Chap. III
Note 8

Cours de la maladie

L'évolution des cas de schizophrénie(s) est individuellement impossible à prédire. Selon une affirmation de Nancy Andreasen, la schizophrénie n'implique aucunement la persistance d'un "processus morbide" et n'évolue habituellement pas vers la démence (comme ce serait le cas, par exemple, dans la maladie d'Alzheimer). La psychiatre U.S. nous dit: "...après un début fulminant qui peut toutefois durer plusieurs années, le degré de détérioration se stabilise, après quoi on peut même assister à une certaine amélioration des fonctions cognitives" (Understanding the causes of schizophrenia. NEJM 1999, 340/8, 645-647).
Mais c'est cette même psychiatre qui nous dit aussi: "Des altérations du cerveau de patients schizophrènes surviennent pendant les premières années qui suivent le diagnostic, alors même qu'un traitement antipsychotique est en cours." (Arch.Gen.Psychiatry 2003, 60, 585-594)
Et en juin 2003, Mme Nancy Andreasen déclarait à une journaliste belge qui l'interviewait (La Libre Belgique, 10 juin 2003) qu'il fallait traiter précocement les enfants présentant des "signes négatifs", pour éviter que leur cerveau ne soit endommagé.
Comment comprendre ces apparentes contradictions à quatre ans d'intervalle, et dont Mme Andreasen ne nous donne pas l'explication?

En réalité, les manifestations de la schizophrénie ne résultent très vraisemblablement pas de l'existence, dans le cerveau, d'un "agent pathogène" à la manière d'un microbe ou d'un virus. Il ne s'agit pas non plus d'anomalies enzymatiques entraînant, dans les neurones, l'accumulation de protéines "indigestes" qui finissent par étouffer leurs hôtes, comme c'est le cas dans la maladie d'Alzheimer. On ne peut donc, en effet, pas parler d'un "processus morbide" à la manière d'une maladie infectieuse ou dégénérative qui continuerait ses ravages à bas bruit.

Bien plus probablement, certaines protéines indispensables à l'une ou l'autre étape du développement cérébral sont, au cours de ce développement pendant la vie in utero, synthétisées de manière défectueuse. Il en résulte, au cours de la multiplication initiale des neurones, pendant leurs migrations pour atteindre leurs emplacements définitifs et établir leurs relations topographiques, des erreurs: de mise en place sur leur emplacements finaux, dans leurs "choix" (par "tâtonnements") de leurs interconnexions lors de leurs bourgeonnements, etc. Les neurobiologistes savent depuis longtemps que les neurones qui "se trompent d'emplacement" et ne reçoivent pas les bonnes connexions (les connexions "normalement prévues") ne fonctionnent pas normalement. On sait aussi qu'ils finissent par dégénérer et par disparaître (dégénérescences "transsynaptiques antérogrades et rétrogrades"), parfois après des temps "d'agonie" fort longs. (Contrairement à ce que croient certains psys qui, pour la première fois entendent parler de plasticité "cérébrale" ou de "plasticité synaptique" et croient la découvrir aujourd'hui, cette "plasticité" est très limitée, elle n'est pas ce qu'ils imaginent et ne peut être que très peu influencée par les "thérapies par la parole")

Les manifestations visibles de la maladie n'apparaîtront donc qu'avec une certaine latence: quand un nombre assez grand de neurones auront disparu ou seront devenus totalement non fonctionnels. Vu "de l'extérieur", si on peut s'exprimer ainsi, ce décalage dans le temps entre le dysfonctionnement neuronal et l'apparition des "symptômes" donnerait à coup sûr l'impression que la maladie pourrait avoir été déclenchée par n'importe quel événement fortuit contemporain des premiers signes ou "symptômes" constatés.

De là les explications par des "facteurs déclenchants", ces facteurs qu'on finit toujours par trouver puisqu'on les cherche rétrospectivement et qu'on est persuadé a priori de leur existence. Mais, le plus souvent, ils ne sont qu'imaginaires, inventés: ce sont des explications "post hoc, propter hoc", servant à satisfaire superficiellement le besoin d'explication.


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