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LES INCOHÉRENCES INVITENT TOUJOURS AU SCEPTICISME,
SOUVENT A LA MÉFIANCE,
PARFOIS AU DÉCOURAGEMENT ET AU REJET.

"S'il est un domaine où le délire thérapeutique peut s'exprimer sans frein et sans aucune possibilité de contrôle, c'est bien celui de la psychiatrie."
Jean-Marie Abgrall: Les Charlatans de la Santé, p.161.
Collection Documents Payot. Payot et Rivages, Paris 1998. ISBN 2-228-89194-0

Que ce soit dans la presse écrite ou d'autres médias, ou encore sur la toile d'Internet, que ce soit simultanément ou successivement, aux mêmes sources ou bien provenant de sources en apparence distinctes, on peut trouver, à propos de la psychiatrie, des maladies mentales chroniques, des médicaments et des traitements censés les soigner, les affirmations les plus diverses et les plus contradictoires.
Quand on se donne la peine de rassembler ces multiples "annonces" et "informations", il se dégage de leur ensemble une telle impression d'incohérence, d'à-peu-près et d'imaginaire (c'est-à dire de fantaisiste, le "tout et n'importe quoi") qu'on ne peut manquer de s'interroger: leurs auteurs sont-ils eux-mêmes bien informés? Comment se fait-il que, sur un même sujet traité depuis longtemps et internationalement, ils se contredisent à tel point? Certains d'entre eux, sous prétexte de "positiver", nous gaveraient-ils de pieux mensonges? Parmi eux, qui dit peut-être vrai? Qui, sans doute, nous ment-il? Que comprendre, retenir ou rejeter de cette cacophonie?

Ainsi, la République tchèque avait organisé, le 28 février 2007, une Journée nationale de sensibilisation à la schizophrénie. A cette occasion, la radio de Prague nous transmettait les avis d'un professeur de psychiatrie Praguois. On pouvait ainsi apprendre qu'on estime à 14% la proportion des malades schizophrènes asymptomatiques (c.à.d. en rémission apparente) après cinq ans de traitement ininterrompu (donc 86% des malades, peut-être "améliorés", conserveraient malgré tout des "symptômes"). Mais on précisait néanmoins que "la schizophrénie est une maladie incurable", ce dont, en toute logique, nous ne pourrions que déduire que, sous peine de risquer des "rechutes", les traitements doivent être poursuivis la vie durant.

Contrastant avec ce qui vient d'être dit ci-dessus, on pouvait lire dans la presse tunisienne du 20 février dernier, à l'occasion de l'anniversaire d'une association de malades, parents, amis de malades, médecins, etc., etc. ("Chems"), qu'un professeur tunisien de psychiatrie avait déclaré de la schizophrénie: "20% de ceux atteints de cette maladie en guérissent. [...] ... l'évolution vers une guérison totale peut être obtenue au terme d'un suivi de cinq ans."
Il semblerait donc que, peut-être en fonction du climat plus ou moins méditerranéen et ensoleillé, on soit plus ou moins totalement ou non "guérissable" de sa schizophrénie, ou, au contraire, on devrait conclure que les mots utilisés par les "professionnels" n'auraient pas la même signification suivant la latitude ou , plus vraisemblablement, selon le public auquel ils s'adressent.

Il suffit d'écrémer les innombrables sites web traitant des affections mentales, comme aussi de parcourir l'abondante littérature francophone "grand public" sur ces sujets, pour récolter un grand nombre de pareilles et autres contradictions de toutes sortes, dont on ne parvient qu'à grand-peine à démêler le vrai du faux à moins d'avoir une formation tout à la fois médicale, de biologiste et de neuroscientifique, et aussi une certaine expérience personnelle (vécue, non livresque) de la maladie.

De même, comment certaines firmes pharmaceutiques, pourtant en principe et habituellement soucieuses de leur image, de leur réputation de sérieux, tenant à préserver leur crédibilité, peuvent-elles, pour les médicaments qu'elles mettent au point et fabriquent, par exemple à l'intention des malades psychotiques chroniques, se laisser aller à diffuser des annonces publicitaires et commerciales comportant des affirmations qui se contredisent d'une ligne à la suivante et qui démontrent à l'évidence que les enthousiastes employés de relations publiques et publicitaires qu'elles paient pour les rédiger sont totalement ignorants de ce dont ils parlent et n'ont pas non plus l'air d'y comprendre eux-mêmes grand-chose? La vente d'orviétan serait-elle donc ressuscitée, l'antériorité sur les concurrents d'une prétendue découverte et les bénéfices faciles qu'on en escompte prendraient-ils toujours le pas sur le soin réel et le respect dûs aux malades?
Ces firmes-là ne se rendent-elles pas compte qu'elles apportent ainsi, très inconsidérément et fort nocivement, de l'eau au moulin de ceux qui, habituels obsédés du complot, accusent toutes les firmes pharmaceutiques sans distinction de profiter des maladies mentales, voire de les entretenir, sinon même de peut-être parfois les provoquer, pour faire de plantureux bénéfices grâce aux médecins qu'elles presseraient (et "forceraient"?) de prescrire abusivement leurs médicaments?

Ainsi, le "Site Officiel de la Chambre de Commerce France Israël" (CCFI), en date du 15 février 2007, donne l'exemple: on y affirme, à l'actif d'une firme pharmaceutique israélienne que j'éviterai de nommer, qu'elle aurait mis au point un "médicament israélien" (sic) contre la schizophrénie, médicament qui aurait "réussi" la première phase de ses essais cliniques. On nous annonce triomphalement qu'essayé sur "26 patients" en bonne santé, le nouveau médicament "était sans risque majeur pour les utilisateurs et qu'il présentait beaucoup moins d'effets secondaires que les traitements déjà existants."
Toutefois, comme il paraît que "les tests ont été réalisés sur des personnes en bonne santé", "ils ne permettent pas de dire si ce médicament est véritablement efficace." (sic). Mais il paraitrait néanmoins que "les tests ont montré une réduction de la dopamine dans le cerveau." (sic).
On sait pourtant que, chez des personnes en bonne santé, réduire sigificativement leur taux cérébral de dopamine reviendrait en effet à les rendre parkinsoniens, et on sait aussi que les "traitements déjà existants" qui interfèrent avec la dopamine ne réduisent en réalité pas le taux de dopamine cérébral, mais empêchent ce médiateur d'interagir avec les membranes postsynaptiques des neurones qui y sont sensibles (cf. la Question 15), ce qui peut, selon les doses administrées, entraîner un syndrome parkinsonien. A l'heure actuelle, aucun médicament neuroleptique, a fortiori s'il est administré à des "personnes en bonne santé", ne peut être dépourvu "d'effets secondaires", car tous ces médicaments tentent, dans certains territoires cérébraux, de rétablir à la normale les effets d'un taux local peut-être perturbé de médiateur synaptique (compenser un déséquilbre existant chez les malades). Si, par contre, on les prescrit à des personnes en bonne santé (ne présentant pas de déséquilibre de leurs médiateurs synaptiques), on va au contraire créer artificiellement un déséquilibre de "signe opposé" à celui de l'affection qu'on veut traiter. Pour comprendre, par analogie, de quoi il retourne: Pourrait-on donc se permettre d'injecter, par exemple à des personnes non diabétiques, des doses "thérapeutiques" d'insuline pour "voir" si cela ne provoquerait pas des effets secondaires? Et ne devrait-on pas aussi se demander à qui viendrait l'idée, sous prétexte d'en tester l'inocuité (mais pas l'efficacité thérapeutique!), d'administrer un neuroleptique à doses thérapeutiques à des personnes "en bonne santé"? Sans parler de la dimension bien trop réduite de l'échantillon des cobayes humains soumis pendant un temps non précisé à pareils "essais" sans signification utile; sans précision non plus permettant de savoir à quelle(s) revue(s) scientifiques sérieuse(s) les études biochimiques, biologiques et pharmacologiques fondamentales préalables et indispensables sur la nouvelle molécule auraient été soumises, acceptées d'elles puis publiées, étape obligatoire requise pour éventuellement obtenir l'autorisation de passer aux essais cliniques sur l'Homme...

On devrait se douter que ce n'est pas ainsi que naît un nouveau médicament, ce n'est pas ainsi qu'on l'essaye, ce n'est pas ainsi qu'on devrait en faire miroiter les avantages encore tout hypothétiques à des usagers potentiels souvent désespérés, qui sont prêts à croire tout ce qu'on leur promet, même si ce ne sont que des mirages. Et les agences de presse, tout en se méfiant des "scoops" qui n'en sont sans doute pas, devraient faire preuve d'assez d'esprit critique pour ne pas se faire les complices - sinon volontaires, du moins complaisants - de pareils procédés purement publicitaires.
[en réalité, si on se renseigne à une source un peu plus fiable et plus responsable (?)(voyez biolinerx.com), on apprend que le nombre de cobayes humains volontaires était de 48, et que des doses croissantes du médicament ont été testées sur 6 groupes de 8 de ces bien-portants (2 personnes par groupe recevant un placebo) pour tenter de définir jusqu'où on pouvait se permettre d'augmenter le médicament prospectif sans signes d'intolérance. On nous dit aussi que l'activité antidopaminergique a été évaluée, très indirectement, d'après le taux de prolactine sanguin, ce qui, bien qu'on ne nous le dise pas, est justement un de ces "effets secondaires" que le nouveau médicament partagerait (entre autres?) avec les "médicaments déjà existants". Tout cela ne permet évidemment pas de dire si la substance testée montrera une efficacité significative chez les personnes malades, ni au bout de combien de temps cet effet bénéfique supposé se manifestera, et si d'autres "effets secondaires" n'apparaîtront pas lors d'un usage nécessairement prolongé. Ne peut-on donc pas attendre pour être sûr de ce qu'on présente comme une promesse, depuis quand annonce-t-on les miracles avant qu'ils aient eu lieu?].


Première publication: 12 Mars 2007 (J.D.) Dernière modification: 26 Mars 2007

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