Mis en ligne le 16 janvier 2002,
sous l'intitulé Vive la non-différence
en réaction à l'article
paru le 1 janvier 2002 dans La Libre Belgique
"Les psys doivent sortir du bois"
par Laurence Bertels

10. "Car cette année [2001] était bien celle de la santé et non de la maladie mentale. Où s'arrête l'une, où commence l'autre ? Eternelle question..."

Voilà, entre autres profondes considérations, ce qu'on peut apprendre des préoccupations du directeur de la "Ligue Bruxelloise francophone pour la santé mentale".
Quand donc les journalistes et ceux qu'ils (elles) interviewent apprendront-ils (elles) qu'il est encore beaucoup plus important de poser les bonnes questions que de ne pas tenter de répondre aux mauvaises?
Car, posée dans les termes cités plus haut, cette interrogation de pure rhétorique pseudo-psycho-sociale a autant de sens que cette autre "éternelle" question: où s'arrête donc la bêtise (le fait-elle jamais?), et où commencent le bon sens et l'intelligence?
En tout cas, depuis le mois d'aout 2001 quand, de son propre aveu, "l'explication" de la santé mentale lui échappait constamment (voir l'article Année 2001, point 6), il semblerait que le directeur de la "Ligue Bruxelloise francophone pour la santé mentale" ait désormais rattrappé la question, puisqu'il dit "agir" pour la santé mentale, et on peut supposer qu'il sait ce qu'il fait et ce qu'il ne fait pas...
Et ce qui apparaît encore plus clairement au travers des propos de son directeur, c'est que la Ligue Francophone ne se préoccupe que de la "santé mentale", c'est-à-dire des gens dont la tête n'est pas malade, et non des malades mentaux! Bien-portants, tenez-vous bien, la "Ligue" se préoccupe de vous! Et les familles des malades mentaux, quant à elles, elles savent maintenant à quoi s'en tenir sur cette "Ligue"...


Mis en ligne le 1 février 2002, sous l'intitulé
Du vent pour psys branchés
en réaction à ces articles
parus les 19, 22 et 21 janvier respectivement
par Janine Claeys,
Laurence Bertels,
et par Jo. M. ,
Le Soir en ligne
La Libre Belgique
La dernière Heure

11.
"Eole réoriente les patients"
"Allô Eole, mon patient est malade. Je l'envoie où?"
"Eole, à l'écoute des aides de 1re ligne"

"On n'arrête pas le progrès"; "nous vivons une époque formidable"; "où allons-nous?" etc., etc.
Plutôt que de réorienter les patients, comme le titre du Soir le suggère d'abord, il semblerait que cette très remarquable "initiative" aurait pour objectif officiel de réconforter - par téléphone - les médecins généralistes désorientés appelés au domicile d'un patient en crise psychiatrique.
Mais, attention! Les médecins en détresse, en cas d'urgence et de perplexité, ne pourront appeler l'équipe psy pluridisciplinaire et voyante extra-lucide à distance qu'entre 10 et 17h, du lundi au vendredi seulement (c'est bien connu, les crises psychiatriques ne surviennent jamais qu'aux heures de bureau et pendant les jours "ouvrables" ;^}).
L'aide au diagnostic et à la thérapeutique par téléphone, ça n'est pas nouveau. Cependant, les Ordres des médecins de tous les pays l'ont toujours très nettement déconseillée (c'est une litote). On devait se douter que les psys, grâce à leurs dons extra-sensoriels multiples, ne sont, bien sûr, pas visés par ces mises en garde dont le bien-fondé semble leur échapper.
Sans doute n'ont-ils pas non plus obtenu de subsides suffisants pour envoyer eux-mêmes leurs propres équipes pluridisciplinaires sur place. A moins qu'ils n'aient pas voulu y penser? Ou qu'ils n'aient pas voulu empiéter sur les prérogatives des "aides de 1ère ligne"? Pourtant, pareilles équipes, envoyées "sur le terrain", auraient enfin pu apprendre à leurs membres, de "première main" et par la pratique, si on peut dire, en quoi consistent les crises et urgences psychiatriques survenant dans le monde réel. Ainsi, dans quelques années peut-être, aurait pu apparaitre, enfin, une espèce nouvelle de psys: ceux nourris de réalité concrète et non plus seulement d'indigestes manuels de théories dogmatiques.
Pour tous ceux, analystes et autres, qui croient au subconscient, à l'inconscient, etc., ignorent-ils ou bien savent-ils et l'auraient-ils oublié? Eole, qui était-ce? C'était, dans la mythologie grecque antique, le dieu des vents... Hélàs, il faut vivre avec son temps, le progrès n'est pas toujours ami de la poésie: aujourd'hui, on ne doit plus péter dans un violon, on le fait au téléphone, aux heures de bureau.


Mis en ligne
le 4 mars 2002,
sous l'intitulé
Cosmologie psychique
en réaction à l'article
paru le 20 février 2002 dans
Le Généraliste, N° 588, p. 5
"Une maladie,
deux regards"

par Claire Coljon

12. "Face à ces représentations du patient, le point de vue du médecin ("disease") qui se rapporte à la conception objective et technique (fondée par exemple sur des analyses de laboratoire) qui permet de dire qu'un malaise est dû à telle ou telle cause. Une conception pas toujours en accord avec celle du patient! Conséquence: un malentendu et, bien souvent un refus de la médication prescrite."

La journaliste recueillait les propos d'un neuropsychiatre sur les représentations qu'on se fait de la "psychose". Pourtant, comme il est notoire que la psychiatrie (en Belgique) ne fait en général pas appel aux analyses de laboratoire évoquées ici (pour la psychose, lesquelles, s.v.p.?), la conception objective et technique (?) dont il est question ne peut être qu'une représentation psychiatrique, une sorte de cosmographie subjective de l'esprit à l'occidentale. La cosmographie personnelle de l'esprit selon le patient n'est pas moins valable que celle du psychiatre européen purement spéculatif. Il ne peut donc s'agir de malentendu, mais d'un dialogue de sourds: deux visions du monde qui s'affrontent, aussi peu "objectives" l'une que l'autre...
Anosognosie ? Inconnue au bataillon!


Mis en ligne le 19 mars 2002, intitulé
La communication qui guérit!
en réaction à l'article
paru le 13 mars 2002 dans
Le Soir en ligne
"Réconcilier les chapelles"
par Jacques Poncin

13. "Mais voilà, la maladie mentale n'est pas comme les autres. Ne serait-ce que parce qu'elle est d'abord une maladie de la communication et que, pour une bonne part, elle se guérit par la communication."

Qu'est-ce donc qu'une maladie de la communication? Eh! Bien, quand vous ne parvenez plus à obtenir la communication téléphonique avec votre beau-frère, par exemple, alors vous vous adressez à la compagnie des téléphones et, à force de paroles avec un représentant de cette dernière (sur un autre poste!), peut-être parviendrez-vous à finalement rentrer en contact avec votre correspondant. Certains devraient appeler cela une "maladie de la communication" (donc, quand votre téléphone est en panne, manipulez-le avec douceur et parlez-lui avec persuasion!)
Quand les canalisations (d'eau ou de gaz) de votre habitation sont obstruées, votre plombier devrait appeler cela une "maladie de la circulation" et appeler un agent de police (qu'on pourrait nommer, par barbarisme évocateur, psychopompe). Il agiterait son bâton blanc devant les tuyaux et s'y démènerait à la manière d'une girouette (il parlerait aux tuyaux avec autorité).
Quand une personne est "dure d'oreille", l'O.R.L. consulté devrait appeler cela une "maladie de l'audition" et envoyer le patient écouter un concert (tonifiant ou apaisant, selon le cas).
Quand quelqu'un est "mal voyant" ou aveugle, l'oculiste devrait appeler cela une "maladie de la vision" et envoyer son patient au cinéma, ou à une exposition de peinture, ou à tout autre spectacle judicieusement choisi.
Ne dites jamais qu'il y a des bouchons sur l'autoroute, dites que la circulation est malade. Ne dites pas non plus que vous avez des ampoules aux pieds ou que vous vous êtes fait une entorse: dites que vous souffrez d'une maladie de la locomotion. Ne dites surtout pas que votre téléphone est en panne, dites que la communication est malade. Ne dites jamais de quelqu'un que c'est un c.., même si cela résume bien votre opinion de cette personne. Dites plutôt qu'il souffre d'une maladie de la compréhension. Et, si le coeur vous en dit, vous pouvez toujours appeler un psychothérapeute pour convaincre la circulation, la locomotion, la communication ou la compréhension de "guérir". Il suffit d'essayer, vous verrez... Ils disent que ça marche.
Nous vivons une époque de progrès VÉRITABLEMENT MAGIQUE !


Mis en ligne le
20 avril 2002
sous l'intitulé
Mesurons les idées
en réaction à l'article
paru le 21 mars 2002
dans L'Express (France)
"Fatigue,
le mal du siècle"

par Vincent Olivier

14. "...aucun marqueur biologique d'une pathologie ou d'une souffrance psychique quelconque n'a, à ce jour, été découvert.
[...] On ne peut pas raisonner uniquement sur un plan biologique - ou psychologique, ce qui revient au même. Il y a une composante sociologique: nous avons un corps, mais nous vivons aussi en société, c'est même ce qui caractérise l'espèce humaine.
[...]L'idée de "vivre avec" (une dépression, une maladie cardio-vasculaire), mesurée par la qualité de vie, se substitue largement à l'idée que l'on pourrait se débarrasser d'un mal comme d'un microbe."

Ces phrases, de la plume de Alain Ehrenberg, sociologue (CNRS-Paris V) étaient reprises par le journaliste Vincent Olivier. Elles montrent que, bien souvent, "psys" et sociologues se lancent dans des considérations purement spéculatives et donc sans conséquences ni grands risques immédiats (croient-ils!). Ils tiennent alors des propos aux accents surréalistes que sans doute ils s'empruntent les uns aux autres, sans toutefois s'en apercevoir.
Les sociologues devraient, eux aussi, de temps à autre s'évader du "plan sociologique" sur lequel ils planent et rêvent, pour comprendre ce que sont des "marqueurs biologiques". De plus, dire que "raisonner uniquement sur un plan biologique - ou psychologique, cela revient au même", cela n'a aucun sens.
Il n'est sans doute pas surprenant non plus qu'un sociologue veuille s'imaginer que ce qui caractérise l'espèce humaine, c'est qu'elle vit en société. Ce n'est pourtant là qu'une des caractéristiques parmi d'autres de l'espèce humaine, et elle la partage avec de nombreuses autres espèces animales pourtant dépourvues, elles, de "pathologies psychiques" comparables aux maladies mentales humaines. La seule caractéristique qui soit propre à l'espèce humaine et qu'elle ne partage avec aucune autre, c'est le langage. Et celui-ci, il est bien inscrit dans la structure, fort biologique et bien marquée, de son cerveau...
Enfin, vous aurez appris que certains savent aujourd'hui comment mesurer des idées? Pas avec un mètre pliant, sans doute, mais avec un élastique appelé "qualité de vie"! Ne serait-ce pas une idée démesurée?


Mis en ligne le
20 avril 2002
intitulé comme l'article
paru le 29 mars 2002
dans La Libre Belgique
"Maladie de l'insuffisance"
non signé!

15. "Lorsqu'on s'intéresse [...] à la dépression, force est de constater que celle-ci apparaît comme une maladie de l'insuffisance, du vide, de l'incapacité à agir (à faire) dans une société qui survalorise l'action et l'autonomie."

C'est un des "constats" que le journaliste extrait d'un article du sociologue belge Didier Vrancken (ULg)(Revue Nouvelle, février 2002). Après la maladie mentale "de la communication" (v. point 13 ci-dessus), voici la "maladie de l'insuffisance", la "maladie du vide". Comme la nature a déjà, d'avance, horreur du vide, si celui-ci est malade de surcroît, alors, c'est l'horreur au carré!
Tout le monde sait pourtant que la dépression a déjà été décrite par Plutarque et représentée par Albrecht Dürer, pour ne citer qu'eux. Plus tard, des hommes comme Winston Churchill, Abraham Lincoln, Théodore Roosevelt, Robert Schumann, Gérard de Nerval, Léon Tolstoï, Vincent Van Gogh, et combien d'autres en ont-ils été les victimes "insuffisantes", "incapables de faire" ou "vides" (c'est pour cela qu'ils sont passés inaperçus et oubliés?) dans des sociétés qui "survalorisaient l'autonomie et l'action"? En fait d'insuffisance, voilà sûrement qui ne date pas d'aujourd'hui et devrait suffire à écarter l'insuffisance et le vide des causes de dépression!


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