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Note de politique générale du ministre des Affaires Sociales et des Pensions et du ministre de la Santé publique

La psyche: le cadet de mes soucis?
Soins de santé mentale: les voies de la participation et de la concertation

Brussel, mars 2001

vers la liste des notes politiques

Table des matières
1. SOINS DE SANTE MENTALE EN EVOLUTION
1.1. Conception de la santé mentale
1.2. Les soins de santé mentale face à une demande croissante
1.3. Vers une nouvelle étape
2. UNE NOUVELLE VISION DES SOINS DE SANTE MENTALE
2.1. Le/la patient(e) comme point de départ : demande de soins et participation
2.2. Réorganisation en fonction des groupes cibles: offre de soins et concertation
2.3. Les plate-formes de concertation pour les soins de santé mentale
2.4. Prise en charge par les soins de première ligne et à l'hôpital général
2.5. Réforme des soins
3. SOINS ORIENTES VERS LE GROUPE CIBLE
3.1. Jeunes
3.2. Adultes
3.3. Personnes âgées
3.4. Toxicomanes
3.5. Personnes intérnées
3.6. Handicapés présentant des troubles graves du comportement
4. SOINS DE QUALITE
4.1. Recherche et enregistrement des données
4.2. Formation et reconnaissance
5. 2001, ANNEE DE LA SANTE MENTALE

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1. SOINS DE SANTE MENTALE EN EVOLUTION

1.1. Conception de la santé mentale

La santé est un état de complet bien-être physique, social et psychique, et pas seulement l’absence de maladie ou de déficience. Telle est la définition de la santé selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Partisans d’une vision « écologique » de la santé, nous partageons cette conception bio-psycho-sociale. Le bien-être des êtres humains est déterminé dans une large mesure par l’environnement dans lequel ils vivent. Se sentir lié et intégré dans le tissu social et le milieu naturel est une condition de base du bien-être. Et la qualité de vie peut être améliorée en promouvant activement la santé des gens.

La santé mentale est l’un des aspects de la santé en général. La santé mentale correspond à la capacité psychologique des individus de résister ou de faire face aux petits et grands problèmes de l’existence, mais aussi aux maladies et aux troubles psychiques. Vivre sainement sur le plan mental signifie également pouvoir gérer la perte et la mort. Cela aussi fait partie de la vie. La santé mentale permet aux femmes et aux hommes de s’engager de manière positive sur le plan individuel (relations, formation, travail, etc.) et de contribuer à la vie sociale (productivité, solidarité, citoyenneté, etc.).

L’individu en bonne senté mentale a le sentiment subjectif de pouvoir contrôler et de prévoir dans une certaine mesure les événements susceptibles d’affecter son environnement. L’absence d’un tel sentiment de contrôle, et la tendance à attribuer la cause des événements à des facteurs sur lesquels on n’a pas de prise, peuvent déboucher sur des dysfonctionnements d’ordre psychique. Ne pas (plus) pouvoir s’inscrire dans le tissu social, ne pas (plus) se sentir lié à l’environnement naturel, et le sentiment de manquer de toute perspective d’avenir, sont autant de sources possibles de problèmes de santé mentale.

Promouvoir la santé mentale, c’est encourager les individus et les groupes sociaux à acquérir une plus grande maîtrise des facteurs qui affectent leur santé. Cela commence par accorder plus d’attention à la qualité des relations humaines dans la vie de tous les jours. L’amélioration de la capacité à communiquer et à rentrer en relation constitue une responsabilité collective. C’est une mission qui doit être notamment prise en charge par les parents et les autres acteurs de l’éducation. Il faut trouver les moyens de parler ouvertement et de manière respectueuse des problèmes psychosociaux, principalement à la maison, à l’école et au travail. On peut également promouvoir la santé mentale en jouant davantage sur les facteurs qui déterminent la capacité d’intégration et d’adaptation des individus.

Les problèmes de santé mentale sont multiples. Ils sont difficilement comparables, car ils dépendent du contexte social dans lequel ils surgissent, ainsi que des ressources et du vécu de chaque individu. Il y a notamment les problèmes psychosociaux, ordinaires mais parfois très complexes, les problèmes liés aux étapes de la vie, les événements traumatisants et les situations de crise aiguë, les problèmes psychologiques, qui sont souvent de longue durée, et les troubles psychiatriques, légers ou profonds, où certains facteurs biologiques jouent souvent un rôle également. Les personnes qui présentent des problèmes de santé mentale doivent obtenir la reconnaissance que leur situation requiert et avoir accès à des soins appropriés.

La « déstigmatisation » des problèmes de santé mentale demeure un axe de travail important. Les patients psychiatriques méritent une attention particulière parce qu’ils constituent un groupe social vulnérable et qu’ils souffrent encore trop d’une exclusion de fait. Des campagnes de prévention peuvent avoir pour effet de réduire la distance qui nous sépare de ces personnes et d’améliorer leur image. Les soins apportés aux patients par leur entourage proche doivent être davantage valorisés et soutenus. Les soutiens dispensés par l’entourage demeure souvent la soutien le plus naturel et le plus efficace pour les gens en proie à des difficultés psychiques. Trop souvent encore, les patients psychiatriques sont perçus comme des inadaptés totalement dépendants de l’aide qu’on leur apporte. Notre doit faire une place à la réhabilitation des personnes plus faibles. Nous sommes convaincus que moyennant la reconnaissance et les soins nécessaires, les personnes présentant des troubles psychiatriques peuvent avoir pleinement leur place dans la société.

Ne pas surestimer l’impact des soins de santé mentale. Les soins de santé mentale ne peuvent être qu’un complément par rapport à l’effort global de la société pour la santé. Une politique efficace en matière de santé mentale doit s’inscrire dans le cadre d’une politique sociale . La santé mentale dépend en effet en partie d’autres secteurs qui la touchent ou la recoupent, comme la prise en charge des personnes handicapées, des sans-abri ou des détenus, le travail social, le logement social, les conditions de travail, l’enseignement, la culture… Tous ces secteurs contribuent à valoriser les possibilités de chacun. Ensemble, ils portent la responsabilité de renforcer l’intégration et la résistance morale de chaque individu. Ces secteurs doivent être stimulés par celui des soins de santé mentale afin de devenir accessibles aux patients présentant des problèmes psychiques, et de manière à ce qu’il existe pour eux une offre adaptée de services.

1.2. Les soins de santé mentale face à une demande croissante

L’OMS prévoit une croissance exponentielle des problèmes de santé mentale. Ces problèmes résultent de facteurs multiples d’ordre biologique, psychologique et social. La complexification constante de notre société et la pression croissante qu’elle exerce sur les individus nécessitent une résistance et des ressources individuelles de plus en plus importantes. Si certains facteurs biologiques jouent un rôle dans bon nombre de troubles psychiatriques, beaucoup de problèmes psychiques graves résultent par ailleurs d’une souffrance qui peut être infligée (p. ex. les traumatismes psychiques), qui peut émaner de la vie en société (p. ex. des problèmes au travail ou dans les relations), ou qui résulte de la dépendance à certaines substances (p. ex. la toxicomanie).

Notre société émet des signaux puissants : agressivité au volant, délits violents, abus sexuels, dépression, stress croissant, tensions et conflits dans les relations, prise en charge insuffisante et isolement de groupes vulnérables comme les enfants, les personnes âgées et les étrangers, consommation et abus de drogues, etc. Les conditions de vie et de travail stressantes, l’individualisme croissant, le soutien moins évident offert par les réseaux sociaux « naturels », etc., concourent à exacerber la vulnérabilité psychique des citoyens.

D’autres arguments encore plaident pour une amélioration des soins de santé mentale :

L’enquête de 1997 sur la santé des Belges de plus de 15 ans a révélé qu’un tiers de la population présentait des symptômes de troubles psychiques. De plus, 6% des personnes interrogées déclaraient avoir eu une dépression durant l’année écoulée, et 9% avaient pris des médicaments psychotropes prescrits durant les deux semaines précédant leur participation à l’enquête. En 1990 déjà, cinq des dix causes principales d’invalidité dans le monde étaient des troubles psychiques, à savoir la dépression, l’alcoolisme, les troubles maniaco-dépressifs, la schizophrénie et les troubles obsessionnels.

Pour l’OMS, la dépression, qui devient l’un des problèmes de santé majeurs de notre société, sera la « maladie du vingt et unième siècle ». De plus, le risque de suicide est plus élevé chez les personnes dépressives. Le suicide est de plus en plus fréquent chez les jeunes et les personnes âgées. Chez nous, c’est d’ailleurs une des premières causes de mortalité. Chez les hommes, le suicide arrive en troisième place après les accidents de la route et les accidents cardiaques. Chez les femmes, il arrive en deuxième place derrière le cancer du sein.

Les causes des problèmes de santé mentale spécifiques aux hommes et aux femmes nécessitent une attention particulière. Les dépressions, les angoisses et les troubles de l’alimentation sont deux fois plus fréquents chez les femmes que chez les hommes. Par contre, l’abus de drogues (surtout d’alcool) se rencontre quatre fois plus souvent chez les hommes que chez les femmes. L’émancipation est une condition de la santé mentale, et il faut donc la stimuler sur tous les plans.

1.3. Vers une nouvelle étape dans les soins de santé mentale

La Belgique a à son actif une longue expérience en matière de soins aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Avant la naissance de l’Etat belge, c’étaient surtout des congrégations religieuses qui prenaient ces soins en charge. Une loi sur le traitement des « aliénés » adoptée en 1850 a donné à ceux-ci un statut en même temps qu’elle prévoyait leur internement dans des institutions judiciaires spécifiques. Ce n’est qu’en 1948 que ces institutions ont été transférées de la Justice à la Santé publique. En 1963, via l’INAMI, une intervention financière a été prévue pour le traitement des malades mentaux. Les années 70 ont vu la création d’unités de crise au sein des hôpitaux psychiatriques et des services psychiatriques d’-hôpitaux généraux. En 1975, les Centres de Santé mentale (CSM) ont été reconnus, et, depuis la réforme de l’Etat de 1980, ils relèvent de la compétence des Communautés/Régions. En 1990, la première reconversion a emprunté une voie qui a abouti à la création, d’une part, des Maisons de Soins psychiatriques (MSP) et des Habitations protégées (HP), et, d’autre part, à celle de plates-formes de concertation axées sur les soins de santé mentale. Ces deux développements ont été qualifiés à l’époque de « tournants » dans le domaine de la psychiatrie.

A la fin de l’an 2000, une nouvelle période de reconversion s’est clôturée. Cette période a été généralement considérée comme une seconde phase volontaire succédant à une première phase de reconversion largement imposée. Lors de cette reconversion, environ 3.400 lits ont été convertis. Il s’agit principalement de quelque 744 lits situés dans des hôpitaux généraux, 892 lits destinés aux traitements neuropsychiatriques (T), 637 lits destinés à la psychogériatrie (Tg), 326 places pour des hospitalisations partielles (t) et 375 places d’accueil dans des familles (Tf). Avec ces lits et ces places, ce sont environ 2.578 nouveaux lits et places qui ont été créés, plus précisément 560 lits spécialisés (Sp), dont 350 pour la psychogériatrie, 596 pour l’observation et le traitement neuropsychiatriques (A), 135 places pour des hospitalisations partielles (a), 99 lits psychiatriques (K) et 30 places pour l’hospitalisation partielle d’enfants (k), 422 lits pour les Maisons de Soins psychiatriques et 364 places dans les Habitations protégées. En résumé, on observe une tendance croissante à la spécialisation (Sp, A, K), aux soins extra-hospitaliers (HP) et au traitement des patients psychiatriques chroniques. Grâce à cet apport, un certain nombre de lacunes aiguës en matière de soins spécialisés (p. ex. en pédopsychiatrie) ont été partiellement comblées, et on est arrivé à une meilleure répartition de l’offre au plan régional. Ce deuxième grand mouvement de reconversion marque un chapitre de l’histoire des soins de santé mentale dans notre pays.

Il faut à présent aborder une nouvelle étape de restructuration des soins de santé mentale. Les lignes de force de ce renouveau ont déjà été rendues publiques dans l’Avis du groupe de travail permanent ‘psychiatrie’ relatif à l’organisation et au développement futurs des soins de santé mentale (Conseil national des Etablissements hospitaliers, 1997). Il s’agit à présent de les rendre plus concrètes et de les mettre en oeuvre.

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2. UNE NOUVELLE VISION DES SOINS DE SANTE MENTALE

2.1. Le/la patient(e) comme point de départ : demande de soins et participation

Les patients sont avant tout des citoyens qui ont le droit de participer à la vie sociale. Les troubles d’ordre psychique constituent des entraves qui empêchent les patients de fonctionner en tant que citoyens à part entière. Ces difficultés ne devraient pourtant pas les empêcher de pouvoir participer pleinement à la vie sociale. Les patients ont droit à la reconnaissance de leurs compétences. L’octroi de cette reconnaissance, qui autonomise le patient en lui donnant la possibilité d’être un véritable acteur de la vie sociale (ce qu’on appelle l’« empowerment »), le pousse à organiser autant que possible lui-même son propre cadre de vie. Pour l’aider dans cette entreprise, nous voulons mettre rapidement en place un cadre légal fixant les droits du patient (ce qui concerne également les patients non psychiatriques). Les soins de santé mentale doivent apporter une réponse adéquate aux demandes de soins des patients, et doivent également favoriser la participation sociale.

La participation des patients aux soins de santé mentale est la première étape nécessaire vers la participation sociale. Les soins de santé mentale, traditionnellement pensés pour le patient, doivent évoluer vers des soins avec le patient. La participation des patients aux soins de santé mentale peut se concrétiser à différents niveaux : 1) dans le traitement et les soins eux-mêmes ; 2) dans l’organisation des soins ; 3) dans la prise de décisions politiques ; et 4) dans la diffusion d’informations. Comme les soins de santé mentale doivent contribuer à une plus grande participation des patients à la vie sociale, ils doivent être « socialisés ». Cela suppose de faire une plus large place aux soins extra-hospitaliers et de mieux intégrer les soins dans la vie sociale sous toutes ses formes (p. ex. l’habitat, le travail, les loisirs, etc.).

L’accessibilité pratique et financière est une condition fondamentale de la participation au soins de santé (mentale). Les charges financières sont trop lourdes, surtout pour les patients chroniques. La partie du coût que le patient doit financer lui-même doit être réduite. Une solution concrète consiste à plafonner le montant de la facture médicale en fonction des revenus du/de la patient(e). D’autres dispositions spécifiques destinées à des groupes cibles déterminés et visant à gommer les inégalités sociales sont en préparation. L’accessibilité des soins ne dépend pas seulement des seuils financiers ; l’offre de soins elle-même doit être adaptée, tant du point de vue du contenu que de celui de son organisation, aux différents groupes à risques (migrants, pauvres, personnes socialement défavorisées, etc.). La problématique spécifique des patients allochtones ne peut être réglée que partiellement par la médiation culturelle. Il serait souhaitable de pouvoir engager davantage de soignants allochtones.

La pauvreté et la santé mentale s’influencent l’une l’autre de manière inévitable. Les études montrent que le lien causal entre l’une et l’autre est difficile à préciser, étant donné que la causalité fonctionne dans les deux sens. La pauvreté ne peut être comprise que dans un large cadre social et historique, ainsi que du point de vue de l’expérience concrète des personnes concernées : habitations insalubres et revenus insuffisants, avec tous les effets négatifs d’une telle situation, telles que la difficulté d’accorder l’attention voulue à la scolarité des enfants, le manque d’hygiène, et éventuellement une mauvaise alimentation. L’exclusion sociale est sans doute l’expérience la plus marquante pour ces gens constamment poussés vers la marginalité. Les soins de santé (mentale) doivent tenir compte des conditions de vie difficiles et stressantes dans lesquelles vivent les pauvres. Il devrait être possible de faire appel à des experts de terrain dont la mission serait d’aider les professionnels de la santé à appréhender avec justesse les situations de misère auxquelles ils se trouvent confrontés.

Le/la patient(e) et sa demande de soins constituent le point de départ pour l’organisation des soins de santé mentale. Ce n’est pas infrastructure des soins, mais bien le/la patient(e) et son cadre originaire qui sont au centre du problème. La personne dans sa totalité, avec ses limites, mais aussi ses possibilités, doit servir de point de départ. Le patient ne peut être réduit à sa pathologie. Le plus souvent, il n’est d’ailleurs pas le seul concerné : la famille, le réseau social, les conditions de vie et de travail, etc. font partie intégrante du problème. Le traitement, la réhabilitation et les soins doivent se faire autant que possible dans le cadre de vie habituel du/de la patient(e). Les possibilités de la personne elle-même et de son environnement doivent être davantage prises en compte et exploitées. L’écoute et l’identification des besoins concrets des patients et de leurs parents proches sont des éléments essentiels si l’on veut arriver à concevoir des soins sur mesure.

2.2. Réorganisation en fonction des groupes cibles : offre de soins et concertation

Du point de vue organisationnel, « accorder une place centrale au patient » nécessite que l’on prenne un certain nombre de groupes cibles clairement définis comme point de départ. Les groupes cibles sont tout d’abord définis sur base de l’âge : les jeunes, les adultes et les personnes âgées. En marge de ces catégories, d’autres groupes spécifiques nécessitent une attention particulière, à savoir les toxicomanes, les personnes internées, et les handicapés qui présentent des troubles graves du comportement. Pour chacun de ces six groupes cibles, il faut développer une approche thérapeutique différente comportant un ensemble intégré de soins spécifiques.

Les « soins sur mesure » requièrent une triple souplesse : au niveau de l’approche, de l’intensité et du lieu où sont prodigués les soins. L’offre de soins doit s’adapter à la variabilité individuelle des syndromes psychiatriques. Vu la complexité des problèmes, une concertation multidisciplinaire s’impose. La prise en charge du patient en psychiatrie peut rarement se concevoir comme un « package » unique et clairement défini de soins apportés conformément à une méthode bien précise. Dans le cas de pathologies nécessitant un suivi plus long, les besoins thérapeutiques des patients changent, et il faut garantir une continuité dans la stratégie de traitement. L’accompagnement ou le traitement de patients doit se faire autant que possible via des soins ambulatoires prodigués à domicile. Même en cas de séjour résidentiel en institution, il faut promouvoir au maximum l’autonomie du patient.

Les soins de santé mentale actuels sont principalement structurés de manière verticale en fonction des différents cadres dans lesquels ils sont prodigués. Il s’agit des hôpitaux psychiatriques, des services de psychiatrie des hôpitaux généraux, des maisons de soins psychiatriques (MSP), des habitations protégées (HP) et des centres de santé mentale (CSM). Ces cinq institutions sont comme les colonnes d’un temple grec qui soutiennent le fronton triangulaire de la plate-forme de concertation. Parallèlement, il y a les systèmes basés sur des conventions de l’INAMI comme les centres de réadaptation psychosociale, les centres de crise, les communautés thérapeutiques, les Maisons d’Accueil Socio-Sanitaires (MASS)…

Dans la nouvelle conception des soins de santé mentale, cette structure verticale et institutionnelle doit faire place à une structure intégrée, horizontale et centrée sur les groupes cibles. Si la structure verticale remplit une mission administrative importante sur le plan de la gestion des finances et du personnel des institutions, la structure horizontale a quant à elle une mission plus fonctionnelle tournée vers la mise en œuvre de circuits de soins et de collaborations sur le terrain au profit des différents groupes cibles.

La nouvelle structure est comme le bâti d’un métier à tisser. Entre les fils blancs de chaîne verticaux (représentant l’offre modulaire des soins des institutions), il est possible de tisser des fils de trame colorés. Les patients ou les groupes cibles constituent les fils de trame horizontaux tissés conformément au patron du programme de soins, et sont soutenus par l’offre verticale de soins composée de modules. Ces modules s’emboîtent parfaitement les uns aux autres et forment ensemble différents circuits de soins convenant aux différents groupes cibles, circuits qui tirent leur force des personnes et des moyens mis en œuvre.

Cette évolution est souhaitable et nécessaire, mais elle doit se faire progressivement. Il n’est en effet ni possible ni souhaitable de remiser immédiatement au placard la structure verticale actuelle. La réorganisation des soins autour des groupes cibles doit également tenir compte des exigences du personnel et des aspects logistiques, techniques et financiers. Le passage à la nouvelle structure ne sera totalement réalisable qu’après une réforme du mécanisme de financement : d’un financement essentiellement basé sur le nombre de lits, il faut passer à une enveloppe globale centrée sur les groupes cibles et gérée à l’échelon régional.

2.3. Les plates-formes de concertation pour les soins de santé mentale

Dans différentes plates-formes de concertation, cette évolution est déjà perceptible dans les groupes de travail créés pour certains (sous-)groupes spécifiques. Ces groupes de travail doivent être transformés en groupes de coordination. Les groupes de coordination sont placés sous la direction d’un coordinateur de soins. Ils ont pour mission de constituer les circuits de soins et de les diriger. Les groupes de coordination ont une place et une responsabilité importantes dans l’organigramme des plates-formes de concertation. Les institutions qui travaillent sur base de conventions de l’INAMI, les patients, et les partenaires du soutien socio-familial doivent également être représentés au sein de ces groupes de coordination. Dès que le mode de financement aura été revu, les groupes de coordination des six grands groupes cibles évoqués plus haut pourront se substituer aux cinq secteurs institutionnels actuels. Cette évolution ne peut se faire brusquement. Il faut avancer pas à pas.

Une question importante est de savoir si les patients, les familles et les partenaires du soutien socio-familal sont suffisamment représentés dans les plates-formes de concertation. Vu que l’on part du principe que ce n’est pas l’institution mais bien le/la patient(e) qui doit être au centre des soins de santé mentale, il faut que cela se reflète également dans l’organisation des soins, et donc aussi au niveau des plates-formes de concertation. Quelques plates-formes de concertation, mutuelles, et autres fédérations comme la Vlaamse Vereniging voor Geestelijke Gezondheidszorg, la Ligue Wallone pour la Santé Mentale et la Ligue Bruxelloise Francophone pour la Santé Mentale, ont déjà fait des efforts concrets afin de stimuler la participation des patients et de soutenir les associations de patients. Mais il reste un long chemin à parcourir. L’effort ne doit certainement pas venir exclusivement des patients. Il faut également un changement de mentalité chez les soignants, les responsables des institutions et les décideurs politiques. Dans la structure des plates-formes de concertation, on pourrait par exemple accorder une place plus explicite aux représentants des patients, des familles et des autres partenaires du soutien socio-familial au sein des groupes de coordination. Les plates-formes de concertation sont une bonne manière de favoriser la participation des patients. La participation effective et les échanges d’expériences au plan local que ces plates-formes permettent auront un effet stimulant. Cette culture de participation devra s’étendre progressivement à tous les programmes de soins et à toutes les institutions, et y être clairement perceptible.

D’autres acteurs importants auxquels il faut donner plus de place dans les plates-formes de concertation sont les soignants de première ligne. Le médecin de famille est à cet égard l’élément pivot, mais d’autres acteurs tels que les psychologues cliniciens et les travailleurs sociaux ont un rôle important à jouer. Il est essentiel d’établir un lien entre les initiatives de collaboration existantes en faveur des soins à domicile et les plates-formes de concertation. Cela sera encore plus important à l’avenir, lorsque les soins psychiatriques dans le cadre domestique se concrétiseront davantage. Une réforme importante de soins de première ligne est en cours. Nous veillerons à articuler le travail des plates-formes avec cette réforme.

Les psychiatres en privé, les psychologues cliniciens, les orthopédagogues et les psychothérapeutes doivent également être invités à participer aux plates-formes. Pour les trois dernières professions nommées, un cadre juridique est en cours d’élaboration (cf. plus loin). Dès que ces professions de la santé seront mieux encadrées et organisées au plan légal, il sera possible de les impliquer explicitement, via des représentants, dans les plates-formes, par exemple au niveau du Comité. Enfin, il faudrait également veiller à ce que les institutions basées sur des conventions de l’INAMI soient mieux intégrées dans la plupart des plates-formes de concertation.

Tels qu’ils sont fixés par la loi, les objectifs des plates-formes de concertation offrent un cadre suffisamment large pour leur permettre de jouer pleinement leur rôle. Les possibilités de ce cadre ne sont toutefois pas encore totalement exploitées. Nous reviendront plus loin sur la question de l’étude des besoins (cf. 4.1). Les plates-formes de concertation ont également pour mission d’améliorer la qualité des soins de santé. Assurer des soins de qualité est une compétence à la fois fédérale et communautaire. Au niveau fédéral, nous entendons prendre à cet égard des initiatives (voir point 4) qui soient complémentaires et non pas redondantes par rapport aux initiatives des Communautés/Régions. A cet égard, un aspect qui nous paraît important est l’accueil réservé aux plaintes des patients. Dans l’attente d’un cadre légal fixant les droits du patient, nous voulons encourager d’ores et déjà tous les acteurs de la santé à prendre plus au sérieux les questions et les plaintes des patients. Sur base des expériences existantes et des études réalisées, nous souhaitons que les plates-formes de concertation se proposent de jouer un rôle de médiation. En tant que groupements supra-institutionnels, elles sont en effet les mieux placées pour informer les patients, écouter leurs plaintes, les répertorier, et, si possible, jouer les médiateurs jusqu’à ce que des solutions soient dégagées. Le traitement juridique des plaintes ne fait pas partie de la mission du médiateur. Au niveau fédéral, nous avons prévu 25 millions supplémentaires qui seront répartis entre les plates-formes de concertation qui s’inscrivent volontairement en vue de participer à ce projet pilote.

Les plates-formes de concertation doivent bien sûr se concerter sur les questions de collaboration et de répartition des tâches tant entre elles qu’en leur sein même. Les plates-formes de concertation devraient en réalité fonctionner comme un catalyseur. Sur base des besoins qu’elles perçoivent, elles favorisent la constitution de circuits de soins pour une région déterminée, et contribuent, via des accords de coopération, à combler les lacunes existantes. A terme, les plates-formes de concertation devront assumer leur part de responsabilité au niveau de l’organisation et de la gestion financière des circuits de soins dans leur propre région. Cela signifie qu’elles devront obtenir un pouvoir de décision supra-institutionnel plus grand que celui dont elles disposent actuellement. Les plates-formes de concertation doivent également rester ouvertes à ce qui se passe hors de chez elles et se concerter avec d’autres organisations. L’organisation de l’offre de soins pour certains (sous-)groupes spécifiques, comme par exemple les personnes présentant des troubles graves du comportement et les patients agressifs, doit se faire à une échelle géographique plus large que celle de la province. Des accords de coopération s’imposent. Il convient également de développer davantage les synergies avec les « secteurs contigus » tels que celui de l’aide sociale. Dans chaque région, il faut garantir un accès égal et la continuité des soins pour tous les programmes de soins. Des informations et des conseils doivent être accessibles auprès de services locaux capables de procéder à une première analyse de la problématique. Pour les patients potentiels, il faut qu’il y ait déjà en première ligne des points d’accès clairs.

2.4. Prise en charge par les soins de première ligne et à l’hôpital général

Le principe de base est que, dans la mesure du possible, chaque patient(e) reçoive les soins nécessaires dans son cadre de vie habituel ou le plus près possible de celui-ci. Autrement dit : soins à domicile ou ambulatoires si possible, et à l’hôpital si nécessaire. Ce choix implique d’une part une plus grande valorisation du soutien socio-familial et un soutien accru à celui-ci ainsi que le développement des soins ambulatoires, et, d’autre part, une utilisation plus rationnelle de la technologie médicale. Certaines initiatives récentes en matière de soins palliatifs illustrent bien cette évolution.

Aux yeux du patient, les soins de santé mentale doivent figurer clairement parmi les soins de première ligne. Chez une personne sur trois qui consulte un médecin généraliste, la plainte comporte une dimension psychique. Et dans un cas sur dix, l’origine de la plainte est de nature psychique ou psychiatrique. Souvent, les patients se plaignent de symptômes sans faire de lien avec la problématique psychique sous-jacente. De nombreux généralistes se concentrent en priorité sur les aspects somatiques de la demande de soins. Ils travaillent principalement au départ d’une vision médicale de la maladie qui laisse peu de place aux problèmes psychiques, sociaux ou existentiels. De plus, ils ont rarement assez de temps pour se pencher sur ces aspects. Tout cela fait qu’il leur est difficile d’être ouverts à ce genre de problèmes. Cependant, depuis une dizaine d’années, on accorde une attention particulière, dans la formation des médecins généralistes, aux aptitudes qui permettent de jouer judicieusement sur les aspects psychosociaux des demandes des patients. Ces programmes de formation médicale complémentaires doivent certainement être poursuivis.

Les soins de base sont assurés en première ligne en pratique solo ou de groupe uni- ou pluridisciplinaires. En matière de santé mentale, outre les médecins généralistes, les travailleurs sociaux et les psychologues cliniciens ont également un rôle important à jouer au niveau des soins de première ligne. La demande d’un(e) patient(e) doit faire l’objet d’une écoute aussi large que possible et être envisagée au départ d’une conception bio-psycho-sociale de la santé. Après un examen approfondi et le diagnostic qui s’en suit, les soignants de première ligne peuvent, en concertation avec le patient, proposer une aide spécialisée. On pense ici particulièrement à la dimension psychosociale de la demande de soins et à la détection précoce des problèmes psychiatriques. La concertation entre les acteurs de première ligne doit être davantage développée. Le médecin généraliste peut jouer un rôle de coordination dans la concertation entre les prestataires de soins qui sont directement au service du/de la patient(e).

L’accompagnement des patients doit obtenir une place reconnue et un encadrement. Que ce soit lors de la première prise de contact, de l’accueil, du séjour même à l’hôpital ou de la préparation à la sortie, il faut qu’il y ait un accompagnement adapté du patient. Durant l’année qui vient, un cadre légal sera élaboré qui fixera les normes, la programmation et le financement du service social dans chaque hôpital. Dans une phase ultérieure, il en ira de même pour les services psychologiques. A terme, les fonctions de médiation interculturelle, de référent hopsitalier et d’accompagnement social, psychologique et philosophique des patients seront intégrées au sein d’une offre claire qui sera accessible dans tous les services de chaque hôpital. L’accompagnement des patients doit promouvoir la plus-value humaine dans l’ensemble des soins médicaux offerts dans un hôpital. De plus, cet accompagnement joue un rôle de soutien qui est complémentaire par rapport au travail des médecins et du personnel soignant en général.

2.5. Réforme des soins

La réforme des soins peut être accomplie en rassemblant les moyens mis en œuvre dans le cadre d’accords de coopération visant une prise en charge ambulatoire maximale des patients. Cela exige des différents acteurs sur le terrain encore plus de concertation, de créativité et de souplesse. L’accent n’est plus sur la psychiatrie elle-même, mais il se déplace vers une conception intégrée des soins de santé mentale. La tendance qui a prévalu ces dernières années, à savoir la multiplication du nombre d’institutions autonomes, doit basculer dans le sens d’une multiplication des liens de coopération fonctionnels entre les institutions existantes. La réforme des soins vise à stimuler de nouvelles formes de coopération décloisonnée, comme par exemple les soins psychiatriques à domicile, le case management, la prise en charge sur le lieu de travail, le suivi du parcours professionnel, la psychiatrie de liaison, la psychiatrie d’urgence ou d’autres initiatives de coopération régionale à l’intention de (sous-)groupes cibles spécifiques.

Une première source de moyens financiers pour la réforme des soins provient de la reconversion qui s’est clôturée à la fin de l’année 2000 ; à cela vient s’ajouter, à partir de 2001, un budget annuel de 100 millions. Lors d’une première phase, ces moyens seront utilisés pour soutenir les soins psychiatriques à domicile en concert avec les organisations de soins à domicile. Les critères et modalités d’octroi de ces moyens seront fixés dans les mois à venir. A un stade ultérieur, d’autres projets réformateurs pourront également être financés. La priorité sera à chaque fois accordée à des accords de coopération extra-muros. L’idée n’est en aucun cas de créer de nouvelles entités autonomes. La concertation entre les institutions existantes doit être encouragée de manière à conclure de nouveaux accords de coopération fonctionnels sur une base contractuelle.

Deuxième source de financement pour la réforme des soins : le budget de l’INAMI pour les maladies chroniques. Avec ces moyens, des projets seront mis en œuvre à l’intention de patients présentant des troubles psychiatriques chroniques (schizophrénie, autisme, etc.). Le nombre de patients concernés en Belgique est estimé à environ 60.000 personnes. Chez ce groupe de patients, il n’est pas question de se focaliser uniquement sur la maladie : il faut également tenir compte de leurs limites et de leurs aptitudes à fonctionner dans la société.

Un premier projet, dont le lancement est prévu dès 2001, est la création de centres de référence pour le diagnostic de l’autisme. Les troubles autistiques constituent un handicap grave et le plus souvent permanent entraînant une restriction de l’autonomie de l’individu. Chez plus d’un quart des enfants autistes, il existe une pathologie sous-jacente grave de nature organique et/ou neurologique. Le dépistage et le diagnostic précoces de ces troubles augmentent les possibilités de traitement et leur efficacité, notamment en termes d’autonomie.

Soigner les patients psychiatriques chroniques ne signifie pas seulement leur assurer un traitement continu sur mesure. Cela implique également une réhabilitation axée sur le développement de leurs aptitudes et sur leur insertion sociale, notamment par le biais de formules de travail adaptées. Dans les années à venir, d’autres projets concrets de réforme des soins de santé mentale seront développés à l’intention des patients psychiatriques chroniques.

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3. SOINS ORIENTES VERS LE GROUPE CIBLE

3.1. Jeunes

Dans le cadre de notre politique, nous entendons donner la priorité aux jeunes. D’une part parce que nous avons un gros retard à combler dans ce domaine. Et d’autre part, parce que les problèmes qui apparaissent dans le développement et le fonctionnement des jeunes se perpétuent souvent jusqu’à l’âge adulte. Dans la mesure du possible, les soins de santé mentale pour les jeunes doivent être proposés sous une forme ambulatoire. Toutefois, les prises en charge résidentielles partielles ou complètes de courte ou de longue durée sont parfois inévitables. Il faut opter pour l’intervention la plus efficace et celle qui perturbe le moins le jeune et son entourage. Chaque intervention doit être intégrée dans un programme de soins (principalement ambulatoires) pris en charge par un circuit de soins. L’entourage (la famille et l’école) doit être suffisamment informé et impliqué dans le processus. La pratique des soins est par définition différenciée et interdisciplinaire. L’enseignement, le bien-être, la santé et la justice doivent chacun assumer leur part de responsabilité dans ce processus.

La politique de santé tournée vers les jeunes doit se fonder sur une vision bio-psycho-sociale globale de leur développement et de leur fonctionnement. Les études montrent que le développement de l’enfant est déterminé par un processus continu de facteurs neurobiologiques, cognitifs et psychosociaux qui agissent les uns sur les autres et se renforcent mutuellement. Dans ce processus, le développement fœtal et les trois premières années de l’existence revêtent apparemment une importance cruciale. C’est pourquoi, d’un point de vue préventif, il convient de prendre des initiatives afin de stimuler un mode de vie sain chez les parents durant la grossesse et les trois premières années de la vie (campagnes de prévention des toxicomanies, congé parental, etc.). Parallèlement à cela, il faut également mettre en place une meilleure assistance aux parents d’enfants prématurés et dysmatures.

Dans la mise en œuvre des circuits de soins spécifiques, l’offre de soins résidentiels, mais surtout ambulatoires, doit être élargie. Les soins ambulatoires relèvent principalement de la compétence des Communautés/Régions. Ceci dit, rien n’empêche le fédéral de faire des investissements complémentaires. Tant le secteur des soins résidentiels que celui des soins ambulatoires doit proposer des formes d’outreaching et de collaboration. Les listes d’attente actuelles sont préoccupantes, et transforment les situations de crise en problèmes aigus. Dans chaque province, il faut mettre en place un circuit de soins infanto-juvénile qui soit reconnaissable, accessible, différencié et cohérent. Les institutions de pédopsychiatrie qui travaillent sur base d’une convention de l’INAMI doivent être impliquées dans l’organisation des circuits de soins.

Dans le cadre d’un projet pilote, nous voulons tester la mise en œuvre de la nouvelle structure. L’avantage des jeunes en tant que groupe cible est que le rayon d’action optimal pour l’organisation du circuit de soins correspond plus ou moins à une province. Pour les autres (sous-)groupes cibles, ce n’est pas le cas, et il faut définir une zone régionale soit plus petite, soit plus grande. Définir les soins de santé mentale pour les jeunes en termes de circuit de soins est une étape importante du processus d’optimisation de l’offre de soins et un aspect important de l’effort visant à rendre celle-ci plus transparente. L’étape suivante consiste à rédiger le cahier des charges qui concrétisera le contenu des soins destinés à ce groupe spécifique sous la forme d’un programme composé de différents modules de soins. Ces modules seront organisés à différents endroits choisis conjointement par les différentes institutions impliquées dans la réalisation du programme thérapeutique.

En 2001, nous prendrons, en concertation avec les ministres régionaux et communautaires compétents en matière de santé, des initiatives visant à combler progressivement les lacunes qui subsistent dans l’offre de soins actuelle. Il semble d’ores et déjà souhaitable d’augmenter le nombre de lits pour les patients pédopsychiatriques de 0 à 18 ans. Il faut également tenir compte de la problématique spécifique dans les grandes villes. En guise de première étape, le financement de vingt nouveaux lits convenant à des hospitalisations complètes et de trente places supplémentaires pour des traitements de jour est prévu dès le début de l’année 2001 en région bruxelloise. Le nombre minimal de 20 lits est maintenu vu les possibilités de diversification en fonction des différentes classes d’âge et des stades de développement. Une norme distincte est prévue pour créer un nombre limité de places organisées de manière « transmurale » pour l’accueil des crises. Les institutions d’hospitalisation de jour doivent devenir plus accessibles. Le transport des enfants qui fréquentent ces établissements doit être mieux organisé, et, le cas échéant, soutenu financièrement.

Les soins de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents nécessitent une expertise et une formation spécifiques. Un personnel d’encadrement spécialisé est donc nécessaire. Seuls des professionnels spécifiquement formés pour travailler avec les enfants et les adolescents seront habilités à participer à l’élaboration des normes pour les services destinés à ces classes d’âge. Reconnaître les psychiatres pour enfants et pour adolescents comme des spécialistes à part entière et distincts des autres est une nécessité absolue.

3.2. Adultes

Les services de psychiatrie des hôpitaux généraux remplissent une fonction importante au niveau du diagnostic et du traitement de problèmes auxquels il est possible de remédier en un temps relativement court. Le nombre d’admissions dans ces services augment d’année en années et atteint pratiquement le nombre d’admissions dans les hôpitaux psychiatriques, tandis que la durée d’hospitalisation y est en moyenne sept fois plus courte. Les indications conduisant à une admission dans un service de psychiatrie d’un hôpital général ne sont pas nécessairement les mêmes que celles utilisées dans les hôpitaux psychiatriques. Vu leur relative accessibilité, les services de psychiatrie des hôpitaux généraux constituent un maillon important de la chaîne des circuits de soins. En janvier 2001, un groupe de travail composé d’experts sera constitué. Ce groupe de travail aura pour mission de réaliser rapidement une étude portant sur les services de psychiatrie agréés et non agréés dans les hôpitaux généraux et de remettre un avis sur ce que peuvent offrir les hôpitaux généraux en matière de soins psychiatriques, en tenant compte de la formation de circuits de soins régionaux ainsi que des besoins en matière de psychiatrie de liaison, de crise et d’urgence.

Les hôpitaux psychiatriques ont notamment pour mission d’assurer le traitement intensif et spécialisé de (sous-)groupes cibles spécifiques. En plus des traitements de courte durée, ils doivent également pouvoir offrir les traitements de longue durée destinés à remédier aux problèmes complexes dont le traitement est difficile. A cet effet, le personnel d’encadrement de ces services intensifs doit être renforcé. Les projets pilotes pour les patients présentant des troubles du comportement et de l’agressivité (PTCA) ont par exemple montré la nécessité de créer des services spécialisés. Les services PTCA offrent souvent un soutien aux services d’autres hôpitaux psychiatriques en cas d’échec du traitement. L’agrément sera donc lié à des accords de coopération régionaux avec d’autres institutions. En 2001, un cadre légal sera créé pour les services PTCA, avec une programmation de 72 lits pour l’ensemble du pays. Les 24 lits existants seront agréés, et 24 autres viendront s’y ajouter en 2001. Il faudra également créer d’autres services pour le traitement intensif de groupes posant des problèmes particuliers (personnes internées, toxicomanes, etc.) au sein d’un certain nombre d’hôpitaux psychiatriques, et ce dans le cadre de circuits de soins régionaux ou supra-régionaux.

Le besoin d’unités de psychiatrie de crise se fait principalement sentir en milieu urbain. Les unités existantes travaillent cependant chacune selon un modèle qui leur est propre. Elles se distinguent notamment les unes des autres par la façon dont elles collaborent avec le service des urgences et par le nombre maximum de jours que peut durer une admission dans l’unité de crise. Les projets existants seront évalués en vue de leur réajustement. Ce n’est qu’après ce réajustement qu’une mise en œuvre plus généralisée pourra être entamée et que l’on pourra envisager une extension avec la mise en place d’équipes de psychiatrie d’urgence. Quoi qu’il en soit, le point de départ reste qu’en ce qui concerne les demandes urgentes, tous les acteurs des soins de santé mentale ont la responsabilité de créer les conditions d’un dialogue avec les patients et leurs familles (notamment la possibilité de faire une consultation par téléphone, en cas d’urgence ou de prise en charge imprévue par les services psychiatriques de l’hôpital). Toutes les institutions doivent donc organiser leur mode de fonctionnement de manière à assurer une accessibilité suffisante.

Les patients chroniques incurables sont pris en charge par les maisons de soins psychiatriques. Ces patients ont généralement besoin d’être constamment suivis dans leurs activités quotidiennes. Ici, l’accent est mis davantage sur les soins et la réhabilitation que sur le traitement. Pour les patients qui ont en permanence un comportement dérangeant, il faut prévoir un personnel d’encadrement spécial. A cet égard, l’expérience acquise avec les patients agressifs et présentant des troubles graves du comportement pourrait être mise à profit. L’accessibilité financière des maisons de soins psychiatriques (MSP) est un problème spécifique et très aigu. Près de la moitié des pensionnaires sont incapables de payer les frais d’hébergement avec leurs propres moyens. La réglementation actuelle, qui prévoit une intervention de l’Etat, est peu efficace. La forme actuelle de cette intervention doit être revue.

Les services d’habitat protégé ont l’énorme avantage d’être déjà, du point de vue structurel, le produit d’une association « transmurale ». L’offre de structures d’habitat protégé doit progressivement se différencier en fonction des groupes cibles spécifiques (personnes internées, personnes âgées, toxicomanes, etc.). La programmation pour les places en habitations protégées a été récemment revue à la hausse et est passée de 0,4 à 0,5 unité pour mille habitants. Par ailleurs, nous avons prévu, pour 20% du nombre total de places, la possibilité d’accéder à une habitation protégée individuelle. En marge de la possibilité de séjour permanent, des maisons d’hébergement temporaire doivent également être prévues pour les jeunes patients psychotiques. Outre le médecin qui est ultimement responsable du suivi médico-psychiatrique des pensionnaires, il faut également désigner, au sein du personnel des habitations protégées, un coordinateur chargé du bon fonctionnement général de l’établissement.

A de nombreux endroits, des centres de jour ont déjà été créés à l’aide de fonds propres. Ces centres sont généralement créés sur base d’initiatives en faveur des habitations protégées. Le groupe visé est toutefois plus large que les seuls pensionnaires. Ces centres ont pour but de contribuer à la réhabilitation de patients psychiatriques chroniques qui ne peuvent pas (plus) s’insérer dans les circuits de travail « normaux ». Les centres de jour doivent également être organisés comme des initiatives de coopération « transmurales ». Ils ont une fonction éducative, récréative, et sont sensés générer des rencontres. Dans le budget 2001, des moyens financiers ont été prévus pour, d’ici la fin de l’année, soutenir et développer ces centres de jour. Outre ces centres de jour, on ressent le besoin de nouvelles initiatives en matière de prise en charge sur le lieu de travail et de suivi du parcours professionnel Quelques expériences ont déjà été réalisées dans ce domaine. Elles doivent être poursuivies en collaboration avec les secteurs contigus à celui des soins de santé mentale.

Les Centres de santé mentale, chargés de la prévention et des traitements ambulatoires, se renforcent petit à petit. Dans de nombreux cas, la contribution effective des CSM à diverses actions menées en partenariat pourrait être quelque peu renforcée. De par leur position en deuxième ligne, les CSM remplissent une importante fonction de liaison entre la première et la troisième ligne. Au sein des circuits de soins, ils jouent le rôle de pivot en matière de diagnostic et orientent les patients vers les formules de traitement qui leur conviennent le mieux.

3.3. Personnes âgées

Vu le vieillissement de la population, les soins de santé mentale pour les personnes âgées méritent une attention spéciale. Si elles le souhaitent, les personnes âgées ont de plus en plus la possibilité de rester longtemps autonomes et de continuer à vivre dans leur cadre habituel. Il faut pour ce faire stimuler encore davantage les soins que la personne se prodigue elle-même, le soutien socio-familial, et les soins assurés par des bénévoles. Les besoins de soins de santé de la personne âgée dans son environnement habituel constituent le point de départ de l’offre de soins professionnelle. Cette relativisation de l’offre de soins résidentiels implique un renforcement des soins ambulatoires et des soins à domicile.

La nature bio-psycho-sociale complexe des problèmes de santé mentale chez les personnes âgées requiert une approche multidisciplinaire. Vu l’augmentation prévue du nombre de personnes très âgées dans notre société, il faut s’attendre à une augmentation du nombre de cas de démence sénile et de personnes nécessitant des soins complexes. En Belgique, quelque 110.000 personnes souffrent d’une forme grave ou modérée de démence. En 2010, il y en aura environ 138.000. Il faut offrir à ces gens les meilleurs soins possible. Dans le souci de rendre les dernières données scientifiques accessibles au plus grand nombre de soignants, le Ministère de la Santé publique a créé, il y a quelques mois, un site Web spécial (http://www.alzheimer-clearinghouse.be/). En dehors de la personne atteinte de démence, les membres de la famille du patient, les mourants et les personnes qui nécessitent des soins constants méritent également une attention particulière.

La formation d’un circuit de soins clairement profilé pour les personnes âgées doit favoriser la collaboration et la qualité de l’offre. Il faut davantage de concertation et de coopération entre l’offre de soins de santé mentale, les médecins généralistes, les maisons de repos et de soins, les services de gériatrie, les services de soins à domicile et de logement, etc. Les Centres de Santé mentale ont une expertise ambulatoire en matière de diagnostic différentiel (p. ex. démence-dépression), mais ils peuvent aussi étoffer l’offre psychothérapeutique et socio-psychiatrique. Différents hôpitaux ont déjà créé des unités aigües gérontopsychiatriques. Il faut à présent élaborer un cadre normatif légal pour ces services. Ces services où l’on admet les patients pour une durée de séjour limitée (trois mois maximum) ont principalement un rôle de diagnostic et de traitement de courte durée et sont destinés à des personnes âgées présentant des troubles psychiques. Le traitement intensif de pathologies plus lourdes (où il est souvent question de co-morbidité) est assuré par les unités spécialisées en psychogériatrie au sein des hôpitaux généraux et psychiatriques. Dans les hôpitaux généraux, ces unités soignent plutôt des patients où prédominent les problèmes somatiques, tandis que les hôpitaux psychiatriques ont davantage d’expertise au niveau de la prise en charge de troubles psychiatriques graves. Afin de répondre aux besoins croissants dans ce domaine, la norme de programmation pour ces deux types d’institutions a été dernièrement revue à la hausse et est passée à 0,23 place pour 1000 habitants.

3.4. Toxicomanes

La politique de santé pour les toxicomanes s’inscrit dans le cadre de la note de politique fédérale sur les drogues qui a été approuvée par le Conseil des ministres le 19 janvier. Pour l’exécution des points d’actions concernant la prévention et les soins le gouvernement fédéral prévoit 500 millions de francs suplémentaire. Sous le terme ‘drogue’, on entend : l’alcool, le tabac, le cannabis, la cocaïne, l’héroïne, l’ecstasy, etc. Le contenu de la note de politique peut se ramener aux huit propositions suivantes :

  1. Beaucoup de gens consomment des drogues.
  2. Toute consommation de drogues comporte des risques pour la santé.
  3. La consommation de drogues ne peut être encouragée.
  4. Adopter un comportement raisonnable face aux drogues signifie : connaître les risques pour la santé et les limiter.
  5. Mieux vaut prévenir que guérir, mieux vaut guérir que punir.
  6. Chez les toxicomanes, la limitation des risques pour la santé vient avant les soins.
  7. La consommation modérée d’alcool, de tabac et de cannabis est de plus en plus acceptée (tolérée) socialement.
  8. Les « drogues dures » (cocaïne, héroïne, ecstasy, etc.) restent interdites : en cas d’infraction, le procès-verbal reste de mise.

La politique globale est fondée sur une politique de normalisation visant une maîtrise rationnelle des risques. Elle poursuit trois objectifs : 1) diminution du nombre de consommateurs de drogues dépendants ; 2) diminution des dommages physiques et psychosociaux causés par la consommation abusive de drogues ; 3) diminution des effets négatifs de la toxicomanie sur la société (notamment lesperturbations de l’ordre social.) Il s’agit en priorité de créer une Cellule « Politique des drogues » chargée d’assurer la coordination entre tous les ministères (fédéraux ou non) qui ont des compétences, aussi limitées soient-elles, en rapport avec les drogues. L’idée est, via une concertation permanente, de mener une politique intégrée et coordonnée qui soit à la fois préventive et curative. En attendant cette future Cellule « Politique des drogues », plate-forme largement ouverte dont la création nécessitera un accord de coopération, une Cellule « Politique de santé en matière de drogues » sera déjà mise sur pied dans le courant de l’année 2001.

L’offre de soins pour les toxicomanes doit se structurer autour de programmes de soins régionaux et de circuits de soins. Ensuite, un certain nombre de lacunes pourront être détectées et comblées par la réorganisation, une meilleure coopération et une utilisation plus efficace du personnel et des moyens existants au sein d’une région. Pour rencontrer les besoins des toxicomanes profonds, il est nécessaire de mettre en œuvre la méthode du case management. Il faut en outre se pencher spécifiquement sur l’accueil des crises et le traitement de patients à double diagnostic. Au printemps 2001, nous prévoyons une modification de la loi et une obligation d’enregistrement, ce qui permettra de soigner les toxicomanes par des thérapies de substitution. Un cadre légal fixé récemment autorise désormais la mise en œuvre de programmes d’échange de seringues.

3.5. Personnes internées

On manque actuellement d’institutions dotées des infrastructures et du personnel nécessaires pour accueillir et soigner les personnes internées. Une offre de soins différenciée pour les différents sous-groupes de « personnes internées » sera élaborée prochainement en concertation avec le Ministre de la Justice. Un groupe relativement restreint de patients très dangereux et difficiles à traiter (high risk) doit être accueilli dans des établissements de défense sociale offrant des garanties de sécurité maximales et disposant d’un personnel d’encadrement psychiatrique suffisant. Pour les patients moins dangereux et moins difficiles à traiter (medium risk), la création de nouvelles unités de psychiatrie légale dotées d’un niveau élevé de sécurité est prévue. A cette fin, un projet pilote démarrera en 2001. Pour ces unités de traitement intensif, l’encadrement actuel prévu pour une unité de crise sera revu à la hausse et atteindra le niveau nécessaire pour le traitement de ce groupe spécifique de patients. Pour les patients low risk, on cherchera, dans l’offre de soins actuelle, un nombre suffisant d’initiatives (p. ex. habitations protégées, accueil dans des familles, maisons de soins psychiatriques) visant explicitement ce groupe cible. Début 2001, nous avons demandé au Conseil national des Etablissements hospitaliers de rendre un avis sur la forme concrète à donner au circuit de soins destiné aux personnes internées.

3.6. Handicapés présentant des troubles graves du comportement

Pour le moment, ce sous-groupe cible spécifique n’est visé directement par aucune des nombreuses institutions existantes. Il s’agit d’un groupe assez important constitué de handicapés mentaux, mais également de personnes présentant des lésions cérébrales accidentelles, de personnes aveugles, sourdes et malentendantes présentant des troubles sérieux du comportement. Il convient de mettre en œuvre des circuits de soins spécifiques pour ces personnes. Il faut auparavant se concerter avec les Communautés et les Régions, de manière à ce que l’offre issue du secteur de la santé mentale soit complémentaire par rapport à ce que propose déjà le secteur de l’aide aux handicapés. Pour la mise en œuvre concrète, il faut se baser sur les résultats d’études réalisées précédemment et sur l’expérience de projets pilotes existants.

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4. SOINS DE QUALITE

4.1. Recherche et enregistrement des données

Il y a un manque criant de bonnes données épidémiologiques en matière de santé mentale. L’enquête nationale sur la santé des Belges de 1997 comportait un nombre limité de questions portant sur la santé mentale. Dans l’enquête de 2001, cette section sera étoffée, et il y aura également des questions sur la consommation de drogues. Par ailleurs, en 2001 également, une étude épidémiologique approfondie sur la santé mentale sera réalisée en collaboration avec l’OMS et plusieurs pays européens (France, Allemagne, Italie, Espagne et Pays-Bas). Cette étude s’intitulera : European Study of the Epidemiology of Mental Disorders. L’échantillon, constitué de 20.000 Européens d’au moins 18 ans, comportera notamment 3000 Belges qui seront interrogés via un entretien clinique. Cette première grande enquête épidémiologique axée sur la santé mentale des Belges sera réalisée par l’Institut scientifique de la Santé publique, et sera clôturée avant la fin de l’année.

Une étude nationale sur les besoins s’est clôturée à la mi-2000. Cette étude avait pour but de mettre au point une technique permettant de mesurer les besoins sur base d’un questionnaire destiné tant aux patients qu’aux soignants. Cette enquête sur les besoins en matière de santé s’est heurtée à un certain nombre de problèmes méthodologiques. Ces dernières années, les plates-formes de concertation avaient déjà réalisé avec succès quelques études de ce genre. Toutefois, un des problèmes majeurs est qu’il n’y a pas de vision unanime sur ce qu’est au juste une enquête sur les besoins ni sur la méthode à suivre pour réaliser au mieux une telle enquête. La conséquence de cela est que les résultats de ces études ne sont pas comparables les uns aux autres et qu’ils ne permettent pas de dégager des évolutions dans le temps. Nous pensons toutefois que le principe fondamental sur lequel reposent les enquêtes sur les besoins est correct : il s’agit, en interrogeant qualitativement et quantitativement les demandeurs et les fournisseurs de soins, d’identifier les besoins des premiers afin de concevoir une offre qui soit en adéquation avec ces besoins. Lors de la mise en œuvre concrète des conclusions de cette étude, il faudra toutefois se pencher davantage sur les besoins de sous-groupes cibles spécifiques et sur les besoins régionaux.

Il est urgent de parvenir ensemble à une meilleure définition conceptuelle et méthodologique de l’enquête sur les besoins et d’établir une concordance entre les différentes études au sein des plates-formes de concertation. Il va de soi que si, du côté des plates-formes de concertation mêmes, on fait une proposition de consensus sur le concept de l’enquête sur les besoins et sur la méthodologie à suivre en cette matière, la nécessité pour les autorités d’imposer un modèle déterminé s’effacera dans une large mesure. Outre les études sur les besoins, tant les autorités que les plates-formes de concertation effectuent un travail de recherche centré sur les actions concrètes menées sur le terrain. Ce type de recherche est précieux car il répond à des besoins du secteur sur base d’une collaboration effective et en s’appuyant sur une méthodologie scientifique.

L’enquête nationale relative aux réseaux et aux circuits de soins sera bouclée en 2001. Dans une première phase, les données nécessaires ont été rassemblées afin de développer davantage les concepts. Lors de la deuxième phase, ces concepts seront mis en œuvre dans des projets pilotes afin de tester la nouvelle vision des soins basée sur des réseaux chargés d’organiser des circuits de soins. Cette étude doit être poursuivie afin de soutenir la politique. C’est ainsi qu’il faut par exemple vérifier pour chaque (sous-)groupe spécifique quelle est la délimitation optimale de la région correspondant au circuit de soins qui le concerne. Certains aspects économico-sanitaires de la formation de ces circuits doivent également être développés et évalués.

A partir de 2001, les budgets destinés aux études scientifiques du Ministère des Affaires sociales, de la Santé publique et de l’Environnement seront affectés sur base d’une procédure préétablie et en fonction de thèmes fixés à l’avance en fonction de leur pertinence politique. Après le lancement, via notre site Web (www.health.fgov.be/AGP), d’un appel d’offres pour des collaborations en recherche et développement, les propositions d’études reçues seront examinées et évaluées, et les budgets seront alloués sur base de cette évaluation. En 2001, le thème de la santé mentale a été explicitement choisi comme sujet d’étude. A cet égard, nous entendons privilégier les études de suivi portant sur la traduction économico-sanitaire des circuits de soins en nous concentrant en priorité sur le groupe sible des jeunes (autrement dit, quel nouveau contenu va-t-on devoir donner à la programmation, à l’élaboration de normes, et surtout au financement, afin de concrétiser dans les faits ce nouveau cadre conceptuel ?)Nous entendons, par ailleurs, effectuer des études sur l’organisation des soins en psychiatrie légale et en psychiatrie d’urgence.

Les efforts consentis par les institutions en matière de collecte et d’enregistrement de données produisent –malgré certains obstacles imprévus– les résultats escomptés. Que ce soit du côté des institutions, ou aux échelons régional, provincial et national, on se rend compte qu’il est possible de constituer un stock de statistiques utilisables. Sur base des bilans réguliers, il devient possible de dégager les grandes tendances du secteur, ou d’évaluer l’impact de certaines mesures. Le transfert direct des données enregistrées vers les plates-formes de concertation peut être utile pour mener des études ciblées sur la qualité des soins. Ce feed-back de données permet en effet de détecter certaines inadéquations dans l’offre de soins et de procéder aux ajustements nécessaires. A l’avenir, l’enregistrement des données pourra également être utilisé comme outil de gestion au sein des réseaux et des circuits de soins. Ceci dit, le système d’enregistrement existant reste perfectible. Dans les réformes prévues, le paquet d’enregistrement sera amélioré et subira une « cure d’amaigrissement » afin d’en faire un instrument plus adéquat. Par ailleurs, on y intègre en ce moment les procédures d’enregistrement des Centres de santé mentale et des institutions du secteur des soins aux toxicomanes. Ce travail doit se faire dans le respect de la spécificité de chaque type d’assistance et en tenant compte de l’expérience que ces institutions ont déjà acquise sur base de leurs propres procédures d’enregistrement.

Au cours des dernières années, la qualité de l’offre de soins de santé mentale s’est considérablement améliorée, mais il reste un long chemin à parcourir. La recherche en santé mentale doit combler son retard par rapport au volet somatique de la santé. La littérature de plus en plus abondante consacrée à l’evidence based mental health montre que les médecins et les chercheurs font de mieux en mieux la distinction entre la fiction et la réalité. Sur base des résultats d’études qualitatives et quantitatives, il est possible de développer des protocoles de traitement qui peuvent contribuer à une meilleure qualité et à une plus grande efficacité des soins. En 2001, dans le souci de rassembler les maigres moyens qui peuvent être consacrés à la recherche, un inventaire de toutes les études récentes sur les soins de santé mentale sera constitué. Dans le prolongement de cette initiative, il faudra mettre au point une proposition visant à créer un « pool » d’expertise en matière de santé mentale. Dans le cadre de la réforme prévue du Conseil supérieur d’hygiène, il est en tout cas prévu de créer une section distincte pour la santé mentale.

4.2. Formation et reconnaissance

Dans tous les programmes de formation des professionnels de la santé, il faut accorder plus d’attention à la manière dont les problèmes de santé mentale se manifestent. Il faut également se pencher davantage sur les aspects des problèmes psychiques spécifiquement liés à l’un ou l’autre sexe. Déjà dans l’éducation et l’enseignement, il faut apprendre aux jeunes à gérer les problèmes psychosociaux de manière constructive.

Un élément important pour la qualité des soins a fait récemment son apparition dans la médecine somatique : la « peer-review ». Ce concept ne peut être simplement transféré et appliqué tel quel au secteur de la santé mentale. Une approche plus multidisciplinaire est nécessaire. Les plates-formes de concertation pourraient constituer une base pour l’organisation d’une telle concertation multidisciplinaire entre les professionnels de la santé. Il faut encourager les visites bilatérales entre institutions, les échanges de personnel, l’organisation de formations, et la mise en place de formules de supervision réciproque. Pour garantir la qualité des soins, il faut oser investir dans le renforcement de l’expertise et le contrôle intercollégial. Il s’agit par ailleurs de formes de protection et de soutien importantes qui profitent au personnel de santé lui-même.

Un autre aspect de la qualité des soins est la création d’un cadre légal pour quelques nouvelles professions de la santé. Nous pensons en premier lieu aux psychothérapeutes, aux counselors, aux orthopédagogues et aux psychologues cliniciens, qui ont prouvé au cours des dernières décennies qu’ils apportaient quelque chose de spécifique au secteur des soins de santé. Le fait que, pour l’instant, quiconque peut se prétendre psychothérapeute, sans la moindre garantie de formation ou de qualité, est insensé et intenable. Il faut d’urgence reconnaître légalement les titres de « psychothérapeute » et de « counselor ». Le « counseling » (ou accompagnement psychosocial) se distingue de la psychothérapie au niveau du groupe cible et de la méthodologie. La psychothérapie se situe à l’intérieur d’un cadre assez rigide et s’attache principalement à résoudre des problèmes psychopathologiques. Le counseling, en revanche, essaie d’apporter une réponse à des problèmes psychosociaux souvent complexes (par exemple lors de crises ou dans des familles à problèmes multiples). Le counseling exige un plus grande adaptation au contexte social concret et demande par conséquent une plus grande souplesse ainsi qu’une approche plus éclectique. En reconnaissant légalement les titres de psychothérapeute et de counselor, nous entendons donner à ces disciplines une place clairement définie dans la coopération multidisciplinaire, garantir la qualité des soins, et protéger les patients contre les abus éventuels.

La reconnaissance légale et la réglementation de ces nouvelles professions de la santé se met en place en concertation avec les instituts de formation et les unions professionnelles. Des groupes de travail composés d’experts ont été créés à cette fin. En ce qui concerne la psychothérapie et le counseling, une concertation encore plus large sera organisée au cours du premier semestre 2001, et ce, avant que des décisions soient prises en la matière. Trois canaux de communication ont été prévus : 1) le rapport contenant l’avis du groupe de travail « psychothérapeute et counselor », qui a été clôturé à la fin de l’année 2000 ; 2) ce rapport final sera rendu directement accessible au public via notre site Web (www.fgov.health.be/AGP), avec la possibilité d’y réagir par écrit ou par e-mail ; 3) durant les mois d’avril et mai, deux après-midi d’étude (une en français, l’autre en néerlandais) avec débat seront organisées en collaboration avec la Fondation Julie Renson et les Associations flamande, bruxelloise et wallonne de santé mentale. Après cette phase de concertation, un projet de loi relatif au statut du psychothérapeute et du counselor sera introduit durant le second semestre 2001 sur base de toutes les informations recueillies. En ce qui concerne le psychologue clinicien et l’orthopédagogue, un projet de loi pourra être introduit en 2001, pourvu que l’on arrive à un consensus avec les différents groupes de travail concernés.

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5. 2001, ANNEE DE LA SANTE MENTALE

C’est le 7 avril 2001 qu’aura lieu la journée mondiale de la santé de l’OMS sous le thème : « Santé mentale : non à l’exclusion, oui aux soins ». En Belgique, il a été décidé de faire de 2001 l’année de la santé mentale. Les 29 et 30 mai prochains, le Ministère de la Santé publique organisera un colloque international pour les décideurs politiques sur le thème « Violence et santé ». Cette initiative s’inscrit dans le cadre des programmes « Health 21 » de l’OMS et « Daphne », programme de l’Union européenne pour les femmes, les enfants et les groupes vulnérables de la société. La présidence de l’Union européenne, que la Belgique assurera durant le second semestre 2001, sera également l’occasion d’attirer l’attention sur la question des soins de santé, notamment à l’occasion d’une conférence organisée les 25, 26 et 27 octobre en collaboration avec l’OMS et l’Union européenne et qui aura pour thème : « Problèmes liés au stress et à la dépression : approches européennes ».

A l’intérieur de ce cadre général, nous prenons différentes initiatives concrètes afin de promouvoir la santé mentale en Belgique. Les moyens financiers consacrés actuellement aux soins de santé mentale sont limités, surtout au vu de l’attention et de l’argent dont bénéficie le volet somatique des soins de santé. Il faut donner à la santé mentale les moyens de combler cet écart, et s’orienter vers une répartition plus équilibrée des budgets.

Voici les initiatives qui seront prises à cette fin dans le courant de l’année 2001 :

  1. Investir prioritairement dans l’amélioration de l’offre de soins destinée aux jeunes. Dès cette année, des places supplémentaires seront créées au niveau de la pédopsychiatrie résidentielle. Le pédopsychiatre jouira en outre d’une reconnaissance distincte en tant que spécialiste.
  2. Le traitement intensif des patients adultes agressifs présentant des troubles sérieux du comportement sera réglementé au plan légal, et le nombre de lits sera doublé cette année pour atteindre 48 unités.
  3. Pour les patients psychiatriques chroniques, les centres de jour seront soutenus financièrement, et l’accessibilité financière aux maisons de soins psychiatriques sera améliorée.
  4. Les axes de la note de politique fédérale en matière de drogues seront mis en œuvre : la Cellule « Politique de santé en matière de drogues » sera créée dans le courant de l’année, en prélude à la future Cellule « Politique des drogues », de conception plus large.
  5. Pour le traitement intensif des personnes internées « medium risk », l’année 2001 verra le lancement d’un projet pilote d’unité de psychiatrie légale dans un hôpitaux psychiatrique.
  6. Les soins psychiatriques à domicile seront soutenus financièrement grâce aux moyens financiers provenant de la reconversion, plus un budget supplémentaire de 100 millions.
  7. Une fonction de médiation viendra s’ajouter aux plates-formes de concertation afin de mieux diffuser l’information et de mieux accueillir les plaintes des patients et de leur environnement familial.
  8. Le service social sera légalement reconnu, normé et financé, en prélude à la mise en œuvre d’un service d’accompagnement des patients dans chaque hôpital.
  9. Quelques nouvelles professions du secteur de la santé bénéficieront d’un statut légal, à savoir les fonctions d’orthopédagogue, de psychologue clinicien, de psychothérapeute, et de « counselor ».
  10. Le soutien à la recherche en santé mentale sera renforcé, notamment via la réalisation d’une étude épidémiologique. En outre, un inventaire des études récentes sera dressé, et on cherchera le moyen de rassembler l’expertise existante en matière de soins de santé mentale.

Ces priorités, dont la mise en œuvre est prévue à court terme, s’inscrivent dans le cadre de la vision à long terme présentée plus haut. Cette vision « écologique » des soins de santé mentale met en avant la dimension psychosociale de la problématique. L’offre de soins doit être structurée de manière concertée de façon à répondre le mieux possible à la demande du patient, lequel occupe une position centrale. Ce faisant, notre volonté est de reconnaître davantage chaque patient(e) en tant que personne unique, et lui permettre ainsi de participer pleinement à la société.

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