"Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
et les mots pour le dire, arrivent aisément.
"
Boileau: Art poétique.

"Dans le domaine humain, toute science qui ne se remet pas en question et s'arrête où elle est arrivée se condamne au nominalisme et à la stagnation."
Alain Bottéro: "Un autre regard sur la schizophrénie", p. 203
Odile Jacob. Paris 2008. ISBN 978-2-7381-1997-1

  MISE EN GARDE au lecteur

Les informations fournies et les opinions exprimées sur ce site sont le résultat et l'expression de l'expérience personnelle du rédacteur (Prof. Dr. Jean Desclin, professeur honoraire de la Faculté de Médecine de l'Université Libre de Bruxelles - U.L.B. et père de malade). J'en assume personnellement et nommément l'entière responsabilité.

Dès l'origine, ces informations et réflexions ont été principalement destinées, plutôt qu'aux malades psychotiques chroniques eux-mêmes, à tous ceux qu'on devrait appeler les "usagers collatéraux" ou "clients par procuration" de la psychiatrie: aux parents, proches et amis de malades, et aux profanes susceptibles de s'intéresser aux malades parce qu'ils les rencontrent et les côtoient régulièrement. Bref, je voulais m'adresser à tous ceux qui ont un impérieux besoin de ces informations et explications - et qui y ont droit. Une majorité de professionnels de la psychiatrie ne me semblent pourtant pas particulièrement soucieux de leur fournir ces renseignements sous une forme à la fois objective et qui soit accessible et utile au grand public (cette carence n'est pas seulement l'affirmation de mon constat personnel. Sans même parler du courrier électronique que je reçois qui me confirme dans mes observations, elle se déduit également, directement ou indirectement, de ce qui se dit - et de ce qu'on n'ose dire! - dans diverses associations de familles de malades et au sein d'organisations d'entraide, et de ce qui s'écrit sur la toile d'Internet ou dans les bulletins périodiques d'informations de ces organisations. Chacun peut aussi constater les conséquences de cette carence sur ce que, dans leur grande majorité, les journalistes de la grande presse, quotidienne et hebdomadaire, écrivent habituellement à propos de la "santé mentale").

Si j'avais voulu user de la toile d'Internet, (sur ce média impersonnel et malgré tout un peu moins "convivial" qu'on ne le dit), pour tenter de plus ou moins communiquer avec chaque patient pour lui adresser individuellement, en des termes qui lui soient compréhensibles et acceptables, un discours d'information à la fois explicatif, nuancé et correspondant étroitement à son propre cas et à ses capacités personnelles de compréhension, j'aurais entrepris une tâche manifestement impossible (et, quoique médecin mais me défendant vivement d'être psychologue ou psychiatre, je ne saurais même songer à la revendiquer!)

Anonymement et à distance, par messagerie électronique interposée, on se prive de l'indispensable et réciproque contact humain immédiat. A défaut de pareil contact essentiel mais possible uniquement en tête-à-tête, à défaut des échanges que seul ce contact permettrait, prétendre informer en ne se contentant que de vagues généralités, souvent et surtout imaginaires censées s'appliquer à tous indifféremment, de toute évidence n'aurait pu être qu'un leurre dépourvu de la moindre utilité; ce n'aurait été, en dernière analyse, qu'une sorte de "bruit blanc" à la limite de la désinformation pure et simple. L'éventualité de pareille démarche, illusoire voire trompeuse, n'a jamais effleuré l'esprit du rédacteur de ce site.

Les articles et dossiers présentés sur le site mens-sana.be n'ont donc pour vocation première que d'informer et d'expliquer aux profanes (et d'abord aux francophones de Belgique, puisque c'est ma langue et que c'est mon pays que je connais le mieux), le plus clairement et le plus simplement possible, dans un vocabulaire profane commun et accessible au plus grand nombre (exempt de tout jargon), un minimum de ce qu'on sait (et aussi des limites auxquelles ce savoir s'arrête) des affections mentales chroniques, donc d'en faire comprendre les multiples conséquences et par là d'aider effectivement un peu, hic et nunc, ceux qui, quotidiennement, à longueur d'années et depuis longtemps, s'efforcent de vivre avec leur(s) malade(s) et tentent de rendre à ceux-ci comme à eux-mêmes la vie plus supportable.

Bien plus que par les professionnels de la psychiatrie, la nécessaire tâche de vulgarisation sur la toile électronique, à propos des schizophrénies, n'est tentée avec quelque constance que par les associations d'entraide des familles de malades. Mais, malgré l'éventuelle importance du nombre de leurs adhérents, elles sont souvent désavantagées face aux "professionnels". En effet, on compte habituellement peu de médecins et de biologistes de métier dans leurs rangs. Leurs membres sont donc mal armés pour poser aux professionnels "psys" les bonnes questions et pour en discuter, à armes égales avec les "experts" de ce domaine, les réponses au sens bien trop souvent quelque peu hermétique qu'ils donnent aux profanes. Souvent aussi, j'ai remarqué que de nombreux parents semblent craindre que leurs questions ne soient mal perçues des soignants et n'entraînent, chez ces soignants, des réactions "négatives" envers les enfants dont ils s'occupent. Quoique totalement fausse, cette croyance de la "prise en otage des patients" par leurs "psys" est néanmoins fort répandue parmi les parents, et elle accentue encore leur timidité vis-à-vis des professionnels dont ils respectent aveuglément et sans aucun questionnement l'autorité liée à leur "savoir" supposé. On peut y voir, là aussi, la conséquence d'une communication inadéquate que ses responsables ne songent sans doute pas assez à étoffer ni à corriger...

Le site mens-sana.be a été créé pour tenter de suppléer à la médiocrité de l'information fiable sur les schizophrénies qui règne sur Internet (francophone). Toutefois, le contenu de ce site déplaît suffisamment à certains professionnels psy pour qu'un site français de "Banque de Données de Santé" refuse de le référencer sur la toile. Voici la justification avancée pour ce refus:

"Les propos tenus sur le site Mens Sana sont trop affirmés, manichéens, voire dangereux.
Le ton à l'égard des professionnels a été jugé méprisant et leur savoir est mis en cause.
Quant à la description de la schizophrénie, elle est apparue très simpliste, voire inexacte.
Enfin, la bibliographie n'est pas actualisée et alimente la polémique sans proposer de contextualisation ni de mise en perspective.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons en l'état référencer le site Mens Sana."

De "l'ensemble de ces raisons", ne retenons surtout que la plus révélatrice: le savoir des professionnels serait, paraît-il, mis en cause. Aucun savoir n'est définitif. Je crains fort que tout "savoir" qu'on [s'] interdit de remettre en cause - surtout aux autres mais, le croirait-on, aussi à soi-même! -, ne mérite dès lors plus le nom de savoir, et que ceux qui s'en réservent jalousement le monopole le transforment inévitablement en une idéologie, voire en un dogme immuable et intangible dont ils s'érigent en seuls détenteurs autorisés. Libre à eux d'imaginer que ceux qui ont, du "savoir", des méthodes mises en oeuvre pour l'acquérir, et de sa diffusion, une autre conception qu'eux, adopteraient envers eux un ton "méprisant". Ils se trompent lourdement: ce sont les valeurs et les méthodes des uns et des autres qui sont incompatibles entre elles. Accessoirement, quel est donc ce danger que nous ferions planer par nos propos, et qui donc aurait-il de bonnes raisons de s'en croire menacé?

Nous ne prétendons pas à l'omniscience ni à l'infaillibilité. En définitive, c'est aux surfeurs sur Internet, consommateurs de psychiatrie, qu'il appartient de se faire une opinion. Ils sont maintenant prévenus et peuvent comparer ce qu'on dit sur Mens Sana et ce qu'on dit ailleurs. A eux de juger.

J.D., aout 2006


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