Chap. II
Note 2

La schizophrénie est répandue à peu près uniformément dans le monde entier, toutes les ethnies, cultures et couches sociales.

Ceci résulte d'études commanditées par l'O.M.S., qui sont déjà assez anciennes, et elles demandent un commentaire.

Certains psychiatres (Andreasen, N. Understanding the causes of schizophrenia. NEJM 1999, 340/8, 645-647) voient, dans la constance de la prévalence à vie de la schizophrénie de par le monde, un argument en faveur de facteurs génétiques pour partie à l'origine de cette "maladie". D'autres arguments étayant cette thèse, au moins aussi convaincants, existent aussi. On aura l'occasion d'y revenir. Mais comme la concordance entre jumeaux vrais n'est que de 40-50% et non de 100% - mais néanmoins bien plus élevée que la fréquence dans la population générale, ce qui suffit à prouver l'influence évidente du génome - , l'existence d'autres facteurs s'impose aussi à nous; ils sont présents cette fois dans le milieu: ce sont les facteurs environnementaux.

Des études épidémiologiques et des méta-analyses (c.à.d. reprenant et regroupant des études précédentes faites par d'autres), rassemblant des cas collationnés depuis 1935 jusqu'à nos jours, pour certains suggéreraient que la saison de naissance, la naissance en milieu urbain, etc., constitueraient des facteurs supplémentaires de risques. La signification statistique de pareilles études devrait être sérieusement contrôlée, les limites de sa fiabilité (ses "intervalles de confiance") devraient être mieux explicitées. Il est certes normal que, pour pouvoir disposer d'un nombre aussi élevé que possible de cas sur lesquels solidement asseoir une étude statistique, on soit tenté de rassembler en une seule masse le plus grand nombre possible d'études distinctes publiées de par le monde.

Cela incite à y inclure toutes sortes d'études: d'une part déjà anciennes (depuis 1935), d'autre part venant d'horizons médicaux ou philosophiques disparates. Par ailleurs, nous savons (même si certains préfèrent l'oublier) que le diagnostic de schizophrénie ne repose, aujourd'hui encore,
essentiellement que sur la nosologie psychiatrique. Cette dernière a énormément et fréquemment varié, tant au cours du temps que selon les modes ou les fantasmes (la fantaisie) de ses utilisateurs!

C'est dire qu'en plus des incertitudes introduites par l'emploi de méta-analyses (il n'est malheureusement pas possible d'entrer ici dans des considérations de technique statistique), l'homogénéité statistique des observations ainsi rassemblées peut fort bien être illusoire, alimentant de perpétuelles polémiques entre professionnels à propos de la "vraie" fréquence de la schizophrénie ici ou là dans le monde. Autrement dit, l'apparente autorité conférée aux études épidémiologiques par les grands nombres de cas (plusieurs milliers, mais sur plus de 40 ans) risque d'être ébranlée par la variabilité statistique (la variance, l'hétérogénéité) incontrôlable - et impossible à évaluer - introduite dans les échantillons étudiés: justement à cause de l'ampleur, de la durée, et de la diversité au sein d'un échantillonnage non planifié scientifiquement - et, est-il besoin de le rappeler, quasi impossible à planifier de façon indiscutable.

Comment, alors, réconcilier ces notions d'uniformité et de constance de la prévalence à vie de la schizophrénie qu'on affirme bien haut, avec l'influence qu'en même temps certains veulent attribuer à l'urbanisation, à l'exposition à divers toxiques du système nerveux, au régime alimentaire (sans parler des habitudes "culturelles"...)? Voyez aussi
1% de la population
Tous ces facteurs-là, sont-ils donc, depuis toujours, et même aujourd'hui encore, aussi parfaitement et uniformément répartis sur la surface de la planète toute entière?

En réalité, ces facteurs-là, comme aussi celui des grossesses hivernales (qui donneraient naissance à une proportion anormalement élevée de futurs schizophrènes), nous avons l'intuition qu'ils devraient être défavorables: ils ne nous plaisent pas, ils nous sont intuitivement suspects. Comme tels, ils méritent que nous les surveillions plus attentivement. Mais leur culpabilité effective est loin d'être établie. Par conséquent, si d'office et sans preuves nous les déclarions coupables, nous devrions craindre que d'autres suspects, peut-être enfin les vrais coupables, pourraient nous échapper dès lors que nous ne les rechercherions plus...


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