Q6 - A quoi est due la prise de poids accrue souvent constatée à la suite d'un traitement par neuroleptiques? Qu'y faire?

Cette question est plus fréquemment posée par les filles que par les garçons, on s'en serait douté ;^), et c'est bien naturel. Cependant, l'accroissement pondéral excessif peut également se produire chez les hommes et aller parfois jusqu'à inspirer des inquiétudes, puisqu'une surcharge pondérale est, statistiquement, associée à diverses pathologies (maladies cardiovasculaires, diabète, etc.)

Les explications données de ce phénomène dans les milieux de la psychiatrie sont en général décevantes, n'expliquant en réalité rien du tout. Dans ces milieux, on semble oublier que tous les neuroleptiques, à des degrés divers, interfèrent avec les récepteurs membranaires et synaptiques de la dopamine (on sait cela depuis l'introduction en thérapeutique des alcaloïdes extraits de Rauwolfia serpentina, dont la réserpine, commercialisée chez nous sous le nom de Serpasil pour le traitement de l'hypertension).
On semble aussi avoir oublié que cette interférence favorise la libération, par la glande hypophyse antérieure, de l'hormone prolactine, souvent associée avec une libération accrue de l'hormone de croissance (et ces effets hormonaux, mais aussi les effets psychotropes, sont contrecarrés par d'autres alcaloïdes spécifiques de ces récepteurs, comme ceux extraits de l'ergot). La libération des hormones stimulant les glandes sexuelles est par contre diminuée dans ces circonstances.
Plus d'hormone de croissance et de prolactine d'une part, moins de gonadostimulines d'autre part, sont des conditions favorisant la prise de poids et, à plus ou moins long terme, accroissent les risques de diabète et, par conséquent, les risques de complications cardiovasculaires.

Il est très vraisemblable que l'administration de neuroleptiques entraîne des modifications de l'équilibre des activités neuronales dans de nombreux circuits hypothalamiques dont dépendent, en fin de compte, les multiples fonctions hypophysaires: libération de prolactine, d'hormone de croissance, des hormones stimulant les glandes sexuelles, la corticotropine, etc., mais aussi la régulation de l'appétit et, par l'intermédiaire de la neurohypophyse, le contrôle de la soif et de l'équilibre hydrominéral. C'est ce qu'on savait déjà il y a quelque 30 ans. Ayant depuis longtemps cessé de me tenir personnellement au courant des acquisitions dans ce domaine particulier, je n'y suis plus compétent et ne désire pas m'y aventurer mais je suis sûr que de nombreux progrès doivent y avoir été faits. Il serait surprenant que, posant la question précise à des chercheurs neuroendocrinologues, ils ne soient pas capables d'y fournir une réponse claire.

Que faire en cas de prise de poids importante? Sans doute, avant toute autre chose, surveiller et adapter son régime alimentaire. Il faut peser les inconvénients et les avantages de la médication neuroleptique. Ce sont les effets de cette dernière sur les manifestations de la psychose qui doivent primer sur tout le reste: si le neuroleptique utilisé atténue bien les signes et symptômes de l'affection mentale, on hésitera certainement avant d'en changer pour passer à un nouveau médicament, car rien ne permet jamais de prédire si ce dernier sera plus ou moins efficace que l'ancien, ni s'il s'avèrera avoir moins d'effets secondaires. "Jouer" avec les neuroleptiques sans y être absolument obligé ne peut jamais être assez déconseillé. Si, par contre, en plus de l'effet d'accroissement pondéral, le neuroleptique n'a qu'une action médiocre sur la psychose, alors il peut être justifié d'essayer d'en changer. Il faut toutefois savoir qu'on s'engage ainsi, à nouveau, sur un chemin dont on ne peut prédire le parcours.


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