Mis en ligne le 4 Mai 2002 sous l'intitulé Schizophrénie: affection de jeunes? en réaction à l'article |
paru le 16 avril 2002 dans La Dernière Heure |
"Faits divers:
Wezembeek drame de la schizophrénie!" signé Gil |
16. "...une dame de 84 ans a laissé mourir son mari de faim et a encore vécu deux mois avec son cadavre que rongeaient les rats: selon les psys, cette dame souffrait plus que probablement de schizophrénie, une psychose caractérisée par la perte de contact avec le monde extérieur. [...] Evelyne aurait développé une double personnalité..."
C'est ainsi que le journaliste signant Gil relate un sordide fait divers
survenu dans la périphérie de l'agglomération bruxelloise.
Il nous donne un exemple supplémentaire de journaliste très
au fait des réalités de la "santé mentale"
(moins d'un an après 2001, pourtant année de la santé
mentale) et qui, de plus, s'informe sûrement auprès des
bons psys! Il paraitrait que cette pauvre malade était
en outre "soignée, coquette et encore
très vive d'esprit pour son âge."
Double personnalité, schizophrénie caractérisée
par la perte de contact avec le monde extérieur, soignée de
sa personne et vive d'esprit pour son âge de 84 ans... Si, si! Tout
ça en fait une schizophrène, plus
que probablement! Le journaliste ne devrait-il pas nous donner
- confidentiellement, bien sûr - l'adresse de son (ses) psy(s) consulté(s)?
(c'étaient de grands experts, plus que probablement).
Mis en ligne le 3 juillet 2002 sous l'intitulé Infirmière battues? en réaction à l'article |
paru le 19 juin 2002 dans La Libre Belgique |
"Des médecins
dans les pattes" Chronique - sur le zinc |
17. "[...] des médecins fréquentent aussi les sectes, [...], interdiction [aux médecins] de battre les infirmières, [...] De toute façon, pourquoi s'inquiéter? Les médecins pratiquent de longue date la psychologie. On apprend en faculté aux généralistes à poser quelques questions sur l'enfance et les problèmes familiaux. Et l'accès aux livres est permis par l'Ordre. [...]", etc., etc.
C'est ainsi que, se voulant sans doute spirituel autant que rassurant, un
psycho-sociologue (P-Y. T.) tente de tourner en dérision les décisions
ministérielles de règlementation de la profession de psychothérapeute
et s'apitoie faussement sur les médecins.
A lire cette succession d'erreurs, d'à-peu-près et de non
sequitur, on serait plutôt inquiet quant à l'accès
de la "psycho-sociologie" à de saines lectures, et peut-être
dubitatif quant à leur connaissance pratique du sujet de certains "psycho-sociologues"...
(Admirons aussi notre presse quotidienne belge pour ses remarquables choix
de textes à insérer.)
18.
"Quand mon cerveau excite dans mon âme la
sensation d'un arbre ou d'une maison, je prononce hardiment qu'il existe réellement
hors de moi un arbre ou une maison, dont je connais même le lieu, la
grandeur ou d'autres propriétés. Aussi ne trouve-t-on ni homme
ni bête qui doutent de cette vérité. Si un paysan en voulait
douter; s'il disait, par exemple, qu'il ne croyait pas que son bailli existe,
quoiqu'il fût devant lui, on le prendrait pour un fou, et cela avec
raison: mais dès qu'un philosophe avance de tels sentiments, il veut
qu'on admire son esprit et ses lumières, qui surpassent infiniment
celles du peuple."
Leonhard Euler (1761), in A. Sokal & J. Bricmont,
Impostures Intellectuelles, Editions Odile Jacob, Paris 1997.
Mis en ligne le 19 juillet 2002 sous l'intitulé ... maladies réelles? en réaction à l'article |
paru le 11 juillet 2002 dans Libération (France) |
Entretien avec Ian Hacking par Natalie Levisalles |
"Je réfléchis toujours à
partir d'exemples.
[...] je m'intéresse aux maladies mentales
comme exemples. Dans l'Ame réécrite, je demandais:"Les
psychiatres ont défini et peut-être fabriqué les symptômes
de certaines maladies mentales, mais n'existe-t-il pas de maladies réelles?"
[...] Pour moi, il y a des maladies biologiques comme la schizophrénie
et le trouble bipolaire, et d'autres qui n'ont pas de causes biologiques connues.
[...] Ce qui est nouveau, c'est que les médecins trouvent facile de
diagnostiquer la dépression parce qu'il y a quelque chose à
faire: ils peuvent prescrire du Prozac.
[...] On peut trouver épouvantable qu'une société fabrique
des médicaments pour contrôler les troubles mentaux. Mais c'est
un fait, hélas!"
Ces remarquables affirmations et [profondes] considérations sont extraites
d'un entretien de la journaliste avec le philosophe
et écrivain canadien Ian Hacking, professeur au Collège de France,
présenté comme un "expert en maladies mentales transitoires"
(sic) dans Libération du 11 juillet 2002.
Les affirmations sont remarquables pour deux raisons: primo, elles sont exprimées
en des termes imprécis ou ambigus, ce qui, de la part d'un "philosophe
du langage", ne devrait étonner que les naïfs; secundo, leur
inexactitude transparaît malgré leur ambiguïté.
C'est ainsi que l'interviewé affirme réfléchir à
partir d'exemples, ici les "maladies mentales". C'est une erreur
flagrante. Quoiqu'en dise ce philosophe, ce ne sont pas les "maladies
mentales" elles-mêmes qui sont le sujet de sa "réflexion",
ce ne sont que les discours des autres à leur propos, ce qui, on s'en
doute, n'est pas exactement la même chose: bel exemple de confusion
entre savoir et ouï-dire.
Les aveugles de naissance ne pourront jamais comprendre la lumière.
Ils le savent. C'est pourquoi, fort sagement, ils n'en dissertent pas, ils
ne discutent jamais non plus des mérites respectifs des différentes
descriptions et explications que les physiciens bien voyants en donnent. Manifestement,
certains philosophes n'ont ni cette prudence, ni cette sagesse: pour eux,
l'imagination peut, à elle seule, tenir lieu de réalité,
la "réalité vraie" n'étant pas accessible à
nos sens imparfaits peut dès lors être réinventée
au gré des récits et des romans des autres qui s'ajoutent à
leurs propres fantasmes: poésie au second degré, musique et
harmonie des sphères.
Non, les psychiatres n'ont pas défini ni peut-être fabriqué les symptômes de certaines maladies mentales. Au contraire, ils ont défini et fabriqué des affections mentales par le regroupement arbitraire et plus ou moins aléatoire de signes et de symptômes observés et constatés: ceux dont les malades, êtres biologiques bien vivants et concrets, se plaignent ainsi que ceux qui les entourent!
A en croire le professeur canadien de philosophie, il y aurait d'une part
de "réelles" maladies, d'autre part certaines maladies mentales
[donc pas réelles, celles-là?] C'est faux et ce n'est
pas seulement, comme le prétend le philosophe, une question philosophique
"plus traditionnelle". C'est, plus exactement, à la fois
vrai et faux, ce qui permet à tous "disputeurs" de tous bords
de n'avoir jamais tort parce que la question est, délibérément,
mal posée.
Il est vrai que les maladies mentales sont des concepts humains,
résultant de classifications dont la réalité n'existe
que dans l'esprit de ceux qui les ont élaborées (comme c'est
le cas de toutes les classifications).
Mais les malades mentaux, eux, ne sont ni faux ni imaginaires, ce sont des
êtres biologiques vivants, non des concepts, non inventés mais
bien présents, matériels et tangibles, et nous n'avons aucune
raison de mettre en doute la réalité des signes et symptômes
morbides dont ils sont affligés!
Le philosophe nous dit encore: "Pour moi,
il y a des maladies biologiques comme la schizophrénie et le trouble
bipolaire, et d'autres qui n'ont pas de causes biologiques connues".
Admirons donc la manière élégante dont ces choses-là
sont dites! N'aurait-il pas été plus correct (et plus honnête?)
de dire:"... d'autres maladies mentales aussi ont des causes biologiques,
bien qu'elles ne nous soient pas encore connues?"
Cependant, remarquons que les causes biologiques de la schizophrénie,
comme celles des troubles bipolaires d'ailleurs, ne nous sont pas réellement
connues non plus. Le philosophe ne le saurait-il pas? Alors, sur quoi se base-t-il
pour établir la distinction qu'il fait? Le consensus scientifique forcerait-il
certains à finalement admettre, quoique à contrecoeur, la réalité
des origines biologiques de "certaines" psychoses, mais manqueraient-ils
à ce point de cohérence qu'ils ne puissent totalement renoncer
au mythe cartésien de l'esprit désincarné? Se pourrait-il
qu'ils veuillent ainsi préserver, comme une balise rassurante parce
qu'ancienne et bien-pensante, le dogme impossible et absurde du trouble purement
fonctionnel dénué de support biologique et matériel?
Il est aussi totalement faux de prétendre que la dépression serait facile à diagnostiquer. A nouveau, seuls ceux qui ne savent pas ce dont ils parlent mais s'imaginent le savoir tiennent pareils propos. Les philosophes sont-ils (souvent, parfois, ou) jamais confrontés eux-mêmes à des cas de dépression majeure ou de troubles bipolaires parmi leurs parents et proches? Surtout, nous ne souhaitons cela à personne, même pas aux proches de philosophes, et pas même si cela devait éviter à ces derniers d'énoncer des âneries.
Avez-vous remarqué que la réalité et l'horreur des troubles
mentaux psychotiques passe au second plan pour le philosophe, qui semble,
en premier, bien plus horrifié par "l'épouvantable"
fabrication des médicaments destinés à "contrôler
les troubles mentaux" que par l'existence même de ces troubles?
Rappelons une évidence: les médicaments ne doivent leur existence
qu'au besoin qu'on en a. Et celui-ci est la conséquence de l'existence
des troubles mentaux (et pas l'inverse!), comme aussi de l'impuissance
avérée des rêveries philosophiques et pseudo-thérapeutiques
face aux troubles mentaux psychotiques.
Il est vrai que les médicaments "psychotropes" sont, encore
aujourd'hui, imparfaits, insuffisants, une solution boiteuse, un pis-aller
dans de nombreux cas. Cependant, devons-nous regretter le passé, avant
les années 1950, quand nous n'en disposions pas encore, et en revenir
au "bon vieux temps que c'était"? C'est cela, la bonne philosophie?
Est-ce une "philosophie" crédible, celle qui prétend que l'emploi des médicaments psychotropes pour le traitement des maladies mentales est un phénomène déplorable contre lequel il faut s'élever, et qui ne nous propose pourtant rien d'autre qui soit réellement plus efficace? Est-ce une philosophie crédible ou est-ce seulement le rabâchage irréfléchi d'une rumeur, cette désinformation délibérée qui attribue à "l'énorme pouvoir des laboratoires pharmaceutiques" la cause de l'utilisation accrue de ces médicaments, mais qui passe sous silence l'hypothèse alternative, d'ailleurs évidente et avérée par les statistiques: celle de l'échec global des thérapeutiques non médicamenteuses, qui fait qu'on s'en détourne. Est-ce une philosophie crédible, qui omet de signaler que les tenants de ces autres "thérapies" se gardent bien de prouver leur [in]efficacité en n'apportant surtout pas de statistiques de succès et d'échecs vérifiés?
Certains philosophes partagent, par exemple avec des sociologues, une méthode
de raisonnement d'une logique à rebours qui les amène à
des conclusions passant à juste titre pour extraordinaires. Cela semble
parfois leur conférer un poids et un attrait particuliers. La validité
de ces conclusions n'en est pas démontrée pour autant. Leur
imagination propose à ces purs penseurs des modèles (donc
imaginaires) représentant les matières qu'ils croient étudier.
Mais ces matières elles-mêmes, ils n'en connaissent et n'en retiennent
que les éléments qu'ils imaginent plus qu'ils ne les connaissent,
et de ceux-là seulement ceux qui leur paraissent confirmer leurs théories.
Pour eux, c'est la réalité qui doit se plier à leur vision,
et non l'inverse.
Ils croient savoir ce que sont les troubles mentaux, mais ils n'en connaissent
ni n'en fréquentent les victimes, qui sont pourtant les seules de qui
ces troubles mentaux peuvent tirer leur existence et leur réalité.
Mis en ligne le 3 janvier 2003 sous l'intitulé Ethno-psychiatrie: maladie? en réaction à l'article |
paru le 16 décembre 2002 dans La Libre Belgique |
"les mêmes
pathologies que dans un cabinet médical" signé T. D. G. |
19. "On renvoie les gens vers 'Racines aériennes', rue des Steppes, qui offre une aide culturelle à ceux souffrant d'ethno-psychiatrie."
C'est ce que confie le Dr J-L. M. au journaliste qui l'interviewe à
propos de la patientèle de la permanence médicale de MSF .
L'ethno-psychiatrie, ça doit être bigrement douloureux? Et en
plus, cela se cultive! Où cela s'attrape-t-il? Cela ne s'attraperait-il
pas au contact d'''ethno-psychiatres"? Si, par hasard, ces derniers étaient
contagieux, ne devrait-on pas les mettre en quarantaine? (dans une maison
de soins ethno-psychanalytico-culturels?) Décidément, T.D.G.
a un style bien à lui qui nous fait toujours découvrir des choses
étonnantes...
Mis en ligne le 3 janvier 2003 sous l'intitulé Normopathes = non mentaux? en réaction à l'article |
paru le 4 décembre 2002 dans Le Généraliste N°624, p. 6 |
"Psychose: généralistes
démunis mais pas seuls" par Véronique Janzyk |
20. "...des patients normopathes"
C'est, paraît-il, ceux qu'on peut rencontrer dans certaines patientèles
de généralistes, du moins d'après la journaliste Véronique
Janzyk qui, pour le périodique belge "Le Généraliste",
(n°624, 4 décembre 2002, p.6: "Psychose: généralistes
démunis mais pas seuls"), interviewait des participants au
congrès "Penser la psychose" tenu récemment à
Bruxelles (voir notre article "Mirage psy").Vous,
vous connaissiez ces maladies non mentales qu'on appelle des "normopathies"?
Décidément, on n'arrête pas le progès!
Dans ce même article particulièrement instructif sinon informatif,
on peut apprendre que "[...] avec le risque que,[...]
entre unités de crise, longs séjours en milieu hospitalier,
hôpitaux de jour et consultations thérapeutiques, la défaillance
du sentiment continu d'exister qui les caractérise [les
psychotiques] soit redoublée."
On peut aussi lire que les soins au psychotique "auront
pour but de lui permettre de s'autoriser à penser...".
Après pareille lecture, nul doute que le lecteur pourra se permettre
de s'autoriser à défaillir à son tour...