Mis en ligne le 24 avril 2006 sous l'intitulé
Hallucinations = Facultés extrasensorielles
en réaction à l'article
paru dans Le Courrier du 22 mars 2006 (Suisse)
"Entendre des voix n'est pas une maladie"
propos recueillis par Christophe Koessler

38. "On estime à 5% de la population les personnes qui «entendent des voix». Si le trouble est souvent associé à des problèmes psychiatriques, il peut être aussi tout à fait bénin."

C'est là ce que Mr Christian Koessler retient sans trop d'étonnement de ce qu'ont bien voulu lui dire deux psychiatres et une psychothérapeute suisses qu'il a interviewés.
Selon la psychothérapeute, "Il n'y a aucune honte ni aucune angoisse à entendre des voix. C'est une faculté comme une autre." (sic, et bien que ce soit un trouble? Souligné par moi).
Selon toute apparence, ces "spécialistes psy" interviewés par Mr Koessler considèrent qu'être en proie à des hallucinations (auditives) ne peut être angoissant, mais que, bien au contraire, ces hallucinations ne peuvent être qu'une faculté comme une autre, quoique sans doute "supplémentaire" à nos "facultés" habituelles: une faculté analogue à celles revendiquées faussement par des voyants extralucides, des médiums, des télépathes voire autres spirites..., faculté qui permet à ses heureux (?) détenteurs vrais de détecter des phénomènes qui n'existent que dans la réalité perturbée de leur système nerveux central altéré, qui les poursuivent et les harcèlent, avec lesquels ils conversent. Alors, pourquoi donc vouloir s'en débarrasser plutôt que de soigneusement les cultiver (par la méditation, le jeune et la déprivation sensorielle, par exemple)? Pourquoi s'efforce-t-on de supprimer "les voix" rebelles aux traitements "psy" par cette SMT dont les interviewés n'ont, semble-t-il, pas entendu parler? Pour détruire une «faculté comme une autre» dont les "psys" qui en sont dépourvus seraient jaloux?


Mis en ligne le 11 décembre 2006 sous l'intitulé
Indécrottable nostalgie de théories obsolètes
en réaction à l'article
paru en page 4 du n° 1796
du Journal du Médecin du 28 novembre 2006
"50ème anniversaire de la double contrainte"
par le Dr Jean-Charles Delespaux

39. Sous le titre "50ème anniversaire de la double contrainte", p.4 du n° 1796 du mardi 28 novembre 2006 du "Journal du médecin" (bi-hebdomadaire pour médecins belges), et en rapport explicite avec la schizophrénie, on pouvait lire, de la plume du Dr Jean-Charles Delespaux, un article prenant prétexte d'un récent "congrès" de l'Institut Gregory Bateson pour se faire le relais des théories et pratiques psychothérapeutiques du "groupe de Palo Alto" (et peut-être en faire la promotion?).

Dans cet article au fil logique souvent peu apparent voire discutable, on pouvait relever un certain nombre d'affirmations régurgitées des théories "sur la communication pathologique au sein des familles" que l'anthropologue U.S. Gregory Bateson avait imaginées et publiées à partir de 1956.
Notons, entre autres exemples:

a) "Dans ce cadre [d'origine anthropologique, J.D.], cette maladie psychiatrique [la schizophrénie] apparaissait comme une réponse fonctionnelle de l'individu à une situation sans issue. Vus de cette façon, les symptômes schizophréniques ont donc une fonction utile.";
b) "En systémique, le passé de l'individu importe peu. On peut faire une analogie avec un jeu d'échec: une partie commencée peut être poursuivie sans que l'on connaisse la façon dont elle s'est déroulée auparavant. Seule importe la configuration des pièces «ici et maintenant»." ;
c) "Le thérapeute doit donc se connaître pour être conscient de sa grille de lecture lorsqu'il reçoit des informations du patient et qu'il y réagit";
d) "Relativité de la réalité: La réalité ne représente que le produit d'une construction personnelle, elle-même influencée par nos acquis (culturels, éducatifs, traumatiques...). Nous créons notre monde à travers le langage.".

En a), on ne dit évidemment pas à qui ni en quoi les "symptômes schizophréniques" pourraient bien être utiles, mais peut-être pensait-on aux psychothérapeutes systémiques eux-mêmes?
En b), l'analogie avec un "jeu d'échec[s]" n'a ici, et de manière flagrante, aucune pertinence; de plus, peut-on se permettre d'oublier les joueurs qui créeraient la partie, n'auraient-ils donc eux-mêmes aucun rôle ni aucune importance dans la genèse de la "configuration actuelle des pièces" du jeu supposé par l'auteur?

En c), le psychothérapeute reconnaît implicitement le risque inévitable de suggestion et d'attribuer au patient ses propres fantasmes et interprétations personnelles; mais la connaissance de soi-même qu'il préconise, en bonne héritière de la psychanalyse, ne peut être que suggestion elle-même; "venez apprendre chez nous à vous connaître"?
En d), voici que surgit à nouveau ce relativisme cognitif généralisé, erroné et depuis longtemps reconnu comme tel et absurde, quoiqu'il reste cher à une certaine intelligentsia littéraire et un peu snob de notre europe occidentale. Non, la réalité n'est jamais relative, pas plus que nous ne créons notre monde à travers le langage (dans le cas présent, cette dernière affirmation, en plus d'être fausse, est aussi un non sequitur).

La validité de ces théories, de pure imagination, sans même que leurs auteurs se soient souciés, à l'époque de leur construction, de voir ni de traiter le moindre malade psychotique, n'a jamais été, par eux-mêmes et de leur propre aveu, sérieusement testée (scientifiquement mise à l'épreuve), de même que les psychothérapies prétendant s'appuyer sur ces théories pour traiter des psychoses n'ont jamais pu faire la preuve d'une quelconque efficacité. Bien au contraire, les preuves répétées de leur inanité ont été apportées à diverses reprises depuis lors.

Traiter de nos jours des malades psychotiques par les "thérapies brèves" selon les méthodes de "Palo Alto" revient à assimiler les psychoses - dont la nature organique concrète des troubles cérébraux est aujourd'hui bien avérée et documentée - à des névroses, comme s'il s'agissait de troubles quasi imaginaires: c'est ce qu'on croyait au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème (loués soient pour cela St Sigmund et ses successeurs tous plus "oxymoroniques" les uns que les autres, qui prêtent aux autres les paradoxes de leur propre logique délibérément défectueuse qu'ils sont incapables de voir dans leur miroir magique personnel).
Les médecins lecteurs (et peut-être aussi les rédacteurs...) du "Journal du médecin" désireux de mieux se documenter sur ce sujet, pour lequel la place manque ici, auraient intérêt à lire les livres (en anglais) de Edward Dolnick ("Madness on the couch", pp. 117 et suivantes) et de E. Fuller Torrey ("Surviving Schizophrenia", p.169 et 426) figurant dans la sélection de livres du présent site.
On me permettra de citer, sans traduction superflue, une partie de ce qu'en disait ce dernier auteur: "What seems incredible in retrospect is that theoretically intelligent people could postulate the symptoms of schizophrenia as the product of such relatively innocuous family communications. The fact that psychiatrists, psychologists and social workers bought it - untested - is a scathing indictment of their intelligence quotient."
Resservir aujourd'hui à nos médecins, sans aucun esprit critique, sans tenir aucun compte des acquis des neurosciences depuis 50 ans, ces calembredaines totalement démonétisées, est-ce là la vocation d'un périodique d'information pour professionnels sérieux? Ou bien le n° 1796 de ce périodique serait-il destiné, plutôt qu'à peut-être finir sur les étagères d'un cabinet de consultation ou la table d'une salle d'attente, à plus modestement emballer des épluchures de légumes ou d'autres déchets ménagers?


Publié ici le 11 décembre 2006
sous l'intitulé
Plus les Belges
sont nombreux à être fous...

en réaction à l'article
paru le 6 décembre 2006
dans le Soir en ligne sous le titre
"Les Belges sont heureux,
mais souvent à l'hôpital"

par Michel de Muelenaere

40. "Les Belges se disent heureux. Ils consomment moins d'antidépresseurs. Mais les lits «psy» sont pleins."
"Le recours aux médicaments et aux thérapies est, chez nous, légèrement plus important qu'ailleurs, mais c'est surtout au niveau de l'hospitalisation que notre pays se distingue: 5% des personnes interrogées disent avoir été admises à l'hôpital en 2005".

Le Professeur Isidore Pelc, psychiatre, pour nous rassurer, nous dit: "Les Belges ne sont pas plus fous que les autres". Mais, comme le réseau hospitalier est bon et serré, et comme les alternatives ambulatoires seraient inexistantes, "«tout est plein» aujourd'hui dans les sections «psy» de nos hôpitaux".
Et le journaliste d'ajouter: "Pour [le professeur] Pelc, pas de quoi en perdre le sommeil...".
En effet, les "professionnels belges du tourisme psy" peuvent s'estimer satisfaits: le remplissage de leurs établissements a été optimal en 2005, ils ne devraient pas accroître leur consommation personnelle de tranquillisants ni de somnifères en 2006. C'est une histoire "belge"?


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