celle que vous venez
de présenter. Mais, l'exemple de Basaglia, en Italie, est une vision
complètement différente qui se base sur l'antipsychiatrie.
Il estime que la société génère des maladies
mentales pour exclure des gens, et que si l'on supprime la psychiatrie
et les psychiatres, il n'y aura plus de maladies mentales !
Patrick Hardy
Il y a un noyau dur de malades qui ne peut vivre en dehors des murs d'une
institution.
Marguerite Romiguière
Jétablirai un parallèle avec les équipes des
urgences qui évoquent souvent l'accueil des toxicomanes. À
première vue, ils présentent une agitation, une certaine
précarité et une toxicomanie. Or, par rapport à des
hôpitaux non spécialisés en psychiatrie, quelle peut
être la réactivité face à ces personnes, compte
tenu de l'amalgame fait entre agressivité, agitation et violence
? Nous sommes souvent confrontés à la demande d'une présence
d'agent de sécurité dans les urgences, ce qui handicape
fortement tout lien, les soignants n'ayant pas de réelle formation
en psychiatrie.
Patrick Hardy
Il est vrai que des patients tels que ceux que vous citez (mais il y a
en a d'autres), perturbent beaucoup les urgences, d'autant plus que le
personnel a beaucoup à faire et ne peut pas consacrer tout le temps
nécessaire à leur prise en charge. Dans les schémas
régionaux actuels, il est prévu que soient passées
des conventions entre les hôpitaux généraux dans les
Services daccueil et durgence (SAU) et
les secteurs de psychiatrie afin d'améliorer l'accueil des urgences
psychiatrique. Cela pourrait en passer par la mise en place de soignants
spécialisés dans la prise en charge des patients psychiatriques.
Djéa Saravane
C'est le cas de plus en plus ; nous avons des infirmiers spécialisés
en psychiatrie que ce soit au niveau des urgences, du SAMU, etc.
Patrick Hardy
À ce propos, il convient de citer une circulaire (circulaire Veil
de 1993) stipulant que les patients ne peuvent pas être hospitalisés
dans des lieux "fermés", aux portes closes.
Son application n'est pas sans poser des problèmes de fonctionnement,
car certains patients présentant des états psychiatriques
aigus, résolutifs en quelques heures ou quelques jours (une confusion
mentale, par exemple) et nécessitant d'être contenus durant
une brève durée, ne peuvent théoriquement être
retenus. Ces patients
doivent, selon les textes, demeurer dans des lieux ouverts, à moins
d'appliquer la loi de 1990, ce qui correspondrait ici à un usage
trop extensif voire abusif, et ce qui, dans certains cas, ne serait pas
sans danger (certains hôpitaux spécialisés ne
disposant pas du plateau technique nécessaire à la prise
en charge des états médico-psychiatriques aigus).
Françoise Duménil-Guillaudeau
Quelle est la différence entre l'enfermement dans une chambre,
porte fermée à clés et la contention d'une personne
âgée sur son lit ?
Quentin Debray
Il est extrêmement rare que nous enfermions une personne dans sa
chambre.
Patricia Goffaux
Il suffit de regarder sil y a des serrures sur les portes. On peut
supposer qu'à partir du moment où c'est le cas cette éventualité
nest pas exclue.
Quentin Debray
Nous fermons les portes lorsque les gens quittent leur chambre, afin que
personne n'entre dans leur chambre. Les services sont souvent fermés
pour empêcher que les gens rentrent et non qu'ils sortent !
Des repères incertains
Herbert Geschwind
Dans ce débat, nous sortons du schéma habituel de la problématique
éthique. Nous soulignons ici l'intérêt du patient
ou de la société, l'autonomie du patient, ces mouvements
oscillatoires entre cette autonomie et une sorte de contrainte quelque
peu paternaliste. De même, nous nous interrogeons sur la marge de
manuvre pour une négociation véritable avec le patient,
peut-être d'ailleurs un peu plus avec sa famille. Ce sont là
les conflits d'intérêts et les difficultés inhérentes
à ce type de situation.
Jean Wils
D'un côté, on parle d'hospitalisation sous contrainte pour
des raisons qui ne sont pas toujours justifiées, de l'autre, tout
paraît simple : il y a des malades mentaux
qui nécessitent ce type d'hospitalisation. Or, finalement j'ai
la sensation qu'en ce qui concerne les motifs d'hospitalisation, les limites
sont quelque fois un peu floues.
Lorsque vous voyez arriver une personne un peu "bizarre" avec
un comportement un peu agité, vous conférez un statut de
malade à une personne qui peut avoir un comportement socialement
atypique ou marginal, mais dont l'avenir ne se situe pas forcément
entre l'hôpital et la prison
Nest-il pas dangereux de
déclarer maladie psychiatrie tous les comportements sociaux non
conformes. Tout ceci me gène beaucoup.
Sur un plan éthique, nous avons quand même à nous
interroger sur les limites floues, fréquentes dans les services
d'urgence comme le souligne Marguerite Romiguière, et sur ce passage,
un peu facile, d'une marginalité sociale à un statut de
malade psychiatrique.
Patrick Hardy
La réponse à cette interrogation, se trouve dans l'expertise
psychiatrique qui
permet de savoir si le trouble présenté répond ou
non à une pathologie mentale.
Il est, certes, des cas difficiles à trancher, notamment dans l'urgence.
La question est alors de savoir quelle est l'option la plus bénéfique,
à la fois pour le sujet et pour le corps social, entre l'évaluation
plus complète que permet une hospitalisation
psychiatrique, le traitement juridique du problème (s'il y a délit)
ou le retour à la
marginalité.
Quentin Debray
En effet, car sinon nous nous retrouvons dans la position de l'Union soviétique
durant sa dernière décennie, où une personne n'adhérant
pas aux dogmes du parti était déclarée dangereuse
et donc internée en institut psychiatrique.
Jean Wils
L'exemple rapporté par Marguerite Romiguière montre bien
qu'il n'est parfois pas évident de faire la part des choses.
Patrick Hardy
C'est la raison pour laquelle dans les propositions de révision
de la loi, il est prévu de pouvoir retenir des personnes aux urgences
de 48 à 72 heures, afin de mieux évaluer.
Robert Zittoun
Nous entrons là clairement dans un système où au
traitement de la pathologie
individuelle se substitue celui de la pathologie sociale. Il me paraît
extrêmement
difficile de séparer le rôle des médecins de celui
des policiers, sagissant du traitement de pathologies qui font lobjet,
dans leur définition même, de controverses sémantiques.
Quentin Debray
Tout à l'heure, j'ai dit que le malade était en danger de
mort. Un maniaque, un dément ou un mélancolique ne se nourrit
plus. Il est évident que nous n'internerons pas quelqu'un qui est
un original, si ce dernier se nourrit et entretient des relations sociales
normales. Si son comportement savère dangereux ou agressif
pour autrui, c'est la police qui le prend en charge.
Joël Rapon
Lorsque l'on parle d'éthique médicale, on oublie trop souvent
léquipe infirmière qui intervient au plus près
du patient. Jai noté cette intervention d'une des infirmières
qui soulignait la notion de "patient" entre guillemets. Car
comment aller vers cette personne, puisque, en fonction du contexte, on
ne peut pas la considérer comme un patient ? Cela pose de grands
problèmes éthiques et je comprends l'émotion et la
difficulté de revenir à une logique strictement thérapeutique
et médicale.
Sonie Bernard
Il est vrai que dans le cas de figure que j'ai cité, je me demandais
si cela ne relevait pas du fantasme médical que de conserver cette
patiente dans notre service. Nous préférions nous dire :
"Cette patiente est mieux chez nous", plutôt que
de nous poser la question inverse : "Qu'est ce que cette patiente
fait chez nous ?"
Marguerite Romiguière
Je me demande si, dans le contexte de notre échange, le mot autonomie
est le plus approprié, notamment lorsqu'il est opposé à
contrainte.
Patrick Hardy
Dans le cadre de la loi, le médecin doit, dans le certificat, détailler
les éléments témoignant du fait que la personne est
dans l'incapacité de consentir au soin. Ceci signifie qu'une perte
d'autonomie du sujet a été constatée et argumentée.
Didier Sicard
La loi de 1990 insiste sur la notion de soins sous contrainte. Au fond,
en médecine somatique nous respectons de plus en plus le refus
de soin avec les Témoins
de Jéhovah ou le malade qui refuse le traitement de son cancer.
La difficulté est d'apprécier de façon psychiatrique
ce que signifie le refus de soin. Nous avons assisté depuis 30
ans, à la disparition de la contrainte par corps, lors du traitement
de certaines maladies infectieuses transmissibles, pour protéger
la société. Pourquoi la psychiatrie, faisant abstraction
de la conscience de la liberté de
l'individu, se garderait-elle le droit absolu de soigner les gens contre
eux-mêmes et de les empêcher de se suicider ?
Quentin Debray
Parce ces personnes ne jouissent plus de leur faculté de jugement,
alors que le malade qui refuse de faire soigner son cancer assume sa décision.
Les personnes hospitalisées contre leur gré, reconnaissent
après la période délicate, qu'elles n'étaient
pas du tout lucides et pas non plus dans leur état de comportement
habituel.
Patrick Hardy
Certains psychiatres ont évoqué la possibilité, pour
le patient, de contracter un engagement dans ce qu'ils appellent "le
serment d'Ulysse". Cela consiste, pour des patients souffrant de
troubles périodiques entrecoupés de phases de rémission,
à demander, au cours de ces périodes de pleine conscience,
à ce que des mesures de contraintes soient prises en cas de nécessité
lors d'éventuelles rechutes, et à les reconnaître
par anticipation comme légitimes.
Robert Zittoun
Excusez-moi, mais un Témoin de Jéhovah qui refuse une transfusion
va mourir.
Or, on ne lui imposera pas cette transfusion. Donc, le critère
défini par Quentin Debray, selon lequel on empêche quelqu'un
de mourir, du fait de notre appréciation médicale dune
décision que nous pouvons juger aberrante, ne constitue pas un
critère éthiquement recevable à l'heure actuelle.
Patrick Hardy
Il existe tout de même une différence essentielle entre les
deux situations, en ce sens que le Témoin de Jéhovah est
supposé avoir acquis ses convictions en pleine autonomie de pensée,
alors que la maladie mentale se définit justement par l'incapacité
du patient de penser autrement que selon la forme que lui impose sa maladie.
Christophe Renay
Concernant les Témoins de Jéhovah, la justice a tout de
même donné raison
au médecin qui passe outre le refus de se soigner. La Cour administrative
d'appel de Paris, dans deux arrêts du 9 juin 1998 qui font actuellement
l'objet d'un pourvoi en Cassation, a considéré qu'au-delà
du consentement nécessaire au soin,
le médecin avait un engagement beaucoup plus grand qui consistait
à porter secours aux personnes en difficulté. Il avait donc
une légitimité à passer outre le refus de consentement,
lorsqu'il s'agissait de sauver la vie du patient.
Didier Sicard
La justice n'est pas le garant des valeurs éthiques !
Patricia Goffaux
Il ne s'agit pas de soigner ou non une personne, mais peut-être,
tout simplement, de la respecter tout en la soignant et de trouver, par
conséquent, l'artifice conciliable avec les valeurs concernées.
Emmanuel Hirsch
Nos échanges à propos de la loi du 27 juin 1990, nous permettent
dappréhender lextrême complexité du soin
des personnes relevant de la psychiatrie. Il convient de confronter des
principes éthiques généraux aux réalités
qui nous ont été parfaitement restituées. Lorsque
la personne nest plus en mesure de discerner et donc de pouvoir
adopter les mesures adéquates susceptibles de palier ses difficultés,
nos responsabilités sociales et médicales sont engagées.
Il nest pas possible de renoncer à intervenir.
On la constaté à travers les exemples mentionnés,
la vie de la personne et parfois même celle de tiers, peuvent être
mises en danger faute dune décision rapide dont on comprend
la gravité. Le poids dune telle nécessité médicale
doit être apprécié dans ses conséquences, puisquelle
affecte la liberté et donc les droits dune
personne malade.
Dès lors, il importe de définir et de déterminer
un cadre qui préserve, en dépit des circonstances, les droits
fondamentaux de la personne. Dans un contexte donné, larbitraire
de certaines décisions pourrait bouleverser nos conceptions de
ce
qui est humainement acceptable. Cela justifierait la mise en cause de
pratiques inconciliables avec les valeurs de la déontologie médicale.
Nous avons évoqué les principes dautonomie et de respect
du consentement, dans un contexte extrême. On pourrait identifier
des situations proches de celles rencontrées dans le cadre de la
psychiatrie, où le malade nest pas en mesure
dexprimer ses choix, dautant plus lorsquon lui conteste
cette faculté. La tentation de se substituer à la personne
dite dépendante est trop souvent banalisée. Les
professionnels renoncent alors à consulter la personne trop âgée
ou trop malade, en fonction de considérations qui viseraient à
la préserver dune insurmontable
difficulté à se confronter aux enjeux dune décision.
Ce mode de relation parter-naliste savère de moins en moins
acceptable. Reconnaître la personne dans ses valeurs et dans ses
droits, cest aussi déterminer des limites intangibles et
prévenir les excès.
Je considère donc tout à fait important, dapprofondir
les questions relevant de lhospitalisation doffice. Elles
nous renvoient à dautres aspects de la prise en charge souvent
contraignante des malades et nous sollicitent dans nos capacités
délaborer des règles consensuellement admises et qui
procèdent pour beaucoup des principes démocratiques. Létat
de maladie ne peut en aucun cas autoriser quon conteste à
la personne son appartenance à notre communauté sociale.
Plus que jamais, ses droits doivent être préservés
et honorés, ne serait-ce que pour mieux accompagner sa réinsertion
dans un contexte favorable.
La Déclaration et points de vue sur les droits et la protection
juridique des malades mentaux (Association mondiale de psychiatrie, Athènes,
1989) stipule :
"Toute intervention non volontaire constitue une atteinte grave
aux droits de lhomme et aux libertés fondamentales dun
malade. Cest pourquoi des critères et garanties spécifiques
et soigneusement définis sont requis à propos dune
telle intervention. Aucune hospitalisation ni aucun traitement ne doivent
intervenir contre la volonté dun malade, à moins que
celui-ci ne soit atteint dune maladie mentale grave. Toute intervention
à caractère non volontaire doit être effectuée
conformément au principe le moins contraignant."
Larticle 11 du paragraphe 11 (Consentement au traitement) des résolutions
reprises dans le document : Protection des personnes atteintes de maladie
mentale et
amélioration des soins de santé mentale (ONU, 1991), précise
: "La contrainte
physique ou lisolement doffice du patient ne doit être
utilisé que conformément aux méthodes officiellement
approuvées du service de santé mentale, et uniquement si
ce sont les seuls moyens de prévenir un dommage immédiat
ou imminent au patient ou a autrui. Le recours à ces mesures ne
doit durer que le temps strictement nécessaire à cet effet."
(
)
Plusieurs textes internationaux consacrent donc une réflexion argumentée
aux situations que nous avons évoquées. Il en ressort que
les pratiques dexception sont impérativement soumises à
des cadres très précis, et que toutes les décisions
doivent servir lintérêt direct de la personne malade.
Cela signifie quelle doit
être reconnue dans son inaliénable dignité et que
les procédures ponctuellement adoptées doivent viser à
la réhabiliter dans sa faculté dexercer ses droits.
Dans la Déclaration dAthènes, une proposition est
formulée. Elle nous renvoie aux débats actuels relatifs
à la désignation dun "mandataire" susceptible,
lorsque
la situation limpose, dêtre le meilleur médiateur
entre le malade et léquipe
soignante : "Les malades privés de leur liberté
ont le droit de bénéficier dun tuteur ou dun
conseiller habilité à protéger leurs intérêts."
Japprécie la haute valeur morale de ces résolutions,
au même titre que je comprends la nature des difficultés
auxquelles sont quotidiennement confrontés nos professionnels.
Cest pourquoi je me garderai bien dénoncer des règles
éthiques dans un contexte où surgissent tant de dilemmes.
Les intervenants nous ont permis de partager certains aspects de leurs
pratiques. On comprend, quà elle seule, la loi ne peut leur
apporter des réponses qui les satisferaient pleinement.
Didier Sicard affirmait que "la justice n'est pas le garant des
valeurs éthiques !" Il en va de même pour la loi,
lorsquil sagit de proposer un accueil et un accompagnement
soignant dignes à des personnes malades, dans un contexte qui accentue
leurs vulnérabilités. Il revient aux professionnels impliqués
dans ce champ de la médecine, dexpliciter leurs positions
et de solliciter, si nécessaire, un débat ouvert qui permette
dassurer de réels droits aux personnes soumises aux contraintes
dune hospitalisation non consentie.
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