VII. Comment se comporter avec le malade et sa maladie 9

La plupart des milieux psychiatriques actuels de chez nous cultivent l'opinion selon laquelle il faut, autant que possible, limiter la fréquence et la durée 7 des séjours des malades schizophrènes en institution psychiatrique.

Par conséquent, ce sont les membres de la famille et l'entourage qui, commis d'office "soignants psychiatriques à domicile" et vivant , en principe en permanence avec leur malade, doivent veiller à la prise régulière des médicaments, assurer l'encadrement des "soins" (?), aménager l'environnement du malade et le leur de manière que la vie de tous reste supportable.

On prétend et on veut faire croire que cette politique de "soins ambulatoires" (?) conduirait à une diminution des rechutes de la maladie et à une réduction du nombre et de la durée des hospitalisations. Cependant, les membres des familles ne seront capables de s'acquitter correctement de ces tâches de soignants, nouvelles pour eux, que s'ils comprennent parfaitement la nature de la maladie. Il faut donc la leur expliquer clairement et les mettre au courant de l'état de leur malade et de ce qu'il implique.

Cela suppose de leur donner de nombreuses explications demandant beaucoup de temps pour être correctement transmises et pour qu'on puisse s'assurer qu'elles ont été utilement assimilées, même si elles sont globalement assez simples (n'oublions pourtant pas que certains "enseignants" affectent d'y consacrer plusieurs dizaines d'heures de cours à l'intention de soignants professionnels pourtant présumés déjà "avertis"!)

Nous nous doutons bien que, même avec la meilleure bonne volonté du monde, aucun psychiatre, serait-il aussi bon pédagogue qu'on puisse le souhaiter, ne pourrait consacrer autant de temps de sa consultation privée à instruire chacune des familles de sa patientèle et à vérifier qu'elles auraient assimilé cette information de manière à s'en servir au mieux pour le cas particulier de leur malade "personnel". Ne vous étonnez donc pas si vous avez parfois l'impression que votre psychiatre vous laisse dans une certaine ignorance.

La présente brochure a justement été rédigée pour aider les proches de malades schizophrènes. En leur fournissant quelques explications simples mais essentielles sur "la" maladie, elle devrait les aider à la dominer et à s'organiser au mieux autour du malade. Ces quelques pages devraient aussi épargner au(x) psychiatre(s) le temps qu'il(s) aurai(en)t du mal à consacrer aux familles pour leur donner lui-même (eux-mêmes) toutes les informations pourtant jugées indispensables. On peut espérer que, ainsi informées, les familles pourront d'autant plus facilement convaincre le(s) psychiatre(s) de leur rôle essentiel de partenaires soignants à part entière et pleinement responsables.

Pour pouvoir tenir ce rôle capital correctement, les familles peuvent et même doivent partager le secret médical (et, bien sûr, le respecter), et ne rien ignorer de l'état de leur malade. Si le psychiatre traitant prétexte d'une "déontologie" (en réalité pervertie) pour soi-disant "préserver une relation privilégiée de confiance et de confidentialité établie avec son patient grâce au secret médical", s'il refuse dès lors de recevoir les membres de la famille et de les informer sur la nature de la maladie, de les tenir au courant de l'état de leur proche, c'est alors le moment de lui rappeler que le "secret médical" doit toujours s'appliquer en faveur du malade (servir ses intérêts) et certainement pas à son détriment. Or il est évident que l'ignorance de la famille ne peut qu'empêcher cette dernière de tenir utilement son rôle de soignants; cette ignorance est très préjudiciable à la qualité de l'accompagnement et de l'encadrement dont le malade doit bénéficier. Toute personne modérément sensée devrait d'ailleurs se rendre compte de l'absurdité que constituerait le refus de donner à la famille toutes les explications nécessaires lui permettant de soigner et d'encadrer au mieux son malade, surtout si c'est précisément sur elle que le psychiatre compte effectivement pour, tout à la fois efficacement et humainement tenir ce rôle de soignants.

L'affection peut néanmoins rendre souvent le malade soupçonneux, voire hargneux envers les membres de sa famille dont il peut mal interpréter les propos et les actions, si bien qu'il peut s'avérer difficile pour le psychiatre traitant de toujours et systématiquement les recevoir simultanément (pareilles "consultations" communes devraient néanmoins être organisées de temps en temps et de commun accord, afin que le psychiatre puisse se rendre compte, par lui-même, des attitudes et de l'état des relations du malade avec les membres de sa famille).

Dans pareils cas, ce devrait être au psychiatre traitant de rencontrer la famille régulièrement, quoique cette fois en dehors de la présence du malade, afin de mettre les parents au courant de son opinion sur l'évolution de l'affection de leur malade, et pour les conseiller sur la meilleure manière de se comporter avec lui. Ce devrait aussi être un des rôles du psychiatre traitant d'avertir les membres de la famille de ne faire, auprès du malade, état de ces conversations séparées qu'avec la plus grande circonspection, pour ne pas encourager les éventuelles tendances paranoïdes et ne pas nourrir les délires et les "humeurs" du patient.

Il n'est nullement question ici de "trahir la relation privilégiée de confiance" que le psychiatre veut établir avec son patient. Il s'agit plus précisément de justifier pour mieux l'expliquer, auprès des soignants de fait que sont les parents (qui, rappelons-le, doivent partager le "secret médical"), le comportement qu'ils devraient adopter avec leur malade.

Si ceci n'est pas compris, que ce soit aussi bien des familles que des "professionnels", les malentendus ne pourront que s'accumuler entre eux, mais ce sera malheureusement le malade qui en pâtira: soit il perdra confiance en son "psy", soit il perdra confiance en ses proches, et de toutes façons y trouvera des prétextes pour ne pas les écouter ni l'un ni les autres et pour abandonner sa médication, ce que d'ailleurs une majorité des malades de schizophrénie ont déjà spontanément tendance à faire sans qu'on les y encourage.

En principe, le patient devrait, lui aussi, connaître le diagnostic; il a droit à l'explication du diagnostic et des symptômes dont éventuellement il se plaint 8 . On ne peut pas se contenter de lui dire: "c'est la schizophrénie", et le laisser ensuite se débrouiller pour recevoir de n'importe qui, n'importe comment, Dieu sait quelle information plus ou moins fantaisiste sur le sujet.
Certains psychiatres pensent que si le malade "comprend" sa maladie, cela peut l'aider à dissiper ses terreurs et son angoisse, et ainsi lui permettre de mieux affronter ses symptômes.


SUITE du Chapitre VII: trouver de l'aide en cas de crise

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