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La GÉNÉTIQUE du XXIème siècle n'est plus celle des deux siècles précédents. Et quand, aujourd'hui, elle s'efforce de distinguer et de classer les affections psychiatriques complexes d'après des critères enfin solides, elle est devenue trop compliquée pour être expliquée au public de manière qu'elle lui soit raisonnablement accessible.

"The expression of genetic factors is rarely independent of the environment, and the discussion of genetic or environmental forces, in the absence of the other, may be limited in meaning from both the theoretical and clinical standpoints. It is for this reason that research paradigms in genetic epidemiology are particularly useful for not only elucidating the separate roles of nature and nurture, but also the importance of their interaction in determining phenotypic expression."
K.R. Merikangas and J.D. Swensen: "Genetic Epidemiology of Psychiatric Disorders", Epidemiol Rev 19(1), 144-155 1997.
(L'expression des facteurs génétiques [n']est [que] rarement indépendante de l'environnement, et la discussion à propos des rôles respectifs des forces génétiques ou environnementales, en l'absence [des unes ou] des autres peut n'avoir que peu de signification, tant du point de vue théorique que du point de vue clinique. C'est pourquoi les paradigmes de la recherche en épidémiologie génétique sont particulièrement utiles, non seulement pour élucider les rôles respectifs de la nature et de l'éducation, mais aussi pour [mesurer] l'importance que leur interaction prend dans le déterminisme de l'expression du phénotype.)

"Genes, obviously, do not directly cause clinical symptoms; these are mediated at the protein, biochemical pathway, cellular systems, and regional brain level prior to symptom formation. Thus, if genes contribute at all of these levels, finding a biological marker (endophenotype) for deviance that makes one more vulnerable to illness could lead to precise tools for early detection and treatment targets."
L.E. DeLisi: "An Overview and Current Perspective on Family Studies of Schizophrenia"
in: Handbook of Neurochemistry and Molecular Neurobiology.
Vol. Schizophrenia, (editors: Daniel C. Javitt & Joshua Kantrowitz) pp. 494-504.
Springer-Verlag New York Inc.; 3rd ed. 2009 ISBN-10: 0387303650 ; ISBN-13: 978-0387303659

("De toute évidence, les gènes ne sont pas la cause directe des symptômes cliniques; ces derniers sont produits par l'intermédiaire des protéines, des circuits du métabolisme biochimique , des systèmes cellulaires et au niveau régional du cerveau, préalablement à la formation des symptômes. Ainsi, si des gènes interviennent à tous ces niveaux, découvrir un marqueur biologique (un endophénotype) d'une déviance rendant plus vulnérable à la maladie pourrait conduire au développement d'outils précis pour la détection et le traitement précoces de cibles spécifiques.")

Sur la toile d'Internet, on peut visiter de nombreux sites "tous publics" dont les "responsables" (d'évidente bonne volonté dans leur grande majorité), tous fort variablement qualifiés et compétents quant aux sujets traités, s'efforçent d'informer à propos d'instruction, d'éducation ou de santé en général, et l'on peut sans difficulté trouver des forums de discussion acceptant d'aborder à peu près n'importe quel sujet d'actualité et d'intérêt général pour le "grand public".

Tout en se méfiant ou en évitant les sites à vocation prédominante de publicité purement commerciale ou intéressée (par exemple, on sera peut-être plus vigilant et critique quant aux annonces de produits et de firmes pharmaceutiques - ou parfois se prétendant telles ;^o ), chacun peut choisir, selon ses thèmes d'intérêts personnels ou sa curiosité, de ne lire de préférence que les sites qui se préoccupent de "santé mentale" et de "maladies mentales" et se consacrent à l'information sur tous les nombreux aspects les plus divers et variés qui, de près ou de loin, concernent ces domaines; (pourtant, on se méfiera aussi des sites dont les rédacteurs restent prudemment anonymes, surtout s'ils expriment des avis tranchés et sans nuances, ou des opinions péremptoires dont les origines, les sources et les justifications restent obscures et dont la validité souvent peut paraître douteuse, voire contestable).

Au cours de cette exploration et à la suite de pareille lecture (plutôt fastidieuse voire rebutante si on s'astreint à procéder avec ordre et méthode malgré un évident chaos propre à la toile), on ne peut manquer d'être frappé par la confusion, par l'abondance des idées toutes faites mais fausses et par l'ignorance qui, très généralement, règnent entre et dans les diverses opinions exprimées par de nombreux internautes - et donc reflètent le contenu de leur esprit et sans doute aussi celui du "grand public" dont ils font partie - à propos du rôle qu'ils attribuent ou que, plus souvent encore, ils dénient à la "génétique" dans l'apparition des affections mentales chroniques. En effet, pour de nombreuses personnes (et malheureusement, même pour des diplômés en psychologie, moins rares qu'on ne pourrait le supposer a priori, car eux aussi et comme tout le monde peuvent partager des croyances non fondées), "génétique" semble synonyme de "héréditaire" et impunément interchangeable avec ce terme.
(voyez, par exemple, ce qu'on en dit, encore tout récemment [lu le 10 mai 2013] dans l'article consacré à la schizophrénie de l'encyclopédie en ligne wikipedia francophone, où par exemple les endophénotypes semblent totalement ignorés! Et où on nous dit: «La schizophrénie n'est pas une maladie génétique, mais la conséquence physiologique d'un dysfonctionnement établi durant la crise psychotique [que prétend-on démontrer par pareille pétition de principe? - J.D.]. Certains gènes dits « marqueurs de susceptibilité » sont étudiés pour leur lien avec le développement d'une schizophrénie. Dans l'état actuel des recherches, aucun gène ne provoque à lui seul une schizophrénie») [et vive les contradictions oxymoriques et les pétitions de principe!]

Par conséquent, dès qu'on leur en parle, de très nombreuses personnes de toutes conditions et diversement cultivées et instruites imaginent aussitôt et se croient justifiées et autorisées à affirmer avec une assurance catégorique leur conviction - qui bien souvent ne souffre aucune discussion - que si un adolescent développe, par exemple une schizophrénie ou un trouble bipolaire alors que ses parents sont notoirement indemnes de maladie mentale, alors selon eux bien sûr, la schizophrénie (ou le trouble bipolaire) "ne peut pas être génétique", mais au contraire doit nécessairement résulter d'influences néfastes présentes à coup sûr dans l'environnement (familial, éducatif, social, professionnel et/ou culturel) et dans l'éducation (mauvaise ou bonne!) que le malade a reçue (ou non!). Ce qui signifie habituellement pour ceux qui s'obstinent à croire cela, et même si certains ne le disent qu'à voix basse, que les psychoses chroniques sont des maladies acquises ("attrapées") par l'effet contagieux de "mauvaises influences" indéterminées et indéfinies mais dont on suggère à demi-mot l'existence par des insinuations plus ou moins voilées et qu'on vous laisse alors imaginer et choisir à votre guise parmi et selon vos idiosyncrasies et aversions personnelles...

Bien que toujours aussi fausse, la même conviction peut encore et tout aussi bien s'appuyer sur l'exemple opposé, c'est-à dire celui des cas d'adolescents et d'adultes n'ayant pas développé d'affection psychotique, bien que nés d'un (ou même des deux) parent(s) pourtant victime(s) eux-mêmes de pareilles affections.

A l'origine du rejet quasi viscéral de l'idée du rôle du génome dans la naissance d'une affection mentale chronique, rejet encore toujours fort présent dans les esprits chez une fraction importante (peut-être même majoritaire?) de nos populations d'Europe occidentale, on peut soupçonner qu'existe un certain besoin de trouver, aux désordres mentaux encore toujours mystérieux et vecteurs de honte et menaçants pour la plupart des gens, les responsables les plus immédiatement et donc les plus aisément accessibles qu'on peut alors s'empresser de désigner à la vindicte populaire, ou encore à l'administration de la "Santé officielle et publique"!

La croyance en ces responsables présumés, ces boucs émissaires faciles et bien commodes, autorise tous les superstitieux et les adeptes de diverses religions - et les conformistes de tous poils qui, tels les moutons de Panurge, leur emboîtent le pas silencieusement mais assez servilement - à surtout éviter d'accuser la "Nature" (dont notre patrimoine génétique fait bien sûr lui aussi partie), accusation qui pour eux équivaudrait à attribuer à l'unique et infiniment bonne divinité de leur choix/foi, créatrice de toutes choses (bien que porteuse d'attributs et de noms différents dans nos diverses religions monothéistes?) la responsabilité de l'existence des maladies mentales chroniques, ce qui serait une accusation inadmissible par les bien-pensants, car ressentie par eux comme un véritable blasphème.

Il existe cependant encore d'autres raisons moins "psychologiques" et plus matérielles et concrètes expliquant cette méfiance (ou cette incrédulité, ou encore ce scepticisme voire cette aversion) envers l'intervention reconnue et la responsabilité bien avérée de la génétique dans les mécanismes soupçonnés d'engendrer les psychoses. Ces raisons-là trouvent leur origine dans l'histoire des progrès de nos connaissances scientifiques, celle des progrès des neurosciences et des avancées très rapides de la génétique survenues en à peine quelques décennies.
Ces véritables révolutions de nos connaissances sur le génome humain (mais qui valent aussi pour tout le règne vivant aussi bien végétal qu'animal!) ont été à tel point rapides, nombreuses et fondamentales, que leur importance, pour la compréhension du fonctionnement cérébral et de tout ce que ces progrès impliquent comme nécessaires changements présents et à venir pour l'ensemble des concepts de base de la psychiatrie, semble n'avoir pas été encore vraiment ni complètement assimilée par nos professionnels, nos praticiens et "pratiquants quotidiens" sur le terrain de la "santé mentale".

Ceux-ci, sauf peut-être d'assez rares exceptions, très vraisemblablement en sont encore restés à leurs classifications et diagnostics psychiatriques purement intuitifs et descriptifs traditionnels auxquels ils s'étaient plus ou moins confortablement habitués depuis longtemps.
Le retard de savoir déjà important qu'ils ont pris sur l'état actuel des connaissances des sciences du vivant ne pouvait que s'accentuer encore un peu plus dans le public en général (puisque forcément, le grand public ne peut qu'être, très naturellement, "à la traîne" des chercheurs [et des] professionnels, et surtout de ces pionniers qui, par définition, par métier et vocation s'efforçent, malgré les difficultés, d'être, par leur savoir, en avance sur les idées dominantes et/ou reçues qui, en général, continuent de s'échanger tout en stagnant encore trop longtemps dans la masse de leurs contemporains).

Dans deux autres textes figurant sur ce site, dont l'un déjà ancien, j'avais déjà indiqué que, telles que vues par notre psychiatrie depuis que celle-ci existe, "les psychoses sont des constructions conceptuelles composites" (v. Fabrications), et aussi que "[...] Ces affections qu'on appelle les “maladies mentales” pourraient bien n'être en fait que des ré-assemblages artificiels et aléatoires de signes et symptômes. Personne aujourd'hui ne sait si les mosaïques [psychiatriques] ainsi [composées] ou recomposées ont une réelle existence unitaire, une [véritable] “identité”, ou s'il s'agit seulement de ce que les biologistes pourraient plus correctement désigner du terme [à connotation mythique, bien qu'ici biologique et] technique mais combien évocateur et pertinent d'[arbitraires] chimères psycho-biologiques." (v. La Schizophrénie.PDF, p.13). [les termes entre crochets ont ici été rajoutés - en 2013 - au texte de 2006].

On peut résumer cela assez simplement en disant que les affections mentales psychotiques, telles qu'aujourd'hui elles sont encore toujours identifiées et considérées comme distinctes les unes des autres par la psychiatrie en Europe occidentale, ne le sont qu'arbitrairement et intuitivement sur la base de critères purement descriptifs et de métaphores et analogies se voulant suggestives. Ce sont en réalité des "tableaux cliniques" dont l'identité (qui ne se fonde pas sur la base d'une cohérence et de l'homogénéité internes, bien qu'elle devrait s'y efforcer) n'est, au contraire, que superficielle, artificielle (intuitive) et illusoire, parce que leurs contenus organiques (physiques et biologiques réels ) sont en réalité variables et surtout hétérogènes.
Mais ces tableaux cliniques, bien que semblant distincts par leur apparence "visible", peuvent néanmoins partager les uns avec les autres certaines origines et mécanismes biologiques qui leur sont pour partie communs (mais aussi pour partie distincts).

Et c'est ici que les trois concepts de génotype, de phénotype et d'endophénotype acquièrent et prouvent leur utilité: le dernier membre de ce trio prend de nos jours bien plus d'importance encore pour la psychiatrie que les deux premiers qui avaient déjà été "inventés" et proposés pour cette discipline (et aussi pour d'autres comme, p.ex. l'endocrinologie!) dès le début, puis pendant les deux premiers tiers du siècle passé. Aujourd'hui, grâce aux fulgurants progrès du grand chantier actuel d'exploration et de décryptage du génome humain, ces trois concepts réunis permettent d'enfin "disséquer" le contenu biologique - et fonctionnel - des affections psychotiques chroniques, au lieu de continuer de ne se fier, comme naguère encore, qu'à leurs apparences globales "extérieures" et superficielles, et à s'obstiner à ne suivre que des mirages, des ombres trompeuses, des fausses pistes imaginaires (inventées) et sans issues.

On voit arriver à grands pas le temps où on sera capable de distinguer, dans le tableau clinique, ce qui est "biologiquement héritable et hérité", donc ce qui serait en quelque sorte comparable à "un héritage naturel biologiquement transmissible de 'caractéristiques biologiques et psychologiques' aux conséquences phénotypiques peut-être défavorables mais souvent seulement partielles dans le tableau clinique", de ce qui est, ensuite et en "supplément", rendu éventuellement possible par cet héritage et peut-être alors "acquis en réponse à l'influence de l'environnement".
Contre ce "supplément" toutefois, on peut imaginer qu'on serait sans doute capable de se prémunir dès lors qu'on serait déjà mis en garde (le plus précocement possible!) par la connaissance de l'héritage et de la menace que celui-ci pourrait éventuellement représenter.

Certains, qu'ils soient amateurs plus ou moins éclairés ou même "psys" praticiens professionnels, en sont semble-t-il demeurés à ce que, de leur temps on leur a (peut-être?) enseigné des lois de la génétique mendélienne (comme souvent on le fait encore de nos jours dans certains enseignements "généraux" et rudimentaires d'une biologie tout à la fois simpliste et superficielle, approximative mais aujourd'hui dépassée). Ces personnes-là ne semblent pas avoir pris conscience de ce que la génétique a considérablement évolué et progressé depuis Gregor Mendel et Thomas Hunt Morgan! (alors que, littéralement, elle explose actuellement!)

Ces retardataires et une bonne partie du grand public croient encore toujours qu'une maladie ne peut être qualifiée de "génétique" (un vocable qu'ils prennent erronément pour un simple synonyme d' "héréditaire") que si et seulement si un seul allèle de gène (dit "dominant") est nécessaire et suffisant pour la faire apparaître chez son porteur (c.-à d. si au moins un des deux parents est visiblement atteint lui aussi) ou, à la rigueur, si deux allèles d'un même gène (dit cette fois "récessif") peuvent à eux deux mener au même résultat (ou bien si père et mère sont tous deux malades, p.ex.). Cest aussi ce que semble suggérer la référence de wikipedia francophone citée plus haut, bien que le contexte de cette phrase plutôt sibylline puisse paraître quelque peu ambigu et que, pour le moins, le doute puisse planer sur l'interprétation que son auteur a voulu donner de sa phrase et du sens des termes employés...

«Aucun gène ne provoque à lui seul une schizophrénie» nous assène-t-on donc dans l'article de wikipedia francophone consacré à la schizophrénie. Peut-être peut-on en effet se permettre d'affirmer cela, mais seulement pour autant qu'alors on ne se permette surtout pas d'oublier (délibérément?) de préciser par la même occasion qu'on sait fort bien et depuis déjà pas mal de temps que les schizophrénies sont des affections polygéniques, car sinon ce serait refuser de reconnaître (comme par une sorte de mensonge par omission, c.-à d. sans doute la possible séquelle idéologique probablement héritée d'une tradition psychanalytique encore trop bien "imprégnée"?) que les affections mentales psychotiques et chroniques sont effectivement des maladies génétiquement complexes. Ceci n'est pourtant nullement ignoré en France (ni en Belgique), sauf de ceux et par ceux qui, bien que se disant professionnels, n'en veulent rien savoir malgré que ces notions sont très officiellement et publiquement enseignées! : voyez par exemple www.chu-rouen.fr/ssf/biol/genetiquemedicale.html et
umvf.univ-nantes.fr/genetique-medicale/enseignement/genetique_5/site/html/cours.pdf).

Rappelons, brièvement et seulement pour mémoire, quelques notions (ici bien sûr simplifiées) généralement bien connues aujourd'hui:

> Le génotype complet d'une personne, c'est l'ensemble des allèles (c.-à d. des deux versions présentes) de tous ses gènes, c.-à d. le répertoire complet de son ADN.
> Le phénotype d'une personne est la globalité, l'ensemble des caractéristiques observables et quantifiables (mesurables et/ou "opérationnalisables") rassemblées chez cette même personne. Ces caractéristiques sont de nature fondamentalement biologique, c'est-à dire qu'elles sont morphologiques et anatomiques, physiologiques et donc biochimiques (fonctionnelles), et éthologiques c'est-à dire comportementales. C'est ce qu'on pourrait sans doute comparer à une sorte de "dossier anthropométrique" de la personne (mais bien plus complet et diversifié qu'une simple collection de banales photographies . Ce phénotype est le résultat de l'interaction du génotype avec l'environnement dans lequel il est plongé (et dont il subit évidemment l'influence) .

> Quant à l' endophénotype, c'est en quelque sorte une fraction, de prime abord non apparente de phénotype, une sorte de phénotype "intermédiaire" et "sous-jacent" à celui que tout le monde peut "voir", c'est une caractéristique - ou une propriété - (biologique et physiologique) de l'individu située quelque part dans cette chaîne de réactions biochimiques qui va de ses gènes - qui au départ en sont responsables - jusqu'à son phénotype global et "final".

Pour être reconnu comme tel, on estime qu'un endophénotype doit être "stable", c.-à d. qu'il doit persister et être indépendant des éventuelles variations d'activité et d'intensité qui peuvent survenir dans la manifestation de l'affection psychiatrique (en principe, il persiste malgré les apparentes "rémissions" de l'affection "visible").

L'endophénotype doit être identifiable et distinct des autres composantes manifestes du phénotype "visible" chez une personne atteinte donnée; chez les jumeaux mono- et dizygotes et au sein des familles où on le retrouve (chez les apparentés éventuellement malades comme chez certains non malades), il doit être plus fréquent et plus héritable que dans la population générale: ("Endophenotypes are not discernible to the unaided eye or ear - they are not the signs or symptoms of psychiatry. [...] Endophenotypes for psychopathology can be neurocognitive, neurophysiological, neurodevelopmental, biochemical, endocrinological, or neuroanatomical." (D.L. Braff et al.,: "Deconstructing Schizophrenia: An Overview of the Use of Endophenotypes in Order to Understand a Complex Disorder". Schizophr Bull. 33 (1), pp 21 - 32, 2007. ( "Les endophenotypes ne sont pas visibles à l'oeil nu ni audibles à l'oreille - ce ne sont pas les signes ni les symptômes de [c.à.d. utilisés par - JD] la psychiatrie. [...]. En psychopathologie, les endophénotypes peuvent être neurocognitifs, neurophysiologiques, neurodéveloppementaux, biochimiques, endocrinologiques ou neuroanatomiques.")

Si l'on voulait donner des exemples d'endophénotypes, on pourrait citer, entre autres, le déficit en récepteurs cholinergiques nicotiniques α7 (mentionné dans l'article "Progrès Divers"), et l'altération de la capacité à focaliser l'attention qui résulte de ce déficit. Cet endophénotype peut heureusement être précocement soupçonné et facilement détecté, puisqu'il se manifeste déjà chez le nourrisson par l'absence d'atténuation de la réaction de sursaut (le "startle reflex" et la "prepulse inhibition" en anglais) à la répétition d'un bruit inattendu (ce test où l'on frappe dans ses mains pour simplement les faire bruyamment claquer est également depuis longtemps en usage, dans les maternités, très peu après la naissance pour vérifier que le nouveau-né entend bien).
Un autre exemple possible d'endophénotype serait celui de la poursuite oculaire ("smooth pursuit eye movements" en anglais) d'une cible visible et se déplaçant selon une trajectoire régulière et continue (poursuite qui s'effectue par saccades manquant de fluidité chez les personnes souffrant de schizophrénie). Ce test oculaire et "visuel", bien que déjà praticable chez le nourrisson et le très jeune enfant, ne peut toutefois être mis en pratique que plus tardivement que dans l'exemple précédent.
Un troisième exemple possible a été proposé: celui des déficits de la mémoire spatiale de travail (Glahn, DC et al., Biol Psychiatry 2003; 53: 624 - 626 ). Ce déficit-là n'est malheureusement mesurable que bien plus tardivement qu'il est possible de le faire pour les deux premiers (on l'observe et le mesure chez les adolescents et les adultes, et il a fait l'objet d'observations détaillées chez des patients schizophrènes dans une récente thèse française de doctorat: v. http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/15/60/57/PDF/These_celia_MORES_DIBO-COHEN.pdf 2006).

Jusqu'à présent, seuls les chercheurs s'efforcent de découvrir et débusquer ces endophénotypes. Ils le font en comparant les signes et les symptômes (biologiques, métaboliques, physiologiques, etc.) des malades avec ceux de leurs jumeaux mono- et dizygotes, et en en recherchant aussi la présence le plus souvent ignorée (parce que souvent "atténuée", c.-à d. plus discrète) au sein des familles, chez les apparentés en ligne directe des malades.
Il s'agit là d'un très long travail de recherche, de prospection et d'exploration - épidémiologique et sociologique - qui, progressivement, devrait permettre de regrouper les affections mentales chroniques, non plus en quelques grandes catégories fourre-tout intuitivement et arbitrairement définies d'après leurs apparences, et peut-être souvent faussement séparées les unes des autres ("troubles de la pensée" ou "schizophrénies", "troubles de l'humeur" ou "affections bipolaires" et "dépressions", etc.), mais cette fois distinguées en affections désormais définies sur la base moins arbitraire et aléatoire, plus fiable et mieux vérifiable d'au moins une partie significative de leur véritable contenu biologique, contenu aussi proche que possible de leurs diverses "origines causales".

Les chercheurs espèrent que la redistribution des "étiquettes" attribuées aux affections mentales grâce à cette "déconstruction" permettra d'en cibler mieux et plus spécifiquement la/les thérapeutique(s); cet espoir est toutefois mis en doute par certains sceptiques, et le nombre limité des endophénotypes jusqu'à présent identifiés avec certitude ne permet pas encore de prédire dans quelle mesure ils aideront à développer des thérapeutiques plus specifiques, donc plus efficaces, que celles disponibles aujourd'hui.

Il nous faut cependant rester patients et prudents, et garder à l'esprit qu'à l'heure actuelle, seuls quelques endophénotypes ont été identifiés. Parmi ceux-ci, il n'y en a encore que fort peu qui sont détectables au moyen d'un simple test d'examen neurologique d'application aisée et rapide (p.ex. le test de sursaut atténué à la répétition d'un bruit), ou d'autres dont on peut arbitrairement postuler la possible présence sans être nécessairement obligé de s'en assurer par des analyses ou des tests compliqués et dispendieux, p.ex. pour administrer systématiquement en période périnatale, p.ex. de la phosphatidyl-choline ou de la vitamine B12 et de l'acide folique, qui sont de toutes façons des "nutriments" inoffensifs aux doses utiles: ce serait là déjà une première ébauche généralisable d'une prévention (même si seulement partielle).

Pour trouver d'autres endophénotypes des affections mentales chroniques, il faudra toutefois attendre que la technologie des tests génétiques progresse encore un peu plus pour que ces tests deviennent praticables en routine et soient suffisamment automatisés pour en rendre l'accès financièrement abordable à tous (à la manière de l'identification de l'ADN en matière judiciaire, p.ex.).
Mais là, je veux croire qu'on peut se montrer optimiste: à la manière des ordinateurs qui en sont les auxiliaires, les technologies de la génétique évoluent elles aussi à grande vitesse dans le monde entier.


Première publication: 24 Juin 2013 (J.D.) Dernière modification: 24 Juin 2013

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